Roumanie : inculpation du candidat Călin Georgescu
Le litige portant sur la présidentielle du mois de novembre, qui avait été annulée, se poursuit en Roumanie. Le candidat d'extrême droite Călin Georgescu, qui s'était alors qualifié pour le second tour, a été interpellé et inculpé par le Parquet général. Il est notamment accusé d'avoir commis des irrégularités dans la campagne électorale, d'avoir attenté à l'ordre constitutionnel, et d'entretenir des liens avec le groupe de mercenaires russes Wagner.
Des questions désagréables
Tages-Anzeiger questionne les ingérences de l'administration Trump mais aussi la posture de la justice roumaine :
«D'après des informations crédibles, des représentants américains exerceraient des pressions en coulisses sur Bucarest afin que Georgescu puisse se représenter à la nouvelle présidentielle du mois de mai. Cela serait du reste aussi dans l'intérêt de Poutine : Georgescu exige en effet que la Roumanie, Etat membre de l'OTAN, cesse de soutenir l'Ukraine voisine. ... Dans le même temps, la justice roumaine doit se confronter aux questions très critiques sur son rôle dans l'affaire Georgescu. L'action de la Cour constitutionnelle, qui avait avalisé la victoire du candidat au premier tour, avant de l'annuler, a parfois semblé erratique.»
Fournir des preuves solides
Hotnews écrit :
«Les commentaires que publient des personnalités américaines - qu'il s'agisse de Vance, Musk ou Trump - sur la Roumanie ne sont pas fondamentaux. Le péril, ce n'est pas la réaction américaine, mais la solidité de l'enquête. Si les preuves réunies contre Georgescu n'étaient pas suffisamment solides, cela ferait le jeu de Vance et de Musk. Si la Roumanie inculpait un candidat à la présidentielle sur la base de preuves insuffisantes, on nous le reprocherait à chaque rencontre future avec des politiques de l'UE. 'Si c'est cela la démocratie européenne, vous n'avez pas le droit de nous critiquer, car vous avez de bien plus gros problèmes' - voilà ce que diront les sbires de Trump.»
Un outsider envoûtant
Georgescu possède des qualités qui, aux yeux de beaucoup de Roumains, font défaut aux autres candidats, affirme Tygodnik Powszechny :
«Quand on le compare aux autres politiques roumains, Georgescu semble incarner de nouvelles vertus : il s'habille avec soin et s'exprime dans un roumain impeccable (qui hypnotise véritablement son auditoire !). De toute évidence, le choix d'un candidat radical et qui se démarque des milieux dominants, perçu comme n'ayant peur de rien, avec une rhétorique qui fait vibrer la corde nationaliste et patriotique, a été pour beaucoup de Roumains l'occasion d'exprimer leur lassitude envers le système politique qui prévaut depuis des décennies.»
Un cocktail dangereux
The Times tente d'expliquer les ressorts du phénomène Georgescu :
«Si l'on demandait à une IA de combiner le nationalisme machiste du président Poutine, les théories complotistes américaines et les conseils sanitaires excentriques de Robert F. Kennedy Jr., on obtiendrait peut-être un personnage comme Călin Georgescu. On a pu le voir sur des vidéos en train de faire du cheval ou de s'adonner au judo, faisant culbuter ses adversaires dans le plus pur style poutinien, mais le candidat à la présidentielle a aussi trouvé le temps d'écrire une préface à l'édition roumaine d'un livre de Kennedy, qui critique les vaccins contre le Covid.»
Pourquoi n'a-t-il pas été inculpé plus tôt ?
Le service roumain de Deutsche Welle s'étonne de la lenteur de la réaction de l'Etat roumain :
«Plusieurs indices laissent penser que les enquêteurs savaient tout des liens du candidat d'extrême droite à la présidentielle avec les mercenaires de Horațiu Potra. ... Les liens de Georgescu avec la Russie étaient connus eux aussi. Les services de renseignement étaient au courant de tout, notamment de l'actuel chef d'inculpation du Parquet général, celui d'une 'atteinte planifiée à l'ordre constitutionnel'. En d'autres termes, Călin Georgescu est accusé d'avoir fomenté un coup d'Etat. Pourquoi les services secrets n'ont-ils rien dit avant l'annulation du premier tour ? Difficile d'y répondre pour le moment.»
Le sursaut de l'Etat roumain
Si le système immunitaire étatique fonctionne vraiment, il reste de l'espoir, se réjouit le site republica.ro :
«L'Etat roumain semble s'être réveillé depuis quelques jours. Certains signes tendent à indiquer qu'il se défend, qu'il a des anticorps. Et que ses décisions ne sont pas mues par des considérations liées aux réactions des partisans de Călin Georgescu, mais par le respect des lois. L'Etat s'efforce visiblement de protéger quelque peu ses citoyens aujourd'hui, et s'il ne se laisse pas intimider dans les prochains jours, il y aura de l'espoir. L'espoir d'un retour à la normale, et l'espoir d'une régénération de l'Etat de droit. Un processus qui paraît vital aujourd'hui, tant celui-ci a été mis en difficulté ces deux derniers mois.»
Musk veut semer le chaos partout
Elon Musk a qualifié l'arrestation de Georgescu de "dévoyée" sur X, ce qui préoccupe G4Media.ro :
«Avec trois tweets en quelques heures, les intentions de Musk sont limpides : il veut chauffer à blanc l'opinion publique roumaine, diaboliser les enquêtes, et présenter Georgescu en victime. Elon Musk a fait la même chose en Allemagne avec le parti d'extrême droite AfD, et cela a en partie fonctionné. ... Il existe un risque important que les manifestations dégénèrent et que Călin Georgescu devienne un martyr. Les prochaines heures et les prochains jours seront déterminants pour l'Etat roumain.»