Un nouveau départ pour le Bangladesh ?
Après plusieurs semaines de contestation étudiante au Bangladesh, la Première ministre, Sheikh Hasina, a démissionné et a dû fuir le pays. Le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus a été appelé à assurer un gouvernement de transition. Les médias évoquent l'importance de ce bouleversement politique, pour le pays et pour le monde.
Etonnamment pacifique
L'inespéré vient finalement de se produire, se réjouit Avvenire :
«Il y a trois jours encore, personne n'aurait cru que le Bangladesh, miné par des dictatures militaires et des dirigeants absolutistes, figé dans l'orgueil des origines - toujours choyé et parfois trahi - et l'incapacité de sortir d'un régime autocratique, puisse accomplir une mue aussi radicale. ... Une transition du pouvoir réelle et qui, après des affrontements sanglants, s'est finalement déroulée pacifiquement. Une transition qui, à moins de revirements soudains, est à mettre au crédit de l'armée et de la volonté populaire. Celle-ci a discerné dans le Nobel de la paix une figure fiable, susceptible d'accompagner et de diriger, initialement du moins, le changement nécessaire.»
Des évènements qui concernent aussi l'Europe
Ce qui se passe au Bangladesh devrait aussi intéresser l'Occident au premier plan, fait valoir David Pfeiffer, correspondant de Süddeutsche Zeitung en Asie du Sud-Est :
«Dans les usines du Bangladesh, des millions de travailleurs, payés des salaires de misère, ont confectionné des habits à bas coût pour les riches pays du Nord. … Le ralentissement de l'industrie textile depuis la pandémie a par ailleurs été l'un des vecteurs de la contestation actuelle, car la hausse du chômage attise la colère suscitée par les quotas réservés aux descendants des 'combattants de la liberté' [de la guerre d'indépendance contre le Pakistan en 1971], prioritaires à l'emploi dans le secteur public. Dans une société mondialisée, tout est lié : la fast fashion vendue en Europe, le marché du travail bangladais et la fuite de la Première ministre.»
Une vacance de pouvoir inquiétante
The Economist évoque des incertitudes quant à l'avenir du pays :
«Il sera difficile de restaurer l'ordre constitutionnel, notamment parce qu'il est difficile de dire qui remplira le vide laissé par le départ soudain de Sheikh Hasina. Son parti, la Ligue Awami, est discrédité. Khaleda Zia, la leader du Bangladesh Nationalist Party, est âgée de 78 ans et en piètre santé. ... L'autoritarisme de l'ex-Première ministre a aussi empêché l'émergence de nouvelles forces plus libérales. Les partis islamistes, qui se sont consolidés ces dernière années, pourraient être tentés de remplir le vide. Le défi est d'autant plus grand que le Bangladesh est désormais un champ de bataille géopolitique entre la Chine, l'Inde et l'Occident.»
Il faudra inclure les jeunes
De Volkskrant espère que les étudiants, qui descendent dans les rues depuis des semaines, ne seront pas mis sur la touche :
«Les craintes relatives au rétablissement de la démocratie au Bangladesh sont justifiées, si l'on tient compte des exemples récents de pays où la mobilisation de la jeunesse a renversé le pouvoir. ... Il est réjouissant de voir que la jeunesse, partout dans le monde, fait entendre sa voix et se mobilise pour rompre avec les anciens systèmes politiques, corrompus et exclusifs. Mais il faut aussi veiller désormais à ce qu'ils puissent participer à la transition démocratique.»