A Riga, l'OTAN hausse le ton contre la Russie
Lors de la rencontre des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN, mardi et mercredi à Riga, le secrétaire général de l'alliance, Jens Stoltenberg, a prévenu le Kremlin qu'il "paierait au prix fort" une nouvelle invasion de l'Ukraine. Le ministre américain des Affaires étrangères, Anthony Blinken, a affirmé être en possession d'éléments attestant de l'existence d'un tel plan, et évoqué des sanctions économiques. La presse européenne tâche d'interpréter ces signaux.
En cas d'attaque, Kiev serait livrée à elle-même
Pour taz, les promesses de soutien de l'OTAN à l'Ukraine ne sont que des paroles creuses :
«Si la Russie devait bel et bien envahir l'Ukraine, l'OTAN ne bougerait pas le petit doigt. L'hypothèse que l'Ukraine puisse devenir membre de l'alliance de défense occidentale relève elle aussi du fantasme. Kiev pourrait tout au plus bénéficier de quelques armes supplémentaires. Mais dans une mesure insuffisante pour que la dissuasion soit efficace.»
Les victimes du nouvel ordre mondial
D'autres pays subissent le sort que connaît actuellement l'Ukraine, analyse De Volkskrant :
«On peut faire des parallèles avec la situation de Taïwan, qui se trouve dans l'ombre de Xi. En effet, Kiev et Taipei combattent toutes deux leur isolement stratégique et sont l'exemple d'un ordre mondial 'post-américain' dans lequel les grandes puissances revendiquent un droit d'intervention dans les pays de leur voisinage - sans qu'il ne se trouve de puissance adverse susceptible ou désireuse de les dissuader d'arriver à leurs fins. Ces deux pays ne sont pas les premiers à être menés sur l'autel sacrificiel du nouvel ordre mondial. La communauté internationale a déjà observé, impuissante, la Chine placer Hong Kong sous sa domination directe. L'Ukraine avait déjà été amputée de son territoire en 2014, et avant cela, il y avait eu la guerre de Géorgie en 2008.»
Bientôt la trêve de Noël
Radio Kommersant FM assure que les tensions sont surfaites :
«La surenchère profite à toutes les parties. Il n'existe pas de meilleur dérivatif pour l'opinion publique que la perspective d'une guerre funeste. Chacun, du reste, a ses propres problèmes ; le tout est de ne pas exagérer. Le scénario est clair, lui aussi : Poutine et Biden se réuniront, et à l'issue de la rencontre, chacun annoncera avoir remporté une victoire diplomatique. L'attention se relâchera quelque temps et on pourra tranquillement fêter Noël, en attendant la prochaine escalade. Le problème principal, c'est l'absence de feuilles de route susceptibles de résoudre la crise dans le Donbass.»
L'OTAN pourrait être prise de court
La situation dans la région est très fragile, souligne Avvenire :
«Riga est menacée par les missiles Iskander stationnés à Kaliningrad et redoute une attaque menée par les 50 000 soldats que Vladimir Poutine a déployés entre la Crimée et le Bélarus. … Si des combats avaient lieu en Ukraine, le territoire de Suwałki, limitrophe des pays baltes, serait le premier à capituler. … Le corridor terrestre de Suwałki est le seul qui relie les Etats baltes aux pays de l'UE et aux alliés de l'OTAN. C'est un point sensible de l'alliance atlantique, constamment mis sous pression par les missiles et les avions de chasse russes. Un véritable problème pour l'OTAN, qui aurait les mains liées et ne serait pas en mesure de venir aider à temps l'Estonie, la Lituanie et la Lettonie.»
Saler l'addition pour Poutine
Der Tagesspiegel préconise de livrer des armes à l'Ukraine :
«Il n'est pas question de mettre le pays en mesure de vaincre la Russie. Il suffit que Poutine, en cas d'attaque, escompte une addition si élevée - tant en termes de cercueils pour les soldats russes que de sanctions - qu'il préfère y renoncer. Dans le Donbass, où se joue une guerre hybride, les milices soutenues par Moscou ont retiré leurs chars quand elles ont appris que les Etats-Unis avaient livré à l'Ukraine des armes capables de perforer les blindés. Avant de décider d'occuper la Crimée en 2014, Poutine ne savait pas clairement ce qu'il lui en coûterait.»
L'Ukraine n'est pas la seule menacée
Les ministres des Affaires étrangères des Etats membres de l'OTAN devraient aborder le sujet de la menace russe, réalité dans nombre de régions d'Europe, estime le journaliste Olexandr Gorobets sur lb.ua :
«Actuellement, il y a un risque d'escalade en Ukraine. On aurait toutefois tort de croire que tous les autres pays européens sont à l'abri d'une invasion russe. Mais les événements en Ukraine ont détourné l'attention des régions non moins importantes de la mer Noire et de la mer Baltique. En effet, la modernisation et le renforcement des troupes stationnées à Kaliningrad, désormais dotées de systèmes balistiques Iskander 2018, représentent une menace pour l'Europe centrale, compte tenu de la portée de ces missiles.»
Des rodomontades contreproductives
Dans Ekho Moskvy, la politologue Liliya Chevtsova énumère les répercussions de la stratégie de la tension poursuivie par Poutine :
«Premièrement, cette politique mine la survie des détendeurs russes de capitaux placés en Occident. Deuxièmement, l'Etat russe peut moins profiter de l'Ouest en attisant les tensions. Troisièmement, l'Ouest se trouve obligé de se remilitariser. Même l'Europe, habituée à être protégée sous le parapluie américain, sort lentement de sa torpeur et s'est résolue à réfléchir à ses capacités de défense. ... En menaçant de faire voler en éclats le statu quo à tout moment et en tous points de la planète, la Russie tente de préserver son rôle dans le monde. Les dirigeants russes ont besoin de cette hégémonie mondiale pour compenser leur incapacité à réinventer la Russie par le biais de changements intérieurs.»