Régionales partielles en Allemagne : le SPD l'emporte de justesse
Aux élections régionales dans le land de Brandebourg, le SPD a devancé d'une courte tête le parti d'extrême droite AfD. Ayant recueilli moins de cinq pour cent, verts et libéraux ne siégeront pas au Parlement régional, contrairement au nouveau parti d'extrême gauche BSW. Les sociaux-démocrates du Brandebourg veulent entamer des entretiens exploratoires tant avec le BSW, arrivé en troisième position, qu'avec la CDU, quatrième. Les commentateurs évoquent le climat politique dans le pays, et les liens entre politiques fédérale et régionale.
L'Allemagne vire à droite
Tygodnik Powszechny constate un changement des mentalités chez son voisin occidental :
«Les élections régionales dans la partie Est de l'Allemagne ont été l'occasion de prendre la température de l'Allemagne prise dans son ensemble. Dans un an, le pays entier sera appelé aux urnes. Dès aujourd'hui, un virage à droite se dessine à travers toute la population, ainsi qu'un rejet de la politique migratoire du gouvernement d'Olaf Scholz. La politique climatique, au centre du débat public il y a quelques années seulement, en a presque entièrement disparu. Ce changement intervenu dans l'esprit du temps n'a pas échappé aux chrétiens-démocrates de la CDU. Leur candidat à la chancellerie est Friedrich Merz. Le politique conservateur entend disputer à l'AfD les voix des électeurs de droite. De l'autre côté du fleuve Oder, une période de grands bouleversements s'annonce ces douze prochains mois.»
L'AfD devrait s'inspirer d'autres partis populistes européens
G4Media.ro se penche sur les sondages relatifs aux législatives de 2025 :
«Si la CDU de Friedrich Merz est en tête des intentions de vote, recueillant entre 31 et 35 pour cent, elle fait face à un dilemme : avec qui gouvernera-t-elle si les prévisions se confirment ? ... Dans l'aile droitière de la CDU, des voix préconisent déjà que l'on tende la main à l'AfD, laquelle voit à son tour dans une alliance avec la CDU la seule possibilité d'arriver au pouvoir et d'imposer un contrôle strict de l'immigration. Mais dans cette perspective, le parti devrait se donner l'image d'un parti populiste de droite, un peu comme Fratelli d'Italia, le RN en France et le FPÖ en Autriche, et exclure du parti les révisionnistes nostalgiques du passé nazi.»
Un vote adressé à Berlin
Birgün propose sa lecture du scrutin :
«Une part importante de la population de l'ex-Allemagne de l'Est est contre les positions du gouvernement vis-à-vis de l'Ukraine, de la Russie et d'Israël. Les partis qui ont remporté cette élection, AfD et BSW, sont opposés aux livraisons d'armes à l'Ukraine, au stationnement en Allemagne de missiles à longue portée américains capables de frapper Moscou ou des cibles encore plus éloignées, et aux embargos contre la Russie qui aggravent la crise économique. ... Or il s'agit de compétences qui sont du ressort de l'Etat fédéral, et non pas des länder. Reste à voir dans quelle mesure des coalitions avec le BSW influenceront la politique fédérale.»
Un sursis pour le chancelier en difficulté
La coalition gouvernementale à Berlin a du plomb dans l'aile, écrit Gazeta Wyborcza :
«La victoire de Dietmar Woidke [SPD] dans le Brandebourg est une bonne nouvelle pour Scholz, qui échappe ainsi à un débat sur la légitimité de sa candidature à la chancellerie, compte tenu de sondages défavorables. Le SPD et les Verts ont durement payé le prix des déboires de la coalition au niveau fédéral. De même que les Libéraux, qui ont enregistré dans le Brandebourg un score si faible qu'ils ne figuraient même pas dans les premiers sondages. Si quatre partis seulement devaient entrer au parlement régional, les négociations pour former un gouvernement pourraient s'avérer compliquées. L'alliance Sahra Wagenknecht pourrait bien jouer un rôle charnière dans ces tractations.»
L'expression d'un mécontentement
Neue Zürcher Zeitung attire l'attention sur le fait que l'AfD et BSW ont à eux deux recueilli presque la moitié des suffrages :
«Il a fallu mobiliser tous les moyens pour reléguer l'AfD à la seconde place. Le parti d'extrême droite se retrouve une nouvelle fois au cœur des débats politiques, et ce dans le Brandebourg, longtemps considéré comme solidement ancré à gauche. ... Si l'on additionne ces voix et celles que l'Alliance Sahra Wagenknecht a obtenues alors qu'elle se présentait pour la première fois, on peut dire que presque 45 pour cent des électeurs du Brandebourg ont opté pour des partis d'extrême gauche et d'extrême droite. Les électeurs est-allemands ont donc une fois de plus clairement exprimé leur mécontentement envers la politique allemande et les partis établis.»
Une victoire sur le fil
Le résultat des élections permet à Scholz de souffler un peu, croit savoir The Economist :
«En amont des élections, il avait été question à Berlin de le remplacer en tant que candidat du SPD aux élections fédérales - à l'instar de ce qu'on fait les Etats-Unis en hissant Kamala Harris à la place d'un Joe Biden dénué de panache. Le pendant germanique serait le très populaire ministre de la Défense Boris Pistorius, dont la cote de popularité s'élève à 53 pour cent contre seulement 18 pour cent pour Scholz. ... Obtenue sur le fil, la victoire du SPD dans le Brandebourg pourrait donner du répit à Scholz – tout du moins temporairement – face aux rumeurs de son remplacement imminent en tant que candidat du parti à la chancellerie.»
Le vrai vainqueur, c'est Woidke
Le résultat des élections est la preuve d'une polarisation croissante, déplore La Stampa :
«Le soulagement risque d'être de bien courte durée. En effet, le véritable vainqueur de ce scrutin n'est autre que Dietmar Woidke, ministre-président du land de Brandebourg. … Il l'a remporté, bien qu'objectivement, la région vire vers l'extrême droite et que le chancelier ne lui ait été d'aucune aide. ... Sans compter que son appel aux armes sur le modèle de Macron – 'c'est moi ou l'extrême-droite'– lui a valu un résultat personnel positif, certes, mais également une polarisation de la confrontation politique au point de siphonner des électeurs aux Verts et même à la CDU (qui n'a jamais réalisé de score aussi bas).»
Un miroir de l'ambiance dans le pays
Pour Salzburger Nachrichten, le Brandebourg reflète la température politique de toute l'Allemagne :
«Le land qui entoure Berlin comme la Basse-Autriche entoure Vienne est un bon baromètre du climat dans le pays. Dans la ceinture qui entoure Berlin, la population est constituée d'un mélange d'Allemands de l'Ouest et de l'Est, d'ex-élites de la RDA et de laissés-pour-compte de la chute du mur, d'anciens Berlinois de l'Ouest et d'Allemands de l'Ouest venus s'installer à l'Est. L'explication 'est-allemande' de ce scrutin, valable en Saxe et en Thuringe, ne s'applique donc pas ici. On peut voir dans l'essor de l'AfD et du BSW le déclin des anciens partis et le reflet de la situation générale en Allemagne.»