Un journaliste américain arrêté en Russie
Evan Gershkovich, correspondant du Wall Street Journal en Russie, a été arrêté dans la ville de Iekaterinbourg, haut-lieu de l'industrie de l'armement russe. Accusé d'espionnage, il encourt dans un premier temps une détention provisoire de deux mois. Jusqu'à présent, les restrictions de la liberté de la presse en Russie affectaient relativement peu les journalistes étrangers munis d'une accréditation. Les choses seraient-elles en train de changer ?
Les journalistes étrangers, des otages potentiels
Sur son compte Facebook, le journaliste russe basé aux Etats-Unis Pavel Kanyguine rappelle à ses confrères occidentaux basés en Russie la grande précarité de leur statut :
«Les accusations d'espionnage sont aussi absurdes que la thèse 'L'OTAN était sur le point de nous attaquer'. C'est une pure ineptie. ... Evan était fort probablement dans leur viseur depuis longtemps. ... Son arrestation sert probablement tout simplement à alimenter un fonds d’otages étrangers en vue de les échanger contre des personnes que le Kremlin souhaite voir libérées. La Russie enregistre encore un nombre important de journalistes occidentaux accrédités. Depuis l'affaire Evan, ils sont plus en danger que jamais.»
La libre parole, chiffon rouge du Kremlin
Frankfurter Allgemeine Zeitung craint également qu'après cette arrestation, il ne soit encore plus compliqué pour les médias étrangers de travailler en Russie :
«Depuis mars 2022, les correspondants vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête, avec une loi sur la censure implacable sévissant déjà contre quiconque appelle la guerre par son nom. ... Désormais, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères affirme que Gershkovich n'est pas le seul à avoir abusé de son statut pour se livrer à des activités d'espionnage, d'autres correspondants en étant également coupables. Il faut craindre qu'elle ne désigne par-là que de simples recherches journalistiques. En effet, le Kremlin ne redoute rien autant que la liberté d'expression.»
Une prise de risque disproportionnée
Dans un post Facebook, le politiste Nikolaï Mitrokhine critique Gershkovich :
«Il faut être assez naïf et imbu de sa personne pour, dans un pays ouvertement anti-américain et qui est en guerre, de surcroît une dictature brutale qui vient de se doter d'une législation de facto terroriste, prendre l’initiative d'aller interviewer des soldats ou des mercenaires dans une des villes où la répression est la plus virulente. Avec le FSB à ses trousses par dessus le marché. ... Maintenant, les Etats-Unis doivent l'échanger contre un vrai espion russe. Et ils ont déjà annoncé l'évacuation du reste des ressortissants américains, piégés par cette action irréfléchie. ... Dans la quête d'informations, il faut toujours se demander si le jeu en vaut la chandelle.»