Pedro Sánchez peut-il être l'artisan d'un renouveau espagnol ?
En Espagne, à l'issue de la motion de censure qui a renversé Mariano Rajoy, le socialiste Pedro Sánchez a été élu nouveau Premier ministre. Ce changement à la tête du gouvernement intervient suite à un scandale de corruption dans lequel le Parti conservateur (PP) de Rajoy est impliqué. Les commentateurs se demandent si Sànchez réussira à remettre l'Espagne sur les rails.
Sánchez aussi appartient à la vieille garde
Sánchez n'est pas porteur d'un véritable nouveau départ, écrit NRC Handelsblad :
«Si Sánchez aime se poser en socialiste moderne, ce n'est pas un rénovateur. Pour une nouvelle génération d'Espagnols, le PP de Rajoy et le PSOE [de Sánchez] incarnent trop l'ancienne politique. ... Et l'implication de membres des deux partis dans une kyrielle de scandales de corruption ne fait qu'aggraver les choses. De plus en plus de jeunes votent pour les libéraux de Ciudadanos ou pour la gauche radicale de Podemos. L'Espagne est ainsi traversée par une nouvelle ligne de démarcation qui sépare non plus seulement la droite de la gauche, mais aussi les jeunes de leurs aînés.»
La pénisule ibérique montre l'exemple
Douma se félicite de ce que l'Espagne, après le Portugal, soit à son tour sur le point de montrer qu'une politique de gauche peut réussir :
«Sánchez a la possibilité de changer le cap de la politique espagnole. La crise catalane lui donnera probablement du fil à retordre. Côté économie - l'autre gros problème de l'Espagne - après la politique d'austérité de Rajoy, le pays devrait connaître un nouveau souffle sous Sanchez. Le Portugal en a fourni la preuve : la formule selon laquelle les méchants socialistes dilapident ce que les gentils conservateurs rétablissent après eux a du plomb dans l'aile. La péninsule ibérique peut enfin donner l'exemple et montrer au reste de l'Europe qu'une politique de gauche est une bonne politique. Le moment est venu, nos meilleurs vœux de réussite à Pedro Sánchez !»
Rassurer Bruxelles
El Mundo appelle Sánchez à montrer que son gouvernement ne menace pas l'Europe :
«Force est de constater que Sánchez a toujours souligné son profil européen. Dans le débat qui a précédé la motion de censure, pour ne pas s'aliéner les séparatistes, il n'a pas pu dévoiler tout son programme de gouvernement. Il a toutefois clairement fait savoir qu'il respecterait les engagements pris par son pays envers Bruxelles, y compris ceux relatifs au déficit. Il doit désormais le prouver. Un des grands accomplissements du premier mandat de Rajoy avait été, au plus fort de la crise, de faire en sorte que l'Espagne ne soit plus considérée comme l'homme malade de l'Europe. Les socialistes ont le devoir de maintenir la stabilité.»
Oser un nouveau départ
Pour Dagens Nyheter, le départ de Rajoy constitue une chance pour l'Espagne :
«Paradoxalement, l'économie espagnole reprend du poil de la bête. Elle affiche un taux de croissance satisfaisant et le chômage est en baisse. En partie parce que les lois Rajoy ont bel et bien fait bouger les lignes. Mais le désordre politique, ombragé par les soubresauts de la crise italienne, malmène les marchés. La tenue d'élections anticipées serait logique. Tout, de la corruption à l'économie en passant par les velléités séparatistes catalanes, demande à être révisé. Les électeurs ont d'ores et déjà aboli l'ancien système. Il est temps d'en construire un nouveau.»
Un renouveau qui restaurera la confiance
Ce gouvernement a fait son temps, assène le quotidien Kettős Mérce :
«La première conséquence du renversement immédiat de ce gouvernement conservateur sera la restauration de la confiance des citoyens espagnols dans la valeur de la démocratie et du système représentatif, confiance malmenée ces dernières décennies. La défense de ces valeurs justifie qu'un parti gangrené par la corruption et qui a menti - selon les conclusions de la justice, étayées par des preuves accessibles au public - ne saurait se maintenir au gouvernement un jour de plus.»
Sánchez et ses alliés veulent déchirer l'Espagne
ABC croit savoir que la corruption au sein du parti PP est un moindre mal en comparaison avec l'épreuve qui attend le pays :
«La motion de censure des socialistes a été facilitée par de lourdes erreurs du gouvernement et du PP. … Ceci dit, [le chef de file des socialistes et nouveau Premier ministre] Pedro Sánchez est notamment soutenu dans son entrée au Palais de la Moncloa par Bildu, parti [basque] pro-ETA .… Si la corruption économique est un délit grave, la corruption morale des socialistes qui acceptent sans le moindre scrupule le soutien de partisans du terrorisme est encore plus répréhensible. Sánchez et son accession à la présidence du gouvernement bénéficient également du soutien des partis catalans ERC et PdeCat. Des partis qui cherchent à déchirer l'Espagne, à mettre à bas la Constitution et qui ont élu à la présidence de la généralité de Catalogne un représentant du néo-fascisme xénophobe.»
Le risque d'un 'gouvernement Frankenstein'
L'éventualité qu'un Premier ministre PSOE prenne la tête du gouvernement avec le soutien de partis séparatistes inquiète Diário de Notícias :
«Pedro Sánchez veut non seulement renverser Rajoy, mais il tient aussi à tout prix à devenir Premier ministre. Cet acharnement 'coûte que coûte' est le problème actuel de l'Espagne. ... Pour le cas où le vote de défiance passerait, on parle déjà d'un 'gouvernement Frankenstein' [un rafistolage artificiel], car la nouvelle majorité parlementaire se composerait d'un mélange du parti contestataire Podemos et de partis nationalistes catalans et basque. … Si pour ce vote, les socialistes font bel et bien cause commune avec des partis indépendantistes, basque et surtout catalans, ils exposent l'Espagne à un immense risque.»