Russie : protestation en plein JT
Lundi soir, Marina Ovsiannikova, journaliste de la chaîne de télévision d'Etat russe Pervy Kanal, a fait irruption sur le plateau du programme d'information du soir, brandissant une pancarte contre la guerre en Ukraine et la propagande. Une action qui n'a duré que quelques secondes, mais visionnée par des millions de téléspectateurs. Ovsiannikova a été arrêtée ; elle a été relâchée ensuite mais devra payer une amende. La presse salue son initiative.
Une héroïne pour les livres d'histoire
Dans Novaïa Gazeta, le journaliste Alexander Minkine érige Marina Ovsiannikova au rang de héros :
«Elle savait les risques qu'elle prenait. ... Mais ses enfants seront fiers d'elle toute leur vie. ... Moi-même, j'envie Ovsiannikova. Car si mes articles seront lus avec un peu de chance par des centaines de milliers de personnes, son appel aura été entendu par des millions de personnes. ... Et celles-ci ne lisent pas les journaux, ce qui en fait un auditoire primordial - un auditoire qui n'avait entendu que des arguments favorables à la guerre jusqu'à l'intervention de Marina. Lorsque la vie politique sera normalisée et ce délire étatique révolu, Ovsiannikova entrera dans les livres d'histoire. Car les noms des héros figurent toujours dans les livres d'histoire.»
Une course de fond
Dans sa couverture de l'action, le journal russe critique du Kremlin Novaïa Gazeta, dirigé par le prix Nobel de la paix Dmitri Mouratov, a flouté la pancarte d'Ovsiannikova, ce que de nombreux observateurs ont critiqué en Roumanie. Dans Libertatea, l'auteur Vasile Ernu estime pour sa part qu'il s'agit d'un choix judicieux :
«Ce n'est pas en orchestrant le plus gros battage médiatique que l'on gagnera la partie, mais en faisant preuve de résilience et de sang-froid. ... Je soutiens l'équipe de Novaïa Gazeta, car elle suit la bonne stratégie. L'expérience des dissidents soviétiques nous enseigne que pour avoir des chances de victoire, il faut organiser une résistance durable et opiniâtre.»
La liberté de la presse, menacée partout
Politiken évoque la situation de la liberté de la presse en Occident :
«L'impressionnant courage de Marina Ovsiannikova nous rappelle que l'on ne peut jamais considérer la liberté de la presse comme allant de soi. ... La Finlande est un Etat démocratique, mais même dans ce pays, la liberté d'opinion est sous pression. Trois collaborateurs d'un journal y encourent une peine de prison pour avoir écrit des articles sur les renseignements militaires finlandais. Est-ce inédit dans une démocratie ? Non, malheureusement. De nombreux journaux danois ont reçu il y a quelques semaines la visite de cadres des deux agences de renseignement danoises, qui les ont ouvertement menacés de poursuites pénales s'ils osaient divulguer des secrets.»