Tollé après les allégations de Trump
Dans le troisième duel télévisé de la campagne présidentielle américaine, c'est la déclaration de Trump selon laquelle il pourrait contester le résultat des urnes qui fait le plus parler. Ce faisant, Trump a souillé la démocratie et se reconnaît perdant, écrivent les commentateurs. Ils n'en soulignent pas moins qu'on ne vaincra pas le populisme en maintenant en place la vieille garde.
Trump fait ce qu'il veut avec les médias
Saska Saarikoski, journaliste à Helsingin Sanomat, trouve très habile de la part de Trump de suggérer qu’il y ait de la fraude électorale :
«Trump connaît les sondages et il sait qu’il va probablement perdre les élections. Pourtant, il ne veut pas être sur la touche pendant les dernières semaines de la campagne. C’est pourquoi il a dû lancer un os aux médias. … En laissant entendre qu’il ne jouerait pas sagement son rôle, Trump arrive à mobiliser sur lui toute l'attention. … Il a réussi à mener les médias à la baguette pendant toute la campagne électorale. Vous l’aurez remarqué, je me concentre moi aussi dans ce commentaire sur Trump, et non sur Hillary Clinton (qui a par ailleurs fourni une excellente prestation dans ce débat).»
Une dure épreuve pour la démocratie américaine
Cette fin de campagne présidentielle américaine donne à voir un affligeant champ de bataille, écrit El País :
«Ce n’est pas une exagération que d’affirmer que la démocratie américaine a été soumise à une épreuve de vérité depuis que Trump brigue la présidence en tant que prétendant républicain. Le parti est profondément divisé et déconcerté, ses dirigeants ont souvent dû endurer les élucubrations absurdes de leur candidat officiel et la candidate démocrate a plus d’une fois dû se prêter à des polémiques aberrantes. Trump a continué sur sa lancée, imperturbable, et a franchi toutes les lignes rouges possibles et imaginables, se croyant immunisé contre le feu qu’il allumait lui-même. Or jeudi matin, il est allé trop loin. … Comme tous les mauvais perdants, Trump jette les cartes par terre quand il se voit en train de perdre et il souille la démocratie, qui le supporte avec résignation.»
Le plan d'affaires de Trump est bien pensé
Le Vif/L'Express explique pourquoi Trump ne cherche pas forcément à mobiliser au-delà de son propre camp :
«Selon certains observateurs, il n'agit pas pour gagner. Pourquoi ? Parce que son futur marché, celui qui l'intéresse vraiment, c'est celui de l'Amérique blanche, de la classe moyenne blanche, une classe avec laquelle il sait qu'il ne pourra arithmétiquement pas gagner la Maison-Blanche. Mais elle lui est acquise. En créant une télévision pour elle, qui colporterait ses idées avec tous ses excès, il s'assurerait un marché publicitaire très juteux... En fait, Trump sait que son propre business dans l'hôtellerie n'est plus porteur depuis longtemps, et il veut donc faire sa reconversion dans les médias. Imaginez un média avec comme marque Trump News et qui pendant quatre ans va canarder tous les faits et gestes de la présidente Hillary Clinton, ce sera une réjouissance pour tous les électeurs qui la détestent viscéralement.»
La victoire de Clinton ne sonne pas la fin du populisme
Après le dernier duel télévisé, la victoire d’Hillary Clinton semble assurée. Et si l’establishment l’emportait partout ? C’est la question que se pose avec inquiétude le politologue Lucio Caracciolo, dans La Repubblica :
«Les oiseaux de malheur, qui prédisent le phagocytage des démocraties libérales par des démagogues irresponsables et des ultranationalistes xénophobes, battraient alors rapidement en retraite pour nous annoncer que l’état d’urgence est levé. Tout rentrera dans l’ordre, et tout ira même mieux qu’avant. Ils se tromperaient. Cette maladie qu’on appelle populisme et qui atteint à des degrés plus ou moins graves les démocraties occidentales ne sera pas vaincue par un résultat électoral, qui est par définition révocable, et encore moins par une rhétorique de bonne volonté. ... On ne pourra lutter contre la maladie, et peut-être avoir raison d’elle, qu’en rendant aux citoyens la possibilité de choisir entre de véritables alternatives.»
Une retenue savamment calculée
Aamulehti gage que si Hillary Clinton a ménagé Donald Trump dans le débat télévisé, elle l’a fait pour convaincre les indécis :
«Clinton s’est montrée plus habile à tenter d’obtenir les voix des électeurs conservateurs modérés encore indécis que ce que l'on aurait pu penser. C’est pourquoi elle n’a pas essayé de démolir Trump au débat de Las Vegas. Les libéraux et les radicaux auraient sûrement aimé assister à un abattage politique rituel. Clinton les a déçus. Mais traîner son adversaire dans la boue n’aurait conforté dans leurs convictions que ceux qui ont déjà pris la décision de voter pour les démocrates. En prônant les valeurs américaines traditionnelles, elle s’est adressée à de nouveaux électeurs. Elle espère que ceux-ci viendront surtout des Etats dans lesquels Trump est à présent en difficulté, alors qu’il y était clairement en tête il y a peu de temps encore.»
Le spectre du Brexit plane sur les démocrates
Les sondages donnent Hillary Clinton gagnante aux élections. Les démocrates auraient toutefois tort de croire la victoire acquise, met en garde De Morgen :
«L'aversion pour Clinton est telle que beaucoup de républicains pourraient finir par se rendre aux urnes pour voter Trump : un homme que finalement, ils ne trouvaient pas si mal jusqu’à il y a quelques semaines. A ceci s’ajoute que les sondages ne tiennent pas compte du 'facteur honte'. Si beaucoup d’électeurs de Trump affichent leur conviction ouvertement et sans embarras, il y a aussi beaucoup d’Américains qui préfèrent ne pas dévoiler leur position politique. … La campagne d’Hillary va à présent massivement essayer de mobiliser les électeurs démocrates et leur faire comprendre qu’ils doivent absolument aller voter le 8 novembre. … Espérons que Clinton ne commettra pas la même erreur que les anti-Brexit : gagnants dans les sondages, ils ont perdu contre des politiques difficiles à cerner avec des critères rationnels et qui, dans des situations décisives, peuvent engendrer des horreurs totalement irrationnelles.»
Trump veut détruire la foi dans la démocratie
Interrogé en fin de débat pour savoir s’il accepterait l’issue du scrutin, quelle qu’elle soit, Trump n’a pas voulu se prononcer. Il remet ainsi en cause un principe sacro-saint pour les Américains, constate Huffington Post Italia :
«Le fait que Trump, s’il perdait les élections le 8 novembre 2016, pourrait ne pas reconnaître le résultat des urnes représente une rupture avec un dogme politico-religieux auquel tous les Américains croient inconditionnellement. Ce serait la première fois dans l’histoire de la démocratie américaine, la première fois en 240 ans. Une nouveauté qui en dit long sur la gravité de la crise politique dans laquelle est enlisé le pays à la tête du monde occidental. … La candidature de Trump est manifestement celle d’un hérétique. Il ébranle la foi américaine dans les fondements politico-religieux de la démocratie. Le problème, c’est que des millions d’Américains sont fascinés par cet hérétique.»
L'Europe est immunisée contre le phénomène Trump
L’hebdomadaire Die Zeit analyse pourquoi en Europe, un Donald Trump ne pourrait pas se hisser au sommet :
«Grosso modo, en Europe, les citoyens frustrés doivent fonder un nouveau parti, par exemple l’AfD. En Amérique, ils peuvent pirater un ancien parti – comme Trump l’a fait, et comme le socialiste Sanders l’a presque fait. En Europe, un boucanier serait immanquablement retenu dans les mailles du filet des instances des partis. Et s’il réussissait tout de même son coup ? Le système électoral européen, contrairement à son pendant américain, ne crée pas de majorité absolue mais des coalitions uniquement. Un Trump qui mettrait le grappin sur un ancien parti serait mis en échec en aval par le cartel des partis établis – hors duquel on peut faire du bruit, mais pas partager le pouvoir. Dans le système bipartite américain, en revanche, un Trump peut véritablement devenir président et bouleverser la république. Europe, tu es mieux lotie. Il n’y a pas de claire majorité qui se dégage ; par voie de conséquence, le système se 'centrise' tout seul. Monotone mais stable. Si seulement il n’y avait pas l’Autriche, la Hongrie et la Pologne...»
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