Censure du gouvernement allemand : quel impact sur l'Europe ?

En Allemagne, le chancelier Olaf Scholz a perdu le vote de confiance des députés. La motion de censure adoptée hier lundi ouvre la voie à des élections anticipées, prévues le 23 février. Scholz est candidat à sa propre succession pour le SPD. Le chef de l'opposition, Friedrich Merz (CDU), est donné en tête par les sondages. La presse européenne fait le point.

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The Spectator (GB) /

Pas de renouveau en vue

La politique allemande est en crise et des élections anticipées ne devaient pas changer grand chose, croit savoir The Spectator :

«La fielleuse implosion de la coalition tripartite de Scholz et les débats houleux qui ont émaillé le vote de confiance, lundi, ne sont que la partie émergée de l'iceberg. On trouve, sous la surface, un paysage politique fracturé, qui paraît de plus en plus opaque aux yeux des électeurs. Selon des sondages, un gros quart des votants à peine font encore confiance aux partis. Et ceux-ci ne sont pas près de restaurer la confiance s'ils s'enferrent un peu plus dans leurs positions respectives, tout en se jetant mutuellement des brassées de fange au visage. Or c'est exactement ce qu'ils sont en train de faire. En l'état, tous les partis traditionnels allemands se lancent dans la campagne avec des idées éculées et des mines éprouvées.»

Népszava (HU) /

L'Allemagne vouée à rester 'l'homme malade de l'Europe'

Au vu de la situation économique, Népszava ne croit pas en une embellie rapide :

«Si la situation ne s'améliore pas, la formation d'extrême droite AfD pourrait engranger un score de plus de 20 pour cent. Mais il y a des raisons de craindre que même un nouveau gouvernement, qui devrait entrer en fonction au printemps, ne viendra pas à bout des problèmes. Les écueils économiques sont trop importants pour qu'un gouvernement puisse y remédier avec un certain nombre de mesures et un mandat parlementaire plus fort. Il se peut donc que l'Allemagne reste l'homme malade de l'Europe, même après les élections de février.»

La Vanguardia (ES) /

Le Sud, nouveau moteur de l'Europe

La Vanguardia fait part de ses inquiétudes :

«Depuis maintenant cinq ans, l'Allemagne fait du surplace. Il y a d'abord eu la pandémie, puis la crise de l'énergie, déclenchée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie. La hausse des prix de l'énergie a provoqué une flambée de l'inflation et lourdement affecté l'industrie allemande, et du même coup l'économie européenne. Etonnamment, ce sont actuellement les pays du sud qui soutiennent l'Europe, tandis que le tandem franco-allemand, le moteur historique de l'Union, traverse une profonde crise politique et économique.»

La Stampa (IT) /

L'espoir d'un avenir meilleur

L'Allemagne est pour l'instant dirigée par un chef de gouvernement destitué, commente La Stampa :

«En dépit de l'instabilité que l'on peut escompter entre la tenue d'élections anticipées et la formation d'un nouveau gouvernement, la chute d'Olaf Scholz est néanmoins un soulagement pour l'Europe. Car si l'Allemagne doit être un canard boiteux - c'est ce qu'elle est en Europe aujourd'hui - du moins peut-elle espérer un avenir meilleur. ... Personne en Europe ne peut s'accommoder d'une Allemagne comme celle que l'on a vue jusque-là.»

Zeit Online (DE) /

Scholz reste incorrigible

Zeit Online critique férocement la prestation d'Olaf Scholz au Bundestag :

«Pendant la coalition déjà, le social-démocrate s'est sans arrêt signalé par son entêtement. Ce lundi encore, il n'assume pas la responsabilité de la fin du gouvernement, mais la rejette surtout sur d'autres : sur son ancien partenaire de coalition du FDP ; sur la situation difficile du budget ; sur la guerre en Ukraine. ... Refuser de reconnaître ses torts est fatidique, à plus forte raison quand il devient de plus en plus difficile de trouver des majorités. ... Par cette attitude, Olaf Scholz a nui à un gouvernement, mais il a aussi entamé la croyance dans la possibilité de mener une politique pragmatique, par-delà les camps politiques.. ... Après ce lundi, rien ne permet de penser qu'Olaf Scholz soit l'homme de la situation.»

Hospodářské noviny (CZ) /

Les recettes de Merz sont surannées

Hospodářské noviny doute qu'au pouvoir, la CDU puisse changer grand chose à la situation :

«Les thèmes sur lesquels Merz fait campagne font échos à ceux du chancelier social-démocrate Gerhard Schröder au début de ce siècle. Les Allemands avaient infligé une cure d'austérité à l'Etat providence, les salaires n'avaient augmenté que très lentement, ce qui avait donné un avantage concurrentiel aux entreprises allemandes. Mais reprendre les mêmes formules aujourd'hui ne suffira pas. ... L'Allemagne n'a pas le choix : elle doit laisser derrière elle l'ère analogique et entrer résolument dans l'ère numérique. ... Une résolution qui ne transparaît pas encore dans le programme CDU/CSU. De plus, Merz sera appelé à gouverner dans une coalition avec les sociaux-démocrates ou les verts. La capacité d'action de ce genre de cabinet pourrait être aussi étriquée que celle du gouvernement précédent.»

El País (ES) /

La question cruciale des dépenses publiques

El País s'attarde sur la question de la règle d'or budgétaire :

«Friedrich Merz affiche un certain consensus sur la nécessité de dépasser une aversion quasi culturelle pour le déficit public. ... Le débat sur les dépenses publiques est une question existentielle en Allemagne, et celle-ci a des répercussions sur l'UE. Il y a deux ans, Scholz a justifié des dépenses de défense à hauteur de 100 milliards d'euros, les plus importantes engagées par le pays depuis la Seconde Guerre mondiale, faisant valoir que la guerre en Ukraine marquait un grand tournant, l'entrée dans une ère nouvelle. ... L'Europe entière avait compris le message. Il est temps que les Allemands le comprennent aussi.»

The Guardian (GB) /

L'UE en panne de moteur

The Guardian fait part de l'inquiétude que lui inspire la situation politique de l'Allemagne et de la France :

«En cette fin d'année, le dysfonctionnement politique des deux Etats membres les plus puissants de l'UE ne laisse rien présager de bon. A partir du mois de janvier, Trump cherchera à coup sûr à intimider ses partenaires occidentaux en matière d'économie et de politique étrangère. Paris et Berlin étant actuellement en proie à une profonde crise d'identité, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'Europe n'est pas vraiment prête à relever le défi.»

Polityka (PL) /

Une opportunité pour Varsovie

Polityka se demande si la Pologne pourrait profiter d'un affaiblissement de l'Allemagne :

«Quel que soit le vainqueur des prochaines législatives, le nouveau chancelier ou la nouvelle chancelière devra remettre de l'ordre dans le chaos. Il y aura donc une marge de manœuvre restreinte pour changer de manière significative la politique envers l'Ukraine par exemple, mais il faudra aussi combler l'absence de leadership à la tête de l'UE. Cela pourrait être une belle opportunité pour la Pologne, qui assurera la présidence tournante de l'UE dans deux semaines. Pour la première fois dans l'histoire récente de l'Europe, les difficultés de Berlin riment avec des perspectives de réussite pour Varsovie.»