Brexit : les négociations piétinent
Vendredi, le quatrième cycle de négociations sur les futures relations entre la Grande-Bretagne et l'UE s'est terminé sans avancée notable. Tel est le constat partagé par les négociateurs des deux parties, Michel Barnier et David Frost. L'accord devant être ficelé d'ici le 31 octobre, le temps presse. Les éditorialistes se demandent si Londres veut vraiment parvenir à un accord.
Bruxelles se trompe sur le compte de Londres
Le gouvernement britannique ne cherche pas forcément à obtenir un accord, prévient le chroniqueur Wolfgang Münchau dans Financial Times :
«Lorsque l'UE a déterminé son propre mandat de négociation, elle est partie du principe que le Royaume-Uni avait un besoin plus urgent d'un accord que l'UE, et que Boris Johnson finirait par se plier à ses conditions. Certains partisans de l'UE en Grande-Bretagne devraient se demander dans quelle mesure ils ont conforté ces attentes. ... Le fait qu'une partie aspire à un modèle économique est une chose ; que l'autre partie veuille imposer ses propres règles, comme l'UE tente de le faire, en est une autre. Je ne critique pas le mandat de négociation de l'UE pour des raisons morales. ... Ce qui m'inquiète, c'est qu'il puisse reposer sur une erreur de jugement.»
Le coronavirus, l'alibi parfait
Si la pandémie avait initialement desservi le Premier ministre en raison de sa gestion de crise controversée, elle lui offre aujourd'hui la possibilité de rebondir habilement, souligne Le Temps :
«Boris Johnson ne cache pas son hostilité à toute prolongation et sait désormais que, quelle que soit l'issue des tractations, il ne court pas grand risque. Avant que la pandémie ne frappe le Royaume-Uni il y a trois mois, il se devait encore de mesurer minutieusement les dégâts éventuels qu'un Brexit dur infligerait aux entreprises de son pays. Aujourd'hui, chacun sait que la crise économique succédera partout à la crise sanitaire. Cela permet par avance au premier ministre de faire passer les conséquences de sa stratégie face à l'UE par pertes et profits. Qui pourra dire dans un an ce qui aura fait sombrer tel ou tel indicateur dans le rouge vif ?»
Johnson semble vouloir un Brexit sans accord
Boris Johnson pourrait justifier une demande de report du délai sans perdre la face, en invoquant la circonstance atténuante du confinement de plusieurs mois. El País craint toutefois qu'il ne saisira pas l'occasion :
«Il est pour le moins irréaliste de vouloir négocier en quatre mois un accord qui nécessiterait normalement des années. ... Le négociateur en chef britannique, David Frost, a déjà acté que la durée des négociations avait été réduite et que les réunions virtuelles avaient déjà été exploitées à fond. Si son gouvernement ne fait pas valoir cette circonstance pour se délier de sa promesse et demander un report de la date de sortie, ce sera la preuve définitive qu'il joue la carte d'une sortie désordonnée.»