Question macédonienne : la contestation prend de l'ampleur en Grèce
Un nouveau grand rassemblement a eu lieu en Grèce contre le compromis évoqué dans le litige autour du futur nom de l'Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM). 140 000 personnes ont manifesté dimanche à Athènes pour clamer leur opposition à tout nom composé qui comporterait le terme de Macédoine. Les éditorialistes s'inquiètent d'un litige qui pourrait déstabiliser toute l'Europe du Sud-Est.
L'absence de compromis fait le jeu du Kremlin
La stabilité de toute l'Europe du Sud-Est est menacée, estime Frankfurter Allgemeine Zeitung :
«Le litige a mené la Macédoine dans des impasses autoritaires et nationalistes, qui auraient pu déchirer le pays ; or les conséquences d'une désintégration de la Macédoine auraient été imprévisibles pour les Etats environnants. Dans ce litige, la récente évolution a été rendue possible par un tournant démocratique en Macédoine ; un tournant qui serait menacé si Athènes se braquait de nouveau, sous la pression des grandes manifestations nationalistes. Outre la Grèce, cela réjouirait le Kremlin, qui entend empêcher l'adhésion de la Macédoine à l'OTAN. Sur cette question, Moscou fait preuve d'une flexibilité toujours aussi cynique. Si elle avait jusque-là soutenu les nationalistes macédoniens, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov appelle aujourd'hui les Grecs à ne faire aucun compromis.»
Les manifestants crient à la trahison
La question macédonienne pourrait devenir une impasse pour Tsipras et son gouvernement, assure le portail Defend Democracy :
«Le gouvernement est aussi soumis à la pression de l'administration américaine et il a vraisemblablement passé des engagements auprès de celle-ci. ... Mais s'il maintenait le cap, il provoquerait une très grave crise en Grèce. ... Et pas seulement parce que 70 pour cent de la population sont opposés à sa politique. Si la résistance est aussi farouche, c'est parce qu'une partie de l'opinion publique considère la politique gouvernementale comme une trahison nationale. La manifestation de dimanche a été pacifique, mais les gens semblent décidés à tout faire pour empêcher le Parlement de ratifier l'accord qu'Athènes et Skopje sont susceptibles de signer.»
Semoncer les pseudo-patriotes
Les Macédoniens se montrent tout aussi peu disposés au compromis, fait valoir Fokus :
«L'histoire nous enseigne que la Macédoine n'a jamais été un royaume ou un Etat, mais seulement une région. Nous devrions renoncer aux chimères, et voir enfin les choses telles qu'elles sont. ... La querelle avec la Grèce est une question délicate, mais de nombreux Macédoniens ne disposent pas des connaissances nécessaires pour comprendre la perspective historique qu'ouvrirait un compromis sur l'avenir de leur pays. Ils préfèrent s'entêter à affirmer que la Macédoine est un pays puissant depuis Alexandre le Grand. Il est temps de semoncer les pseudo-patriotes de Macédoine, afin de leur dessiller les yeux avant qu'ils ne nous entraînent tous dans l'abîme.»
Un message aux partis de droite
Les manifestants voulaient envoyer un message aux partis de la droite ultraconservatrice, assure Naftemporiki :
«Le premier s’adressait au ministre de la Défense, Panos Kammenos, qui, s’il veut que son parti survive aux prochaines élections, devra s’abstenir de soutenir toute solution tablant sur un nom composé, même si cela signifie la fin de sa coopération avec SYRIZA. Nea Dimokratia est également en difficulté ; comme le montre la présence de ses députés à la manifestation d’hier, le parti ne peut ignorer une foule aussi grande, dont l’écrasante majorité constitue son électorat principal. La présence du général à la retraite Grangoulis Fragou au rassemblement d’hier pourrait également signifier, comme certains le murmurent déjà, la constitution d’une nouvelle formation politique à droite de Nea Dimokratia.»
Le gouvernement ne peut ignorer la mobilisation
Des cadres et des partisans du parti néonazi Chryssi Avgi ont aussi participé au rassemblement. Si le gouvernement restait sourd aux revendications de ces manifestants, un grand nombre d'entre eux pourraient se tourner vers l'extrême droite, prévient Protagon :
«Si tous les partis de l'arc démocratique sont tous plus ou moins en faveur d'une résolution du litige, il y a néanmoins un risque que de nombreux contestataires cherchent un refuge politique à l'extrême droite. ... Le gouvernement ne doit ni négliger les craintes soulevées, ni les rejeter. Sa tâche consiste à créer les conditions d'un consensus. S'il est parvenu à convaincre les Grecs qu'il les débarrasserait des programmes d'austérité, ne peut-il pas aussi les persuader qu'il résoudra cette question ?»