Pays-Bas : la victoire de l'extrême droite ébranle l'Europe

Sydsvenskan se montre à son tour pessimiste :

«Geert Wilders pourrait devenir le nouveau cauchemar de l'Europe. ... Car s'il a modéré ses propos contre l'immigration, rien n'indique qu'il en fera de même dans son discours contre l'UE. Rien n'indique que l'électorat néerlandais veuille marcher dans les pas de la Grande-Bretagne en disant adieu à l'Union. Mais un Premier ministre tel que Wilders pourrait, de concert avec d'autres leaders d'extrême droite, changer radicalement la dynamique de la table ronde du Conseil européen. ... Si la formation d'un gouvernement néerlandais n'est pas encore pour demain, les électeurs se sont clairement exprimés dans les urnes et le résultat n'augure rien de bon pour ce pays qui représentait la démocratie libérale la plus stable d'Europe.»

Pour Neatkarīgā, le monde court lentement mais sûrement à sa perte :

«La victoire de Wilders aux Pays-Bas laisse craindre le pire. Sa rhétorique anti-immigration et anti-islam, qui va droit au cœur de beaucoup de conservateurs lettons, s'accompagne d'une position hostile vis-à-vis de l'UE, vis-à-vis de l'aide à l'Ukraine et d'un soutien plus ou moins revendiqué à Poutine. En outre, la victoire de Wilders est plutôt contraire aux intérêts de la Lettonie. Elle ne fait que renforcer le camp d'Orbán, de Fico et d'autres. ... Mais cela fait longtemps que Milei, Wilders, Orbán, Trump et d'autres personnalités politiques ne sont que les symptômes visibles d'un phénomène bien plus large : la crise du système politique, voire l'effondrement de l'ordre mondial existant.»

Selon De Standard, la victoire de Wilders soulève des questions d'ordre général sur l'attitude à adopter envers les partis d'extrême droite :

«Est-il légitime, d'un point de vue démocratique, de laisser sur la touche le vainqueur indéniable du scrutin ? Ou sa remise en cause des fondements pluralistes de notre société et l'extrémisme anti-institutionnel dont il a fait sa philosophie pèsent-ils plus lourds dans la balance ? ... Sa réussite électorale est un avertissement qui doit nous inciter à réfléchir aux raisons de ne pas coopérer avec Vlaams Belang [extrême-droite]. ... Les partis vont devoir trouver le ton juste pour convaincre les électeurs. Ceux qui dénigrent systématiquement le travail du gouvernement et qui présentent la Belgique comme un pays en perdition n'auront pas à s'étonner que les électeurs leur fassent un bras d'honneur.»

Il y a un point de divergence essentiel entre Wilders et l'ultradroite polonaise, fait remarquer Krytyka Polityczna :

«Le grand come-back de Wilders a suscité l'euphorie dans les rangs de l'extrême droite européenne : Le Pen, Salvini, les leaders de Vox en Espagne et l'AfD allemande ont rivalisé de félicitations. Les politiques de Konfederacja en Pologne font toutefois preuve de plus de retenue, et pour cause : s'ils sont sur la même ligne que Wilders s'agissant des revendications anti-immigration dirigées contre les musulmans, notamment l'interdiction des mosquées ou la censure du Coran, il y a un problème fondamental : Wilders veut réduire le nombre de Polonais aux Pays-Bas. ... Le nationaliste néerlandais a une profonde sympathie pour Poutine et critique régulièrement les aides à l'Ukraine.»

Republica.ro écrit pour sa part :

«Un parlement ou un gouvernement conservateur pourrait décider de maintenir le veto sur la Bulgarie et rendre ainsi impossible notre adhésion [à l'espace Schengen]. ... La possibilité d'une telle coalition à la suite des élections nous tient en haleine. ... Trois partis partagent les mêmes visions très conservatrices : diminution du nombre d’immigrés, durcissement du droit de séjour et frein à l'élargissement de l'UE. ... Rutte et le VVD se sont toujours opposés à l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à Schengen. Wilders et son PVV ont tenté d'organiser un référendum sur la sortie des Pays-Bas de l'UE. Enfin, Pieter Omtzigt du NSC était et est toujours opposé à l'élargissement de Schengen.»

Dans un post Telegram publié par gazeta.ua, le politologue Viktor Androussiv témoigne de son inquiétude :

«L'agent Viktor Orbán élargit son club au sein de l'UE, auquel viennent désormais s'ajouter les Pays-Bas, où Geert Wilders vient de remporter les élections. Ils sont tous deux populistes, anti-européens et anti-ukrainiens. Le problème ne réside pas tant dans la victoire des populistes que dans leur tendance anti-ukrainienne. Parce que le gros des électeurs commencent à adopter cette position. Il s'agit d'une mauvaise nouvelle pour nous, notamment quand on se rappelle que les Pays-Bas avaient été le premier pays à accepter de livrer leurs F-16 [à l'Ukraine].»

NRC fait l'analyse suivante :

«L'ère Rutte se termine sur une révolte d'extrême-droite qui fait trembler le Binnenhof [nom du quartier gouvernemental] jusque dans ses fondements. Les questions d'asile et d'immigration préoccupent beaucoup d'électeurs, ce dont Wilders a profité. ... Les résultats trahissent aussi une grande frustration quant à l'état dans lequel le Premier ministre sortant Mark Rutte laisse le pays derrière lui. ... Une coalition conservatrice autour du PVV [extrême droite], VVD [libéral-conservateur] et NSC [nouveau parti centriste] ne sera pas chose aisée en termes de programmes. Ils pourraient trouver un terrain d'entente sur la volonté de restreindre fortement l'immigration aux Pays-Bas et au vu de leurs programmes électoraux, ils seraient peut-être même prêts à défier l'UE sur certains points. Sur beaucoup d'autres sujets cependant, la coopération serait bien plus compliquée.»

La victoire de Wilders dans les urnes oblige les autres partis à se faire violence et à envisager une coopération avec lui, estime De Telegraaf :

«La politique d'asile est à bout de souffle, le marché de l'immobilier est complètement bloqué et de plus en plus de gens ont du mal à s'en sortir financièrement, notamment en raison des prix élevés de l'énergie. Aujourd'hui, le climat des affaires s'est détérioré dans notre pays et de l'autre côté, il y a des objectifs climatiques à respecter, de sorte que des décisions doivent être prises. ... Il n'y a pas d'alternative, et plus d'un parti devra rompre ses engagements de campagne quant à ses partenaires de coalition. C'est le seul moyen de parvenir à la formation d'un gouvernement dans un proche avenir. Compte-tenu des crises évoquées plus haut, c'est urgent et indispensable.»

Club Z craint le pire après la victoire électorale de Wilders :

«Il n'est pas seulement opposé à notre adhésion à l'espace Schengen ; par le passé, il a aussi régulièrement réclamé l'exclusion de la Bulgarie et de la Roumanie de l'UE. En 2012, il avait mis en ligne un site Internet sur lequel les Néerlandais pouvaient partager les 'problèmes' qu'ils rencontraient avec les citoyens d'autres pays de l'UE. Sur la page d'accueil, on pouvait lire le message suivant : 'Ils vous causent des problèmes ? Ou bien peut-être avez-vous perdu votre emploi à cause d'un Polonais, d'un Bulgare, d'un Roumain ou d'un autre ressortissant d'Europe centrale ? Nous serions heureux de partager votre témoignage.'. ... Il semblerait que nos diplomates se retrouveront rapidement confrontés au racisme débridé de Wilders et de ses partisans, qui aspirent à des Pays-Bas 'exempts de problèmes'.»

Polityka discerne une évolution européenne :

«Les Pays-Bas s'inscrivent dans le cadre d'une tendance plus large et deviennent un autre pays dans lequel, à l'instar de l'Italie ou de la Suède auparavant, des partis de droite soi-disant mainstream voient des partis d'extrême droite, radicaux ou hostiles au système, leur couper l'herbe sous le pied. Le succès de Wilders souffle dans les voiles des nationalistes européens. Le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, évoque un 'Wind of Change', tandis qu'en France, Marine Le Pen s'est hâtée de féliciter Wilders, espérant un tournant sur le continent. Le parti allemand AfD a fait part de sa grande satisfaction et a quelque peu forcé le trait, en affirmant que 'partout en Europe, les citoyens appellent de leurs vœux un bouleversement politique'.»