Vers une crise immobilière d'envergure en Chine ?
Le groupe immobilier chinois Evergrande, fortement endetté, a requis jeudi 16 août son placement sous procédure de faillite aux Etats-Unis. En Chine, le géant du BTP Country Garden est lui aussi à court de liquidités. Le secteur immobilier chinois est-il au bord de l'effondrement ? Faut-il craindre une crise financière ? Les éditorialistes se veulent rassurants.
Une bombe à retardement
El País compare la situation actuelle à celle de l'Espagne avant la grave crise immobilière de 2008 :
«Le secteur du bâtiment et toutes les activités connexes représentent près de 30 pour cent du PIB du pays, un niveau dépassant celui de l'Espagne juste avant l'éclatement de la bulle du BTP [qui avait provoqué la crise]. ... L'annonce de la faillite d'Evergrande, le deuxième groupe immobilier chinois, aux Etats-Unis, ne fait qu'accroître la méfiance. ... Joe Biden a qualifié la situation de l'économie chinoise de 'bombe à retardement'. ... Un nombre croissant d'investisseurs opte désormais pour la diversification de leurs activités en Asie afin d'éviter la concentration des risques. ... Le fait que la deuxième économie de la planète soit exposée à de tels risques constitue une menace pour l'économie mondiale.»
Non, il ne s'agit pas d'un 'moment Lehman'
La crise sera circonscrite à l'économie chinoise, assure pour sa part Les Echos :
«Ce mauvais remake porte déjà un nom chez certains opérateurs de marché pour qui la Chine serait en train de vivre son 'moment Lehman'. ... Autant le dire tout de suite, ce scénario catastrophe ne tient pas la route. Même si les chiffres sont parcellaires et encore mal connus, on est à peu près sûr que le degré d'exposition de la finance mondiale aux emprunts émis par les promoteurs chinois est relativement faible. Beaucoup plus préoccupante, en revanche, est l'impact de cette crise sur l'économie chinoise elle-même. Déjà à la peine pour retrouver sa croissance depuis la pandémie, il n'est pas du tout sûr qu'elle atteigne l'objectif de progression de cinq pour cent prévu pour cette année. Et le choc immobilier en cours prive Pékin de l'un de ses principaux instruments de relance de l'économie.»
La charpente ploie mais résiste
Les analystes semblent confiants dans la capacité de la Chine à endiguer la crise à nouveau, juge également le portail Portfolio :
«Les instances internationales surveillent de près le chaos qui sévit sur le marché chinois de l'immobilier, par crainte de voir celui-ci gagner d'autres marchés mondiaux. ... La question est désormais de savoir si l'Etat chinois, après avoir endigué la crise d'Evergrande ces deux dernières années, sera à nouveau en mesure de contenir une crise immobilière. Même si les analystes estiment que Pékin peut surmonter la crise actuelle malgré son ampleur, ils ont toutefois commencé à revoir à la baisse les prévisions de croissance du pays.»
La Chine veille au grain
Helsingin Sanomat ne prévoit pas d'éclatement de la bulle immobilière :
«La croissance de la population marque le pas en Chine, et le taux de natalité a fortement diminué. La population vieillit. ... La phase de marasme économique au Japon avait commencé de manière similaire : une longue période de déflation, d'endettement, de vieillissement et de ralentissement de la croissance économique. Si la Chine veut sortir de cette spirale, elle devra ouvrir ses marchés, définir les limites entre intérêts publics et intérêts privés, et coopérer avec l'Occident. ... Mais pour les politiques chinois, cette voie est associée à des risques considérables. Il faut donc s'attendre à ce que la Chine continue de soutenir sa bulle immobilière financée à crédit, en lui injectant des fonds année après année, décennie après décennie.»