Journée de l'Europe : entre controverses et réformes
La presse commente la longue liste de réformes évoquées à l'occasion de la Journée de l'Europe et de la conclusion de la Conférence sur l'avenir de l'UE. Peut-on vraiment envisager que les pays membres adoptent une révision des traités qui permette de lever le vote à l'unanimité ? Que penser de l'idée de Macron d'unir les Etats membres et non-membres de l'UE au sein d'une "confédération" plus large ?
L'antichambre de l'UE et ses avantages
Sur le service roumain de RFI, le journaliste Ovidiu Nahoi revient sur l'idée de "confédération" proposée par Macron :
«L'adhésion à l'UE est un processus long et complexe, dont le but est de garantir que l'Etat candidat satisfasse les normes minimales en matière de démocratie et de viabilité institutionnelle. Il est primordial du reste que celui-ci dispose d'une économie concurrentielle capable de s'affirmer sur le marché intérieur. On peut légitimement craindre qu'un processus d'adhésion précipité, qui serait provoqué par un enthousiasme généralisé, nuirait à l'Etat candidat, mais aussi à l'Union. ... La création d'une sorte d''antichambre de l'UE' aurait donc ses avantages.»
Attention, terrain glissant !
Il serait risqué de réviser les traités européens, prévient Le Soir :
«Revoir les traités, c'est aussi dérouler le tapis rouge aux sceptiques, aux nostalgiques de l'Etat-nation, aux agités du national-populisme. C'est la démocratie. Mais réviser ne conduit pas immanquablement à plus et mieux d'Europe. Le risque existe d'un recul, là où l'on visait un progrès. ... Aussi, de grands sursauts peuvent surgir d'une véritable volonté politique, à périmètre de traités constant. … Alors, réviser les traités ? Oui si, comme le dit Emmanuel Macron, l'objectif est 'très clairement' identifié, circonscrit et conforte le projet européen, de paix, de valeurs, de protection sociale, de droit. ... Mais ouvrir la boîte de Pandore : prudence !»
Des chantiers clés à lancer sur le champ
Emmanuel Macron promeut des avancées qui ne nécessitent pas de révision des traités européens, souligne le journal Les Echos :
«Sortie des énergies fossiles, outils de défense communs, indépendance alimentaire, etc. Les Européens devront aussi se pencher sur le financement des nouveaux investissements liés à ces priorités, Paris poussant pour un nouveau plan européen alors que Berlin freine. Avec en toile de fond l'adaptation des règles budgétaires et un contexte économique inquiétant. Des chantiers clés qui n'attendront pas une très hypothétique révision des traités.»
Une proposition qui pose problème
Le 1er juin, le Danemark doit se prononcer sur l'abrogation de l'option de retrait du pays en matière de défense. Or von der Leyen et Macron appellent à lever le vote à l'unanimité dans le domaine de la coopération militaire, ce qui renforce les partisans du maintien de l'option de retrait, juge Jyllands-Posten :
«Le souhait d'améliorer la politique de sécurité et de défense commune par le biais de décisions à la majorité part certainement d'une bonne intention. Mais du point de vue du Danemark, trois semaines avant le vote, on ne peut pas dire que la proposition de Bruxelles s'avère très constructive. Il s'agit littéralement d'une action bien intentionnée qui s'avère au final plus néfaste qu'utile.»
Des pistes qui valent la peine d'être étudiées
La conférence est passée largement inaperçue, ce qui a probablement arrangé plus d'un chef d'Etat, estime Süddeutsche Zeitung :
«Ils trouveraient importun que se poursuive la modernisation de l'UE, car celle-ci pourrait engendrer une augmentation du pouvoir du Parlement européen. ... Les chefs d'Etat et de gouvernement seraient cependant bien inspirés de ne pas enfouir au fond d'un tiroir les propositions qui y ont été faites sur les politiques de santé, le climat ou le fonctionnement de l'UE, mais de les étudier sérieusement. ... Notamment pour montrer que cette conférence était plus que ce que beaucoup ont voulu voir en elle depuis le début : une sorte de thérapie de groupe.»
Remédier au risque de paralysie
Der Standard espère une révision du processus décisionnel en matière de politique étrangère :
«Compte tenu de la situation en Ukraine, lourde de menaces pour l'ensemble du continent, il serait par exemple nécessaire aujourd'hui de revoir le principe de l'unanimité qui prévaut dans la politique étrangère européenne. Il n'est pas question ici de l'engagement militaire, mais de l'action politique et de ce qui l'entrave. Mais l'unité, la clairvoyance et la disposition au compromis font défaut. Il y a, au final, un déficit de confiance. Une confiance que l'on pourrait et devrait pourtant témoigner à nos alliés au sein même du 'projet européen pour la paix'.»
Se doter d'une 'boussole pour l'immigration'
El País évoque la politique de l'UE vis-à-vis des réfugiés :
«L'Union devrait s'appuyer sur la dynamique réformatrice de la Conférence sur l'avenir de l'Europe pour comparer les différences dans les traitements réservés aux réfugiés en fonction de leur origine. ... Le rapport évoque la simplification et l'accélération des procédures d'asile, l'harmonisation des critères et la mise en place d'un centre de traitement unique. ... Cette question mérite l'élaboration d'une 'boussole stratégique', à l'image de la récente boussole pour la sécurité et la défense commune. ... L'UE devrait également mettre en place un passeport climatique humanitaire pour les personnes fuyant les catastrophes naturelles ou la destruction de leurs écosystèmes. ... Pour ne pas répéter les erreurs du passé.»
L'antidote à Poutine
Macron a su trouver le ton approprié, se réjouit La Repubblica :
«Le discours de Macron à Strasbourg, en clôture de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, mais aussi pour la commémoration de la victoire sur le nazisme, semblait avoir été délibérément conçu comme un antidote au discours de Poutine. ... Le président français a délivré un discours d'espoir et d'inclusion, avec l'idée d'une communauté européenne des démocraties. Une communauté qui intégrerait en son sein les pays amenés à attendre pendant des années avant de devenir des membres à part entière, comme l'Ukraine, mais aussi de réintégrer ceux qui ont quitté l'Union, comme le Royaume-Uni. Dans cette optique, l'avertissement selon lequel 'la paix ne saurait être bâtie sur l'humiliation de la Russie' n'en est que plus cohérent.»
L'Europe ne perd rien de son pouvoir de séduction
La guerre en Ukraine et les conséquences du Brexit font apparaître l'UE sous un meilleur jour, estime L'Opinion :
«Pour ceux qui sont à l'intérieur du bloc, ces soubresauts à sa périphérie sont à la fois un important rappel que malgré tous ses défauts, le projet européen porte des valeurs démocratiques qui restent séduisantes face à une Russie impérialiste, à des Etats-Unis potentiellement trumpistes, et à une Chine nationaliste. Ils sont aussi une promesse que l'édifice européen, telle une vieille bâtisse, ne cessera jamais d'être remis à neuf.»