Sommet européen : un accord aux dépens de l'Etat de droit ?
Lors de leur sommet exceptionnel à Bruxelles, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE ont renoncé à conditionner le versement futur des fonds européens au respect de critères liés au respect de l'Etat de droit. En raison, notamment, de l'opposition de la Hongrie. Le Conseil de l'UE est désormais amené à adopter une ordonnance similaire, mais la majorité nécessaire à cette décision est tout sauf assurée. Trop peu pour lutter contre la corruption et l'autoritarisme, de l'avis de nombreux éditorialistes.
La démocratie sur la touche
Le sommet n'a pas satisfait les attentes, déplore Sydsvenskan :
«Il en va du fondement de l'UE. ... La négociation du fonds de relance était l'occasion unique de faire très concrètement contrepoids aux forces illibérales qui se propagent dans l'Union. ... La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et le président du Conseil, Charles Michel, affirment qu'ont été établies des conditions claires en faveur de l'Etat de droit, pouvant désormais être mises en œuvre. Difficile de dire cependant dans quelle mesure cela se vérifie. L'UE vacille sous le poids du fonds post-coronavirus. Pas en raison de son coût énorme, mais en raison de ses zones d'ombre.»
A la carte
Dans La Stampa, le diplomate Giampiero Massolo déplore que des considérations égoïstes aient pesé plus lourd dans la balance que l'Etat de droit :
«L'image qui en ressort, c'est celle d'un processus d'intégration 'à la carte', en somme. Avec une indulgence considérable pour les 'petites victoires' de chacun, occultant ce faisant qu'il s'agit en réalité de 'petites défaites' pour la cohérence du projet d'ensemble. Notamment en matière d'Etat de droit : l'opportunisme du Premier ministre Mark Rutte et d'autres dans leur gestion du problème a contribué à le banaliser et à fondre dans la masse des négociations ce qui, en principe, aurait dû être non-négociable.»
Défendre l'Etat de droit
C'est une erreur de croire que l'offensive des PECO contre les critères de l'Etat de droit profite à la République tchèque, juge Denik :
«La République tchèque et son Premier ministre ont tacitement, mais efficacement, soutenu la Pologne et la Hongrie dans leur fronde contre l'Etat de droit - une véritable honte. Soit Andrej Babiš a mauvaise conscience, soit il a des intentions douteuses vis-à-vis de l'Etat tchèque - soit les deux. Pour nous, les Tchèques, il faudrait au contraire que l'Etat de droit soit une condition au versement des aides européennes. Car il s'agit, in fine, de notre argent.»
Un arsenal anticorruption qui existe déjà
La défense des principes de l'Etat de droit n'a pas été la priorité du sommet, ce qui ne signifie pas que l'UE devra dorénavant accepter avec autant de veulerie les fraudes aux subventions, estime Handelsblatt :
«La Commission n'a pas encore déployé toutes les armes dont elle dispose pour combattre la corruption. Elle pourrait engager des processus pour violation des traités envers les pays concernés, avec plus de poigne qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent, et être plus prompte à infliger des sanctions. L'Office européen de lutte antifraude (OLAF) pourrait aussi prendre des mesures plus énergiques dans les pays où même des membres du gouvernement et le Premier ministre s'enrichissent illégalement, en fraudant les subventions européennes. Le Parlement européen devrait insister sur ce point. Ce serait déjà une grande avancée.»