Présidentielle au Venezuela : faut-il dire adieu à la démocratie ?
Après que le Conseil national électoral a officiellement donné le président sortant Nicolás Maduro vainqueur des élections, de violents affrontements ont eu lieu dans le pays entre les manifestants et la police. L'opposition conteste les résultats et dénonce des fraudes majeures. En janvier, la candidate la plus prometteuse de l'opposition, María Corina Machado, avait été interdite de se présenter par la Cour suprême, pour des motifs discutables. La presse européenne fait le point sur la situation.
Un danger pour Kamala Harris
Politiken envisage les conséquences d'un exode des Vénézuéliens vers les Etats-Unis :
«Donald Trump aurait ainsi du grain à moudre pour fustiger le président Joe Biden et surtout Kamala Harris, qui, en tant que vice-présidente, a sa part de responsabilité dans la limitation des flux migratoires du Sud vers les Etats-Unis. On comprend dès lors la dimension transnationale de cette élection, qui pourrait, hélas, contribuer au retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Le problème Maduro dépasse donc les frontières du Venezuela.»
Le sort du pays est entre les mains de l'armée
Le Venezuela est à un tournant, juge le quotidien Libération :
«La communauté internationale, elle, est divisée entre les traditionnels soutiens (Moscou, Pékin, La Havane…) et tous ceux qui, de plus en plus nombreux et Etats-Unis en tête, ont émis des doutes sur le bon déroulé de ce scrutin. C'est que le Venezuela est un pays clé. Il possède les plus grosses réserves de pétrole au monde, devant l'Arabie Saoudite, mais la nationalisation du secteur et les sanctions américaines ont considérablement fragilisé ses moyens de production. Une victoire de l'opposition permettrait de lever ces sanctions et de rouvrir le pays aux investisseurs occidentaux. Les heures et les jours qui viennent vont être cruciaux : que l'armée cède aux pressions de la rue et Nicolás Maduro tombera.»
Manier la carotte et le bâton
De Volkskrant fait le commentaire suivant :
«La communauté internationale doit maintenir la pression sur le Venezuela, à l'aide de sanctions ciblées qui épargnent autant que possible la population. L'opposition a songé à proposer une amnistie à Maduro et ses principaux collaborateurs en échange d'une passation de pouvoir 'pacifique'. Un deal peu satisfaisant car Maduro ne serait pas poursuivi pour ses crimes. Mais il s'agirait d'un moindre mal si l'on pouvait ainsi mettre fin aux souffrances du peuple vénézuélien. Tant que Nicolás Maduro se maintiendra au pouvoir, la situation du Venezuela restera désespérée.»
Une fraude électorale incontestable
Tygodnik Powszechny fait le commentaire suivant :
«Malheureusement, on pouvait s'attendre à cette situation. L'opposition, menée par sa figure de proue María Corina Machado, représentait une réelle menace pour le régime socialiste de Maduro. En 2023, Corina Machado avait remporté les primaires en obtenant 92,5 pour cent des voix, avec un taux de participation de 64,88 pour cent. Il ne fait aucun doute qu'elle aurait gagné l'élection. Mais avant même le début de la campagne électorale, elle a été mise hors course par une décision de justice sans raison valable. ... Tous les scénarios sont désormais envisageables. Les Vénézuéliens commencent à descendre dans la rue et à réclamer justice.»
Maduro se moque de ce que souhaite la population
La Croix fait part de son accablement :
«Cette parodie de démocratie souligne la nature du régime : une alliance civilo-militaire imposée il y a un quart de siècle par son fondateur, Hugo Chavez. Promettant le 'socialisme du XXIe siècle' celui-ci avait nationalisé les entreprises, étendu la mainmise de l'Etat et associé les militaires à la gestion des affaires.. ... La promesse d'un Etat providence n'a pas été tenue, le régime préférant une politique de redistribution ciblée. La rente pétrolière s'est asséchée sous l'effet de sanctions américaines et de l'incurie des gouvernants. L'effondrement du niveau de vie a poussé un quart de la population à l'exil. C'est pour en finir avec le chaos, l'arbitraire et la dépendance qu'une bonne partie de la population voulait le changement. Mais Nicolas Maduro fait partie de ces apparatchiks qui ne veulent surtout pas dépendre du peuple.»
En route pour la dictature
Les pays voisins sont appelés à réagir, estime le quotidien Der Standard :
«Maduro se trouve désormais à la croisée des chemins. ... Les sanctions américaines ont certes pu affaiblir l'économie du Venezuela jusqu'à présent, mais pas le régime de Maduro, et heureusement, les Etats-Unis ont abandonné l'idée d'intervenir militairement pour établir un autre régime. Les pays voisins gouvernés par la gauche, comme le Brésil et la Colombie, sont les mieux placés pour exercer une certaine pression ou du moins pour tenter une médiation. Entre démocratie et dictature, il n'y a pas à transiger. Si Maduro est prêt à plonger son pays dans l'abîme pour se maintenir au pouvoir, alors l'avenir du Venezuela sera encore plus sombre que le présent.»
Des airs de castrisme
Les véritables vainqueurs des élections sont réprimés avec autoritarisme, fait valoir El Mundo :
«La stratégie mise en place par Maduro pour consolider son pouvoir, qui consiste à ne pas reconnaître la victoire d'Edmundo González et de María Corina Machado, est digne du chavisme. ... L'opposition sait qu'elle a gagné les élections et que Maduro n'a pu se maintenir en place qu'en trichant. Ce dernier tentera sûrement de perpétuer sa souveraineté d'une main de fer (avec son fils et toute la descendance de ses amis les plus chers). Il se peut que la répression mise en place finisse par être aussi brutale que celle du castrisme à Cuba. Selon des militants politiques, l'île vit coupée d'Internet, car le régime cubain craint que l'enthousiasme des manifestants de Caracas ne fasse des émules.»
Le Bélarus a subi le même sort
Sur Facebook, le professeur d'économie Konstantin Sonine fait un rapprochement avec le régime de Minsk :
«Le chef d'Etat vénézuélien Maduro tente le même tour de force qui avait profité à Loukachenko en 2020. A l'époque, celui-ci avait subi une cinglante défaite aux élections face à la candidate de l'opposition, Svetlana Tikhanovskaïa. Il n'avait pas renoncé à son poste malgré un soulèvement massif de la population. Les événements avaient entraîné une nouvelle vague d'émigration - des centaines de milliers de personnes ont quitté le petit Bélarus, des milliers ont été exposées à une répression brutale. ... Il faut espérer que Maduro ne parvienne pas à ses fins. Le prix que les citoyens du pays paient pour la soif de pouvoir insatiable de leurs dirigeants est trop élevé.»