Affaire Anis Amri : quelles conséquences ?
Suite à l’attaque perpétrée sur un marché de Noël de Berlin fin décembre, l’Allemagne est en proie à un débat virulent : que faire des demandeurs d’asile dont la requête a été rejetée et des personnes représentant un danger ? Est envisagée, par exemple, la prolongation de la durée de rétention dans l'attente de leur expulsion. Les journalistes évoquent les durcissements de la loi projetés par le gouvernement.
Ce qui justifie l'atteinte aux droits fondamentaux
En réaction à l'attentat terroriste de Berlin, le ministre de l’Intérieur Thomas de Maizière et le ministre de la Justice Heiko Maas ont présenté mardi un train de mesures visant à durcir la législation. Frankfurter Allgemeine Zeitung défend le projet contre la critique dont il fait l’objet :
«Il va de soi que la détention, l’interdiction de sortie du territoire, l’assignation à domicile, le bracelet de surveillance électronique et la vidéosurveillance sont des atteintes aux droits fondamentaux. Comme toute action de l’Etat, elles doivent être proportionnelles aux besoins. Il n’y a donc rien à redire à l'arrestation de personnes représentant un risque important pour la sécurité du pays. … Le recours limité dans le temps à la surveillance électronique dans différents domaines est du reste une méthode plus clémente que le placement en détention. … Mais le citoyen ne s’attend pas à une sécurité absolue. Il ne peut pas s’y attendre. Mais il peut s’attendre à ce que la grande coalition, pour reprendre les mots du ministre de l’Intérieur, se donne les moyens, dans des temps difficiles, d’obtenir des 'résultats raisonnables'.»
Accroître la pression sur les pays d'origine des migrants
Le cas du terroriste Anis Amri, qui a pu se déplacer librement dans toute l'Europe, illustre les difficultés que rencontrent les pays européens pour expulser les demandeurs d’asile dont la requête a été rejetée, critique Jyllands-Posten :
«Les possibilités permettant de maintenir les 'candidats' rejetés en détention sont limitées. … Sur ce point, les politiques européens sont tenus de trouver une solution. Il ne suffit pas, comme l’a annoncé mardi l’agence Frontex, de mettre en place un groupe d’experts qui parcourra l’Europe et aidera les pays de l’UE à expulser les demandeurs d’asile éconduits. Il convient d’agir plus fermement. … L’UE doit exercer une pression plus forte sur les pays d’origine des demandeurs d’asile afin qu’ils acceptent de ré-accueillir leurs ressortissants, le cas échéant. Il faut recourir à des méthodes claires et énergiques qui permettent de renvoyer un plus grand nombre de migrants chez eux. Il est naïf de croire qu’une gentille lettre les priant de quitter le pays puisse suffire.»
La Suède tout aussi impuissante en matière d'expulsions
Le journal Svenska Dagbladet suit aussi le débat allemand avec grand intérêt, estimant que la Suède est confrontée à des problèmes similaires :
«La Suède et l’Allemagne se ressemblent de plus en plus, comme si elles étaient le reflet l'une de l'autre. Nous avons choisi la même voie dans la question des réfugiés : dans un premier temps, un engagement important et la confiance dans nos propres capacités, puis un changement abrupt de cap, et des efforts qui se concentrent actuellement sur la réduction du nombre de personnes arrivant dans notre pays. … Comme en Allemagne, l’Etat doit ici aussi être certain qu’une expulsion est possible lorsqu’une personne est placée en détention. Lorsqu’on enferme un individu, on procède à une restriction importante de sa liberté. Il est par ailleurs problématique de ne pas pouvoir accomplir une expulsion. Si les politiques ne veulent pas du débat allemand et des propositions allemandes, alors il leur faudra rapidement se pencher sur la question de la pénalisation [lorsqu’un demandeur d’asile prié de quitter le territoire refuse de le faire].»