Meloni : la flamme qui embrase les élections
Une flamme vert-blanc-rouge fait beaucoup parler d'elle dans la campagne électorale italienne : le parti post-fasciste Frères d'Italie, qui a décidé de conserver son logo de campagne controversé, censé symboliser la flamme éternel sur la tombe du dictateur Mussolini. La cheffe du Parti, Giorgia Meloni, a certes pris ses distances vis-à-vis de l'antijudaïsme et de la répression antidémocratique du fascisme, mais les commentateurs n'en restent pas moins sceptiques.
Une dédiabolisation opportuniste
Oliver Meiler, correspondant de Süddeutsche Zeitung à Rome, a du mal à croire à une véritable modération de la part de Giorgia Meloni :
«Les Frères d'Italie n'ont de modéré que leur confession de foi. Dans les faits, ils appellent à un blocus naval pour les bateaux de migrants, par exemple. Cette prise de distance par rapport au fascisme tombe pile-poil pendant les élections. Difficile de ne pas y voir une démarche opportuniste. Meloni vient de présenter le symbole du parti, et quelle surprise... il est inchangé. Elle tient donc mordicus à conserver la flamme tricolore sur un socle noir. Cette flamme symbolise le legs idéologique de Benito Mussolini. ... Il semble que Meloni n'ait pas souhaité faire fuir les plus nostalgiques de ses électeurs. ... Et lorsqu'elle ajoute de surcroît être fière de ce symbole, les belles paroles rassurantes sonnent creux.»
Le travail de mémoire n'est pas sa priorité
Pour La Repubblica, ces distanciations sont trop légères :
«Seul le désarroi démocratique d'un pays qui rechigne à faire un travail indispensable sur son histoire peut expliquer pourquoi ce devoir qui incombe à toute personnalité politique est éternellement repoussé et négligé : celui de rendre des comptes. ... Meloni a gardé le silence jusqu'à la fin. Elle pensait peut-être que sa position clairement pro-atlantique, notamment son soutien à l'Ukraine contre la Russie, pourrait faire passer la question du fascisme au second plan et la dédouaner de faire la lumière sur ses ascendants culturels et sur son parcours de jeune femme politique qui pourrait devenir Premier ministre d'une grande démocratie occidentale.»
Son pragmatisme aura le dessus
Pour Polityka, l'Italie ne va pas connaître un bouleversement radical :
«Meloni est avant tout pragmatique, malgré ses postures anti-système, et son apologie décomplexée de l'héritage fasciste italien. Elle sait que ce qui frappe son pays, c'est avant tout les problèmes économiques : l'inflation, la menace d'une crise énergétique et les sécheresses qui se répercutent sur les prix des denrées alimentaires et oblige le gouvernement à verser des millions d'indemnités aux agriculteurs. Sans les fonds de l'UE, tout gouvernement aura du mal à s'en sortir dans ce domaine, quelle que soit son orientation idéologique. Et Meloni semble l'avoir parfaitement compris.»
Une manœuvre pour apaiser les esprits
Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán ne pourra probablement pas compter sur Meloni pour faire équipe contre l'UE, observe Válasz Online :
«Dans leur programme commun, les partis d'extrême droite sont favorables à l'intégration européenne [ce qui n'était pas le cas il y a un an] et au soutien à l'Ukraine qui lutte contre l'invasion russe. ... Il est fort peu probable que Rome prenne le risque de se mettre à dos Berlin et Paris pour que les fonds issus du plan de relance européen destinés à la Hongrie et qui ne lui ont pas encore été versés soient alloués à Budapest. Si Meloni et ses alliés ont changé de tactique, c'est qu'ils souhaitent rassurer les investisseurs et les partenaires européens effarouchés par la perspective de leur arrivée au pouvoir.»