Les Chypriotes turcs sont-ils en train d'appliquer leur 'Plan B' ?
Après l'échec des négociations de réunification, la direction chypriote turque a décidé de rouvrir plusieurs localités dans la partie occupée de l'île et de permettre le retour de leurs habitants de jadis : cette mesure concerne dans un premier temps les maronites, une minorité catholique orientale.
Sans travail de mémoire pas de réunification possible
Hürriyet Daily News craint que si l'on ne mène pas de réflexion sur l'histoire, une réconciliation sera impossible :
«Toute solution à Chypre sera quasiment impossible tant que les deux camps n'auront pas confessé les crimes qu'ils ont commis et tant qu'ils ne se seront pas mutuellement présentés des excuses. Comment les deux peuples de l'île peuvent-ils bâtir la paix et un avenir de confiance réciproque s'ils entretiennent des visions totalement divergentes quant aux origines du problème chypriote ? ... Comment réunifier Chypre si le leader, l'archevêque et le monde politique chypriotes grecs refusent systématiquement et délibérément de reconnaître les crimes commis par leur Etat et leur peuple à l'encontre des Chypriotes turcs, et si la population se réjouit de l'impunité pour les crimes commis contre les Chypriotes turcs ?»
Un développement dangereux
The Cyprus Mail y voit la preuve que la partie turque met en œuvre son "plan B" :
«La décision d’ouvrir les quatre villages maronites et de permettre le retour de leurs habitants - prise par la direction chypriote turque en accord avec le commandant des troupes d’occupation - pourrait être annonciateur de la suite des évènements, du 'plan B' évoqué par les Turcs alors que se dessinait l’échec de Crans-Montana. … Il devient de plus en plus évident que le point de vue d'Anastassiadis [le président chypriote], à savoir que le statu quo se maintiendrait après l’échec du processus de paix, résultait d’une grossière erreur d’appréciation. La Turquie l’avait prévenu qu’il s’agissait de la dernière chance pour parvenir à un accord, mais il a fait fi de ces avertissements et il se retrouve aujourd’hui confronté à des développements sur lesquels il n’a quasiment aucune emprise.»
Les opportunités et les risques d'un plan B
Hürriyet Daily News se montre partagé par rapport à l'initiative :
«Un vaste projet de reconstruction pourrait être une opportunité en or pour l'emploi et l'essor économique. Avec une telle activité économique, rassemblant investisseurs et travailleurs des deux côtés de l'île, la politique pourrait se sentir contrainte d'amorcer des approches de réconciliation. Mais la direction chypriote grecque verrait-elle d'un bon œil le Nord de l'île être élevé à un tel statut ? Les maronites et les résidents de Varosha [ville-fantôme, majoritairement peuplée de Chypriotes grecs avant la guerre, et fermée depuis 1974] se verront-ils accordés des droits de citoyens à part entière ? ... D'un autre côté, ce 'plan B' ou 'règlement par étapes' pourrait tuer définitivement la perspective d'un accord global sur l'île.»