Divorce PPE/Fidesz : Orbán trouvera-t-il de nouveaux alliés ?
Depuis le départ du parti au pouvoir en Hongrie (Fidesz) du groupe PPE au Parlement européen, le chef du gouvernement hongrois, Viktor Orbán, est en quête d'alliés pour former un nouveau groupe. A cet effet, il rencontre aujourd'hui Matteo Salvini, chef de file du parti italien Ligue, ainsi que le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki (PiS). A priori, les commentateurs européens juge plutôt insuffisant le dénominateur commun de cette masse hétéroclite.
Une marge de manœuvre limitée
Népszava juge fort improbable la formation d'un grand groupe d'extrême droite au Parlement européen :
«Même le Premier ministre slovène Janez Janša, qui apprécie pourtant Orbán, et son parti ne sont pas tentés par cette formation. Car eux aussi ne veulent pas quitter leur place au coin du feu, comprendre au sein du PPE. Pour Marine Le Pen, figure de proue de l'extrême-droite française, certaines des actions du chef du gouvernement hongrois ne sont pas recevables, et même l'aile modérée de l'AfD n'est pas emballée par une coopération plus étroite avec le Fidesz. Avec les déboires de Hans-Christian Strache [l'Ibizagate], le parti d'extrême droite autrichien FPÖ a appris à ses dépens les complications que cela pouvait entraîner d'imiter la politique d'Orbán. ... Une forme d'alliance est envisageable [entre Orbán et Salvini], mais ici aussi, en tant que membre du gouvernement italien, la Ligue devra scrupuleusement soupeser chacune de ses positions.»
Pas d'affinités naturelles
Pour que la fusion des nationalistes réussisse, un certain nombre de points devraient d'abord être élucidés, écrit Der Standard :
«Les plateaux de la balance du Parlement européen se sont mis en branle - sans qu'il n'y ait eu d'élections. ... Les Conservateurs et réformistes européens (CRE) et les populistes extrémistes du groupe Identité et démocratie (ID) pourraient fusionner pour former le second groupe parlementaire européen par la taille, avec le Fidesz comme trait d'union. ... Peut-être cette fusion peut-elle réussir, qui sait. Mais les différents protagonistes devraient avoir du mal à surmonter les divisions découlant tout naturellement du nationalisme international. Il risque aussi d'y avoir des dissensions quant aux relations avec Moscou : en effet, on prête souvent à la Russie des liens avec les partis d'extrême droite européens. ... Pour le PiS polonais, qui voue à Moscou une aversion profonde, ce devrait être une ligne rouge.»
Un nouveau bouc émissaire
Orbán va se déchaîner sans retenue contre l'UE, croit savoir le politologue Dmytro Toudchanskyi dans Ukraïnska Pravda :
«Maintenant, il a toute latitude pour se lancer à fond dans sa rhétorique anti-UE. Pour le Premier ministre hongrois, ce n'est pas un but en soi, mais un instrument. ... A chacun des scrutins précédents, il a mobilisé la société contre quelque chose : contre la gauche, contre les migrants, contre Soros. Un scénario qui a porté ses fruits, à chaque fois. Pour le répéter, Orbán doit de toute urgence désigner de nouveaux 'ennemis' et partir en guerre contre eux. Pour les élections de 2022, ce rôle incombera probablement à la 'guerre pour la souveraineté de la Hongrie et contre l'establishment bruxellois'.»
Remodelage de la droite dure au Parlement
Orbán tente de donner un nouveau visage au groupe des Conservateurs et Réformateurs européens (ECR), estime contributors.ro :
«Il encourage non seulement le Premier ministre slovène et le leader du Parti démocratique (SDS) Janez Janša à quitter le PPE pour rejoindre le groupe ECR, qui a déjà entamé un dialogue avec le SDS, mais il invite également la Lega [italienne] à en faire de même. Viktor Orbán, dont le parti n'appartient même pas à ce groupe, en est le membre le plus actif ! ... Avec l'ajout de ces trois partis, l'ECR passerait de 62 à 106 membres, devenant ainsi la troisième force politique au parlement.»
Le Fidesz pourrait donner le ton dans les milieux conservateurs
Krónika croit également que le Fidesz a plus d'un tour dans son sac :
«Les chroniqueurs européens semblent trouver bien plus intéressant de conjecturer sur les manœuvres futures du parti de Viktor Orbán que de réfléchir à l'avenir du PPE, dont on du mal à définir les contours. ... Suite au Brexit, l'UE a dû prendre congé des conservateurs britanniques, qui jouaient un rôle décisif à Bruxelles jusqu'à la funeste décision de Cameron. Ils ont marqué la pensée européenne avec des avis distincts et une politique courageuse. ... Une formation dirigée par le Fidesz pourrait venir combler le vide laissé sur l'échiquier politique par le départ des conservateurs britanniques.»
Un dilemme perdu d'avance
Le Fidesz aura du mal à créer une alliance influente au Parlement européen, estime pour sa part Népszava :
«Les bonnes relations que le Fidesz entretient avec la CDU sont non seulement stratégiques, mais également indispensables s'il souhaite renforcer son influence. Manque de chance, le parti de Merkel refuse de se compromettre avec tout ce qui se trouve à sa droite ... Orbán semble avoir deux options : la première consiste à ne s'allier qu'avec les forces politiques qui, du point de vue de Berlin, ne franchissent pas la ligne rouge - mais dans ce cas, il devra se passer d'un certain nombre d'alliés potentiels. ... L'autre option serait de former une nouvelle faction européenne qui resterait de taille réduite, même avec les deux partenaires de poids que sont la Lega de Matteo Salvini et le PiS de Jarosław Kaczyński.»
Les peuples du monde veulent la démocratie
Politiken appelle à poursuivre sans faiblir la lutte contre les forces illibérales :
«Le premier pas à faire consiste à reconnaître le problème et à en prendre la mesure. Se mobiliser et lutter pour la liberté et la démocratie. Comme l'a fait le groupe PPE en évinçant de ses rangs Viktor Orbán et les membres de son parti. C'est ainsi que l'on gagne le combat pour la liberté. ... Car le désir de démocratie n'a jamais été aussi fort qu'aujourd'hui parmi les peuples de la planète, et la volonté de combattre l'est tout autant. Il suffit de voir les manifestants au Bélarus, les militants pro-démocratie à Hong-Kong, Alexeï Navalny en Russie. Le combat n'est pas perdu, mais il convient de le mener aujourd'hui.»
D'autres exclusions à venir
Le quotidien progouvernemental Magyar Hírlap s'attend à de nouvelles mises à l'écart :
«Au cours de la session plénière du Parlement européen cette semaine, il sera question des 'attaques contre les médias' en Pologne et en Hongrie, mais aussi en Slovénie. L'objectif est clair : exclure également du PPE le SDS du Premier ministre slovène, Janez Janša. Le groupe au Parlement perdrait ainsi deux députés de plus et le PPE se priverait d'un autre parti au pouvoir, ce qu'il ne peut se permettre. Car si les partis affiliés au PPE étaient par le passé aux affaires dans la plupart des Etats membres, ils sont aujourd'hui dans l'opposition dans les deux tiers des pays de l'UE.»
Des adieux mais sans les larmes
Le PPE va enfin pouvoir respirer, affirme Dnevnik :
«Le retrait du Fidesz du plus grand groupe siégeant au Parlement européen est pour ce dernier un soulagement, confronté qu'il avait été, ces dernières année, aux frasques répétées du Premier ministre hongrois Viktor Orbán. Des dérapages verbaux à l'encontre de Jean-Claude Juncker ou les échanges au-dessous de la ceinture entre le député Fidesz Tamas Deutsch et le président du groupe PPE, Manfred Weber, auquel Deutsch reprochait des méthodes dignes de celles de la Gestapo. ... Ce travail de sape verbal, mêlé d'euroscepticisme et de la manie d'accuser Bruxelles de tous les maux était l'une des méthodes du Fidesz pour maintenir et renforcer son pouvoir en Hongrie. Orbán n'a jamais cessé de se chercher un ennemi venu de l'extérieur.»
Une alliance vidée de ses valeurs
L'épisode du Fidesz a révélé l'absence de principes du groupe conservateur, estime Péter Techet dans Azonnali :
«Le système de valeurs du parti populaire européen est une sorte de fourre-tout. Si Viktor Orbán n'avait pas quitté le PPE, le système de valeurs des conservateurs et des chrétiens démocrates européens serait resté aussi extensible que l'espace [pour que le Fidesz y ait encore sa place]. Le PPE est le révélateur de ce dont l'UE fait preuve dans l'ensemble : un manque de principes, un incroyable chaos, le tout enveloppé dans de belles paroles. ... Si le Fidesz a réussi à entrer dans les rangs du PPE et à s'y maintenir aussi longtemps, il le doit surtout à la CDU et à sa sœur bavaroise la CSU - bref à l'industrie allemande.»
Espérons un vote sanction
Dagens Nyheter porte un regard critique sur l'attitude de l'UE, et surtout de l'Allemagne, vis-à-vis des régimes autoritaires de Hongrie et de Pologne :
«L'UE semble indécise. De grands pays comme l'Allemagne se montrent peu soucieux de savoir si la crédibilité de l'UE est torpillée par les leaders anti-libéraux. Il faut que cela cesse. Les systèmes autoritaires comme ceux d'Orbán et de Kaczynski n'ont pas leur place en Europe. Une grande majorité des Hongrois et des Polonais souhaitent rester dans le giron de l'UE. Reste à espérer qu'ils expriment ce vœux aux prochaines élections, tant que leurs voix comptent encore.»
Bientôt dans leur véritable famille politique
Jutarnji list croit savoir au sein de quelle formation le Fidesz est susceptible de trouver un havre politique :
«Les réactions du CRE, un groupe de Conservateurs et de réformistes au Parlement européen, en témoignent. Le groupe n'est pas d'extrême droite, mais eurosceptique. Il a été créé à l'époque où l'ancien Premier ministre britannique David Cameron avait décidé de quitter le PPE. ... Le CRE a condamné la décision du PPE, manifesté son soutien au Fidesz et qualifié cette décision de punition politique pour désobéissance. ... Si le Fidesz ralliait le CRE, ce qui semble plus que probable à en juger par le comportement d'Orbán, il deviendrait alors le quatrième groupe en nombre de députés, reléguant les Verts à la cinquième place.»