Ukraine : les conséquences d'un accord USA-Russie

Selon les dires de Donald Trump, Washington et Moscou seraient tombés d'accord sur des conditions pour mettre fin à la guerre en Ukraine : "Je crois que nous avons un deal avec la Russie", a déclaré le président américain, tout en estimant qu'il serait "plus difficile" de convaincre son homologue ukrainien. Ces derniers jours, Trump avait reproché à Zelensky de prolonger inutilement la guerre en refusant de renoncer à la Crimée. Le président ukrainien, de son côté, juge la proposition de Trump inacceptable.

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La Repubblica (IT) /

Un deal qui rappelle les Accords de Munich

La Repubblica trouve au plan américain des airs de paix imposée par diktat :

«Premièrement, il y a le rattachement officiel de la Crimée à la Russie : une violation flagrante du droit international. Deuxièmement, il y a la reconnaissance de facto par les Etats-Unis des autres territoires ukrainiens occupés par Moscou. Troisièmement, le refus d'accueillir Kyiv dans l'OTAN (mais le consentement à ce qu'elle rejoigne l'UE). Quatrièmement, le contrôle américain de la centrale nucléaire de Zaporijia. Cinquièmement, un accord sur l'exploitation des terres rares et minerais ukrainiens par les Etats-Unis. Sixièmement, un assouplissement drastique des sanctions américaines contre la Russie, allant jusqu'à une coopération dans le secteur de l'énergie. ... En échange, la seule chose que l'on demande à Poutine, c'est de se retirer de certains territoires occupés, notamment de la région de Kherson, afin de redonner aux Ukrainiens un accès au Dniepr. ... Une contrepartie bien mince, à un moment crépusculaire pour l'Europe. Espérons qu'il ne s'agisse pas là de nouveaux Accords de Munich.»

Aktuálně.cz (CZ) /

Un plan en phase avec les réalités militaires

Aktuálně.cz fait l'analyse suivante :

«L'amputation [de l'Ukraine], privée de facto (mais non de jure) de la Crimée et des territoires actuellement occupés, vient confirmer la réalité sur le champ de bataille. ... Peu de gens croient aujourd'hui que ces territoires puissent être libérés manu militari. Même le rêve de rejoindre l'Alliance transatlantique est devenu irréaliste depuis longtemps. Si l'accord sur les terres rares apparaît clairement comme un mode de remboursement de l'aide américaine, il pourrait toutefois aussi impliquer des investissements américains, et ainsi une forme de présence américaine dans le pays – en fonction des modalités de l'accord, qui ont été modifiées à plusieurs reprises.»

Die Presse (AT) /

Un blanc-seing pour les autocrates impérialistes

L'application du 'plan de paix' constituerait une dérive inquiétante en termes de droit international, souligne Die Presse :

«Ce qui serait hautement problématique, c'est qu'en entérinant la souveraineté 'russe' sur la Crimée, la nation la plus puissante au monde légitimerait la spoliation de territoires par Moscou, l'érigeant de facto en pratique légale. Quid de la violation du droit international ? Elle ne pose aucun problème au 'faiseur de deal' ! Les conséquences pourraient toutefois en être fatales : les principes du droit international, qui conservent encore un pouvoir dissuasif sur certains autocrates aux visées impérialistes, seraient définitivement enterrés. Enfin et surtout, un accord inique, dépourvu de garanties de sécurité pour l'Ukraine, ne vaudrait pas grand chose. ... Rien, absolument rien n'empêcherait alors Poutine de récidiver.»

G4Media.ro (RO) /

Dans son propre intérêt, la Roumanie doit faire barrage

G4Media.ro met en garde contre les conséquences pour l'Europe :

«Si la Russie parvient à dominer la mer Noire, se voit récompensée par un quart du territoire ukrainien alors qu'elle est passée en mode d'économie de guerre, qu'est-ce qui l'empêcherait alors, dans quelques années, d'attaquer la Roumanie ? Il ne se passe pas un mois sans que des diplomates et des militaires européens de haut rang nous rappellent le risque d'une attaque russe contre un pays membre de l'OTAN d'ici cinq ans, dans le but de mettre l'alliance à l'épreuve et de déstabiliser l'UE. C'est pourquoi la Roumanie doit, dès à présent, remuer ciel et terre pour empêcher, par tous les moyens diplomatiques et politiques, que le plan proposé par Donald Trump ne soit adopté.»

Trud (BG) /

En finir avec cette guerre

Selon Troud, la population ukrainienne est de plus en plus encline à des compromis :

«Zelensky doit aussi composer avec la lassitude et le désespoir de ses compatriotes, de plus en plus nombreux à être prêts à accepter des concessions, y compris territoriales. Celles-ci ne sont pas possibles sans référendum, comme le prévoit la Constitution ukrainienne, mais si l'on en croit les derniers sondages, un tiers des Ukrainiens s'y montreraient favorables – contre moins de dix pour cent en 2022. ... Une fin de la guerre semble maintenant à portée de main à la table des négociations. Presque plus personne ne croit que l'Ukraine puisse vaincre la Russie – pas même avec l'aide de ses alliés.»

Echo24 (CZ) /

Un compromis reste possible

Echo24 tente de tracer une perspective qui dépasse le manichéisme :

«Les Ukrainiens ont probablement conscience que la reconquête de la Crimée est actuellement hors de portée. Lors des négociations d'Istanbul en mars 2022, ils étaient prêts à accepter un report de 15 ans de la question criméenne. Il n'est pas rare dans le monde que des frontières officielles ne correspondent pas aux frontières réelles. La majeure partie du monde par exemple est favorable au principe d''une Chine une et unie', mais dans les faits, elle traite Taïwan comme un Etat indépendant. La frontière entre la Corée du Nord et du Sud n'est autre qu'une ligne de cessez-le-feu. Il en va de même de la frontière entre l'Inde et le Pakistan dans le Cachemire – les deux pays revendiquant l'ensemble de la province.»