Présidentielle américaine : Harris peut-elle battre Trump ?
Après le retrait de Joe Biden de la course électorale américaine, la vice-présidente Kamala Harris est pressentie pour obtenir l'investiture démocrate. Pour les cadres et les électeurs du parti, sa nomination prochaine ne semble pas faire de doutes. Les chroniqueurs s'interrogent sur les chances de succès de Harris et sur le rôle que pourrait jouer son ancienne fonction de procureure générale de Californie.
Le pouvoir ou la prison
El País fait le commentaire suivant :
«Trump ne sait pas encore vraiment ce qui l'attend. Face à une femme enjouée, de 20 ans sa cadette, d'ascendance indienne et caribéenne, le sombre apôtre de la haine, prophète de l'apocalypse américain et criminel condamné devra trouver de nouvelles armes. ... Trump parle le langage de la peur, mais il souffre aussi de ce mal. Depuis l'ère Berlusconi, advient toujours un moment, pour les magnats populistes ayant investi le champ politique, où l'avenir se résume à une simple alternative : le pouvoir ou la prison. ... Trump aura lui aussi besoin de la baguette magique présidentielle pour se débarrasser de toutes ses affaires judiciaires. ... Comme dans une salle de tribunal, la procureure expérimentée qui lui fait face ne laissera rien passer.»
Choisir entre un criminel et une procureure
Harris s'attaquera à Trump de façon plus ciblée que ne le faisait Biden, analyse Telegram.hr :
«Biden avait décidé de mettre en avant le bilan de son administration, il évoquait rarement Trump lui-même. ... Les choses sont désormais totalement différentes. Kamala Harris a choisi de revêtir ses anciens habits, ceux de procureure générale. Il devrait s'agir de l'un de ses principaux angles d'attaque face au candidat républicain. ... Harris envisage le rapport à son rival de façon binaire, mais efficace : moi je suis la procureure, lui c'est le criminel - pour qui voterez-vous ?»
La génération Z dans le viseur
Avec ce roque, les démocrates peuvent désormais courtiser les voix des moins de 30 ans, juge Ukraïnska Pravda :
«Les jeunes Américains sont généralement plutôt de sensibilité démocrate, mais ils sont peu nombreux à aller voter. Harris pourrait changer la donne. Et pas seulement parce que son âge a un effet moins 'dissuasif' sur les jeunes électeurs. Cela fait longtemps que les partisans de Harris sont à pied d'œuvre pour exploiter sa capacité à générer des 'mèmes'. Des clips la montrant rire aux éclats ou des slogans comme : 'Tu crois que tu viens de tomber d'un palmier ?' circulent déjà depuis des semaines sur les réseaux, et après l'annonce de Biden, ils sont même devenus viraux sur TikTok, X et Instagram. Ces mèmes et vidéos montrent généralement Harris sous un jour favorable et pourraient permettre d'atteindre les 'zoomers'.»
Pas plus crédible que Biden
Harris n'a aucune chance de remporter le scrutin, assure Diena :
«Bien que la presse pro-démocrate ait commencé à prétendre le contraire, Harris n'a jamais fait ses preuves en tant que vice-présidente, elle a même négligé certaines de ses obligations (notamment la question de la frontière mexicaine). Numéro deux de l'administration Biden, elle sera également associée lors de la bataille électorale à toutes les lacunes de la Maison-Blanche et des démocrates : non seulement le programme du parti n'a pas pu être mis en œuvre lors de ce mandat, mais la situation, en termes de politique intérieure et de politique étrangère, s'est même dégradée. Voilà pourquoi les chances de Harris ne sont pas meilleures que celles de Biden.»
D'un coup, la meilleure candidate
Kamala Harris est un produit des médias, affirme le quotidien pro-Fidesz Magyar Nemzet :
«A en croire les médias libéraux, la vice-présidente est devenue du jour au lendemain la politique la plus compétente, la plus populaire et la plus talentueuse de tous les temps. ... Or ces quatre dernières années, c'est comme si Harris n'avait pas existé. Lorsqu'elle était évoquée dans tel ou tel article, c'était surtout pour être tournée en ridicule - par les deux camps. ... Kamala Harris n'est pas plus une solution que Biden. Ces deux personnalités sont surtout symptomatiques d'une dérive. En mobilisant leur médias influents, les démocrates sont parvenus, de manière éhontée et dévoyée, à faire passer Biden pour un génie, alors que ces deux politiques n'ont jamais eu le moindre projet d'avenir pour leur pays.»
Yes, we Kam
La Vanguardia y voit un véritable défi pour l'ex-président :
«Trump est nerveux et ce changement ne lui convient pas. … Il est conscient du fait qu'il sera plus difficile pour lui de débattre avec une femme, noire de surcroît et de 20 ans sa cadette. Une candidate qui a pu compter dès le premier instant sur le soutien de gouverneurs de renom comme J.B. Pritzker (Illinois), Josh Saphiro (Pennsylvanie), Gavin Newsom (Californie ) ; de Bill et Hillary Clinton ; et des leaders des différents groupes du parti, de la vétérane Nancy Pelosi à la jeune Alexandria Ocasio-Cortez. … Trump a presque toutes les cartes en main, mais l'ancien président devra forcément revoir sa stratégie. La 'Kamalamania' commence : le 'Yes, we can' a déjà été remplacé par 'Yes, we Kam'.»
L'économie, au coeur du scrutin
Les questions économiques joueront un rôle central, fait valoir Sydsvenskan :
«Le défi principal pour les démocrates consistera à faire comprendre qu'une victoire de Trump menacerait bel et bien la démocratie américaine, tout en démontrant que les 'bidenomics', l'agenda économique de Joe Biden, ont porté leurs fruits. C'est précisément ce à quoi s'est attelée Kamala Harris ces derniers mois. Dans le cadre d'une tournée effectuée dans plusieurs Etats du pays, portant sur la question de l'investissement, de l'entreprenariat et de la croissance, elle a souligné que les salaires progressaient plus vite que l'inflation, que davantage d'emplois avaient été créés dans l'industrie, et que les démocrates s'employaient à effacer les dettes contractées par les étudiants.»
Moscou table toujours sur le conflit et la division
Tygodnik Powszechny expose la position du Kremlin :
«Juste après que le président américain Joe Biden a renoncé à briguer un second mandat, une campagne visant à discréditer la vice-présidente Kamala Harris a été lancée dans les médias russes. Le favori du Kremlin reste et demeure Donald Trump, alors que rien ne garantit que celui-ci remportera le scrutin, ni qu'une victoire de ce candidat imprévisible permette de réaliser 'le rêve russe'. L'objectif du régime russe vis-à-vis des Etats-Unis reste inchangé : semer la division et le chaos, saper les projets contraires aux intérêts de Moscou (notamment le soutien à l'Ukraine) et provoquer un maximum de crises.»
L'antithèse de Trump
Kurier décline les qualités de Harris :
«C'est l'antithèse de Trump : elle est jeune (du moins comparée aux gérontes, elle fêtera ses 60 ans en octobre), c'est une femme et elle n'est pas blanche. Trois caractéristiques qui sont ses plus grands atouts. ... Forte d'un excellent profil professionnel, c'est une oratrice de grand talent : vice-candidate de Biden, elle avait démonté Mike Pence par son argumentation lors d'un duel télévisé. Et contrairement à ce que lui reprochent les républicains, elle n'est pas responsable de l'immigration illégale, car elle n'est pas en charge de la protection de la frontière, mais des relations diplomatiques avec les pays de départ.»
Agir vite pour conjurer les risques
Les démocrates n'ont pas eu le courage d'envisager d'autres candidats, déplore Les Echos :
«Opération Blitzkrieg. ... Le Parti démocrate a choisi la vitesse et le pragmatisme. ... La solution n'est pas parfaite : Kamala Harris sera dépositaire du bilan contesté de Biden - la défense des Bidenomics n'a pas pris -, elle-même reste un personnage encore méconnu et assez critiqué, y compris par l'aile gauche du parti. Un ticket neuf aurait pu apporter un narratif différent. Mais personne, semble-t-il, ne souhaite s'y risquer à cent jours du scrutin.»
Des attaques sexistes à prévoir
Comme Hillary Clinton en son temps, Kamala Harris devra probablement essuyer beaucoup d'invectives dans la campagne électorale, estime Dagens Nyheter :
«On ne cesse d'entendre les mêmes sempiternels reproches. Les femmes qui aspirent au pouvoir auraient des voix trop stridentes, elles sont qualifiées de froides et agressives, on leur reproche de manquer de naturel. ... Si elles ne se montrent pas foncièrement aimantes et maternelles avec l'ensemble de leur entourage, elles passent pour être des carriéristes égoïstes et rugueuses. Harris se verra très certainement accusée de ne pas avoir d'enfants biologiques. ... Il sera intéressant d'observer, en l'an 2024, dans quelle mesure certains se sentiront habilités à recourir à ces armes d'un autre âge pour 'museler' des femmes jugées impertinentes.»
Elle devra durcir son jeu
Postimees fait le commentaire suivant :
«Harris a des points forts et des points faibles. Premièrement, elle serait la première femme présidente dans l'histoire des Etats-Unis, et il est bien plus difficile pour Donald Trump, dans le cadre de la campagne, de s'en prendre à une femme. Deuxièmement, elle est déjà une personnalité reconnue, dans le camp démocrate comme dans l'espace public. Ses principaux points faibles, c'est qu'elle manque de nouveauté, et qu'elle n'a rien fait d'extraordinaire lors de son mandat de vice-présidente, en dépit d'un charme indéniable lors de ses interventions télévisées. On verra bientôt si elle saura doubler cette qualité d'une poigne de fer, susceptible de contrecarrer les visées trumpiennes.»
Biden ferait mieux de démissionner
Les républicains ont appelé Biden à démissionner. Les démocrates devraient faire de même pour des raisons tactiques, juge Ilta-Sanomat :
«Invoquant ses problèmes de santé, Biden pourrait annoncer sa démission, et la vice-présidente prêterait serment sur le champ. ... Il est bien connu, en effet, qu'un président américain en activité est toujours très difficile à battre lors d'un second scrutin. Si Kamala Harris était une vice-présidente effacée et impopulaire, elle aurait la possibilité de remédier à cette image en devenant présidente. Sillonner le pays avec Air Force One et The Beast [la voiture présidentielle] pour faire campagne, cela permettrait à Harris de se poser en 'mère de la nation'. Cela lui donnerait aussi le temps de faire passer quelques décrets, et de se démarquer ainsi de Joe Biden.»
Attendre les nouveaux sondages
Hospodářské noviny essaye de se projeter :
«Dans les sondages menés jusque-là - c'est-à-dire avant l'annonce de Biden - sur un potentiel duel Harris/Trump, l'ex-locataire de la Maison-Blanche devançait légèrement la vice-présidente. Il est ressorti d'enquêtes menées en juillet que la cote d'Harris valait sensiblement celle de Biden. Voilà pourquoi ses chances de succès paraissent très similaires et relativement faibles. Kamala Harris a toutefois plusieurs avantages par rapport à la candidature du président en poste. Les sondages menés dorénavant lui seront plus favorables. Avec tout le respect que l'on doit à Biden, Harris est plus à même de mener une campagne électorale combative.»