Sommet européen : un tournant dans l'aide à l'Ukraine ?
Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE ont décidé d'affecter à l'aide à l'Ukraine les intérêts rapportés par les avoirs russes gelés. Le président Zelensky avait à nouveau plaidé en faveur d'une confiscation de ces fonds, requête qui n'a toutefois pas obtenu de majorité parmi les Vingt-Sept. Les commentateurs brossent le tableau d'une Europe consciente de la gravité de la situation, mais trop lente à réagir, selon certains.
Exploiter les avoirs russes
Les fonds russes devraient être confisqués et affectés à la défense ukrainienne, écrit Obozrevatel :
«Officiellement, l'Europe essaie d'éviter les risques qu'entraînerait inévitablement une confiscation [totale], pour deux raisons principales. Premièrement, en cas de confiscation des avoirs souverains russes à hauteur de plusieurs milliards, le Kremlin déposera une plainte contre les entreprises financières européennes. Deuxièmement, le Kremlin confisquera à son tour les avoirs occidentaux placés en Russie. Mais honnêtement, les hésitations de l'UE sont l'expression de sa lâcheté. ... Car quoi qu'il arrive, Poutine va nationaliser toutes les grandes entreprises occidentales implantées en Russie. Tôt ou tard, l'Occident devra donc prendre une décision sur les confiscations. L'expérience montre que cela intervient plus souvent tard que tôt.»
L'Ukraine peut compter sur ses alliés
Contrairement à Moscou, Kyiv a de véritables partenaires, fait valoir Telegraf :
«Pékin et Téhéran ont honte d'avouer qu'ils soutiennent Moscou. Ils cachent leur aide et nient les livraisons d'armes. ... Rappelons du reste que les partenaires actuels de la Russie agissent en tout premier lieu dans leurs intérêts économiques. Ils profitent de la vulnérabilité de la Russie en achetant ses ressources à prix cassés. ... C'est la principale différence entre la véritable coalition occidentale de soutien à l'Ukraine et la coalition orientale de soutien à la Russie, qui est très conditionnelle. ... Oui, il y a un certain 'axe du mal', formé par le trio cité plus haut, auquel vient s'ajouter la Corée du Nord, mais aussi des Etats vassaux comme le Bélarus. Mais ce groupe ne mérite pas le nom de coalition.»
Passer à la vitesse supérieure
L'Europe doit faire davantage pour l'Ukraine, d'autant que le soutien américain est en train de s'étioler, fait valoir La Stampa :
«Le soutien [sous sa forme actuelle] ne sera pas en mesure d'inverser la donne ; il pourra simplement, dans le meilleur des cas, permettre à l'Ukraine de maintenir ses lignes de défense. Il en faudra bien plus pour rétablir la paix en Europe. ... Le Conseil européen est conscient qu'il revient de plus en plus à l'Europe d'assurer la défense de l'Ukraine, et que même s'il n'y a pas de risque imminent d'attaque russe sur d'autres pays européens, la probabilité d'un tel scénario augmenterait considérablement si l'Europe échouait à soutenir Kyiv. Le coût de cet échec, humain et économique, serait infiniment plus élevé que celui des 'miettes' que l'on s'est contenté de fournir à l'Ukraine jusque-là.»
Du multiculturalisme au militarisme
Radio Kommersant FM décrit une UE qui semble se réveiller d'une douce rêverie :
«On peut qualifier d'historique ce sommet européen. La question des avoirs russes gelés y a été moins centrale que le fait que, pour la première fois, l'Union discute de lancer l'économie sur les rails de la guerre. ... L'Europe n'était absolument pas préparée à la guerre. Personne ne s'y attendait, personne ne la croyait possible. Quelles étaient ses priorités ? Le climat : elle a rédigé des manuels à l'attention des agriculteurs, fixant les niveaux maximaux de CO2 que les vaches ont le droit de rejeter dans l'atmosphère pour ne pas nuire à l'environnement. ... Autres grandes priorités : le multiculturalisme, le respect des genres, l'égalité homme-femme : obnubilée par ces sujets 'bisounours', l'Europe en a oublié la menace militaire.»
L'Ouest continuera de miser sur la temporisation
Neatkarīgā ne croit pas que l'Europe et ses autres alliés occidentaux changent fondamentalement leur positionnement :
«Petit à petit, l'économie russe fait sa mutation pour s'axer entièrement sur la guerre. ... On peut donc tabler sur une force de frappe de l'armée russe qui ne cessera d'augmenter et de se perfectionner. ... L'histoire nous enseigne que malgré sa supériorité militaire actuelle, l'Occident repoussera aussi longtemps que possible tout conflit militaire avec la Russie. ... Bien sûr, ceci enhardira Poutine. ... L'Ouest espère pouvoir temporiser jusqu'à ce que Poutine quitte la scène. Il sera alors possible de négocier avec les nouveaux chefs du Kremlin. Reste à savoir combien de temps cette attente durera, et tout ce que Poutine aura atteint d'ici là.»