Notre-Dame de Paris : que penser des dons qui affluent ?
Dans une allocution télévisée, le président Emmanuel Macron a annoncé vouloir achever d'ici cinq ans la reconstruction de Notre-Dame de Paris, dévastée lundi par un incendie. En un temps record, des milliardaires français et d'autre donateurs ont fait des promesses de dons s'élevant déjà à 700 millions d'euros. Un élan de générosité qui n'est pas salué unanimement.
Une manne inopinée
Habertürk trouve tragique qu'il ait fallu attendre un incendie destructeur pour qu'abonde l'argent pour la restauration de la cathédrale :
«Encore sous le coup de la stupeur, les Français ont déjà commencé à discuter des moyens de reconstruire cette cathédrale, un des plus illustres édifices du monde catholique, mais aussi de l'architecture mondiale. Fait surprenant, alors même que la semaine passée encore, l'Etat recherchait désespéramment 150 millions d'euros pour financer la restauration de Notre-Dame, à peine la cathédrale était-elle la victime des flammes que les dons se sont mis à pleuvoir !»
Quand les milliardaires instrumentalisent un désastre
Le Courrier se montre écœuré par la multiplication des dons spontanés :
«Une véritable instrumentalisation du symbole Notre-Dame par de richissimes hommes d'affaires se rêvant sauveurs de cathédrales. Les mêmes qui se plaignent des impôts confiscatoires. Les mêmes qui pratiquent l'évasion fiscale massive. … Depuis cinq mois, une certaine France descend chaque week-end dans la rue pour dénoncer des conditions de vie indignes – le mal-logement, les salaires de misère, les humiliations du quotidien. Ni la générosité sélective des ultrariches ni l'appel à la solidarité et à l'unité nationale d'un gouvernement obstinément sourd à la demande de justice sociale ne sauraient combler le fossé de plus en plus visible entre ces deux facettes de l'Hexagone.»
Avec l'ISF, on se passerait de dons
Dans Mediapart, le journaliste spécialiste de l'économie Romaric Godin précise qu'il ne partage pas l'acception que fait Macron du mot 'ensemble' :
«S'il s'agit de 'bâtir ensemble' alors il faut payer ensemble. Il faut donc avoir recours à l'impôt, à des moyens nouveaux. Mais payer ensemble, cela veut aussi dire payer en fonction de ses moyens et des avantages acquis. C'est donc aux plus riches de financer en priorité cet effort nouveau. Or il y avait là un moyen de faire contribuer les plus riches : l'ISF, qui a privé le budget de l'Etat de près de 3,5 milliards d'euros. Belle somme, qui manque désormais cruellement à la République pour réaliser son 'destin profond'. Si l'on ajoute à cette somme le milliard perdu par la défiscalisation des dons, on pourrait disposer d'une somme remarquable pour reconstruire la cathédrale.»
Un malheur qui ouvre les cœurs et les bourses
Védomosti, pour sa part, voit dans la rapidité avec laquelle les fonds ont été recueillis une preuve de vitalité de la vieille Europe :
«Les larmes des Parisiens et des touristes, qui ont vécu l'incendie comme une tragédie personnelle, mais aussi la tonalité de la grande majorité des réactions sur les réseaux sociaux ont montré que ce genre de catastrophes avait le pouvoir d'éveiller chez les gens un sentiment d'appartenance à une même communauté face à un fléau qui affecte tout le monde. ... Le rythme effréné de la collecte de dons a montré la place qu'occupait la cathédrale dans les cœurs des gens, partout dans le monde. ... La restauration de Notre-Dame sera longue et complexe, mais les rumeurs sur le déclin de la vieille Europe et de toutes ses valeurs s'avèrent une fois de plus être largement exagérées.»