Kövesi peut-elle être nommée à la tête du Parquet européen ?
Le Bureau du procureur général européen (BPGE), une instance nouvelle de l'Union, doit commencer son travail en 2020. Laura Codruța Kövesi, l'ex-procureure générale du parquet anticorruption roumain (DNA), serait pressentie pour la diriger. Mais Bucarest tente d'empêcher cette nomination, et vient notamment de faire ouvrir une enquête pour abus de pouvoir, corruption et parjure contre Kövesi. Les chroniqueurs estiment que la Roumanie veut croiser le fer avec l'UE.
Des attaques voilées
L'objectif réel n'est pas d'empêcher la nomination de Kövesi, croit savoir, Digi 24 :
«L'attaque est portée contre tous ceux qui soutiennent la candidature de Kövesi au Bureau du Procureur général européen. On tente une nouvelle fois de défier la Commission européenne, le Parti populaire européen (PPE), plusieurs dirigeants européens importants, ainsi que l'Allemagne, la France et les Etats-Unis. On s'en prend à tous ceux qui se permettent de transgresser certaines lignes rouges. Kövesi n'est qu'un prétexte. Un symbole de l'influence que sont censés exercer les Etats de l'UE et les Etats-Unis en Roumanie. Une influence considérée comme un péril mortel.»
Les eurodéputés se dégonfleront
Cela pourrait marquer la fin de la candidature de Kövesi, estime Moise Guran sur son blog :
«Le Parquet européen ne jouit pas de l'immunité. Cela signifie que les enquêtes ouvertes contre Kövesi continueront, même si celle-ci devait être nommée à la tête de cette institution. Les eurodéputés et les représentants du Conseil européen [qui se prononceront sur cette candidature] seront confrontés au dilemme suivant : est-ce une bonne chose de donner un faux départ au Parquet européen, en le dotant d'une responsable qui fait l'objet d'enquêtes pénales dans son propre pays ?»
Le régime est obnubilé par Kövesi
Le gouvernement a lui-même provoqué le battage autour de l'ex-procureure en chef de la DNA, fait remarquer l'antenne roumaine de la Deutsche Welle :
«Magistrate compétente, Kövesi n'aurait pas suscité d'attention outre mesure si elle n'avait pas été limogée. Elle cherchait juste à faire son travail, c'est-à-dire à débarrasser l'Etat du fléau de la corruption. Mais de par l'obstination du régime Dragnea, l'affaire Kövesi a pris une envergure européenne, et la procureure est devenue un emblème. ... Elle incarne désormais la lutte pour l'équité, la justice et l'Etat de droit. Les attaques obsessionnelles et paranoïaques menées à son encontre par [le ministre de la Justice] Tudorel Toader ont été si ridicules que ses concitoyens, d'ordinaire si flegmatiques, s'insurgent. Plus de 500 juristes, informaticiens et diplômés de l'université Alexandru Ioan Cuza de Iaşi ont signé un courrier de protestation, appelant le ministre à renoncer à son poste de doyen de l'université.»
Les Roumains ont laissé tomber leur héroïne
Le succès de Kövesi au niveau européen a un arrière-goût amer pour la Roumanie, déplore le journaliste Moise Guran sur son blog :
«Laura Codruța Kövesi a fait de la DNA la seule institution publique roumaine qui produit des résultats. Elle a montré que nous pouvions, nous aussi, avoir de telles institutions, que nous pouvions faire les choses différemment. Or qu'avons-nous fait ? Nous avons choisi Liviu Dragnea [le chef de file du PSD, impliqué dans des affaires de corruption] et laissé Kövesi se faire ostraciser, de façon verticale, par le truchement d'autres institutions - Cour constitutionnelle, Parlement, gouvernement et présidence. Oui, le président a participé lui aussi à ce processus ; l'homme 'aux 6,2 millions de voix', qui 'n'avait plus d'autre choix' que de la faire destituer par le biais de sa porte-parole.»