Les non-dits du discours de Poutine à la nation
Sur fond de tensions en Ukraine et dans les relations entre Russie, UE et Etats-Unis, l'édition 2021 de l'adresse annuelle du président Poutine à la Russie était attendue avec une certaine fébrilité. Mais aucune grande décision n'a été annoncée, et le chef de l'Etat s'est focalisé sur des mesures sociales et économiques. Les commentateurs font des analyses très divergentes.
Soporifique et c'est tant mieux
Une fois n'est pas coutume, Ekho Moskvy se félicite de la vacuité du discours de Poutine :
«On s'attendait à ce que la Russie avale le Bélarus, ce qui aurait expliqué la venue en Russie de Loukachenko. On s'attendait à la reconnaissance officielle des 'républiques populaires de Donetsk et Lougansk', et à la guerre en Ukraine, ce qui aurait expliqué la convocation extraordinaire du Conseil de la fédération. On s'attendait à ce que nous renvoyions les diplomates de tous les pays du monde. Bref, on s'attendait au pire. Mais à notre grand soulagement, le président a mis de l'eau dans son vin. Après un discours aussi monotone que vide, même le cours du rouble est remonté.»
Du pain et des jeux
Dans un billet Facebook relayé par newsru.com, le politologue Abbas Galliamov reproche à Poutine d'esquiver les véritables questions politiques :
«Au lieu de parler politique et de répondre aux reproches que la part la plus active de la population adresse au pouvoir, Poutine a parlé de tout et de rien : d'allocations familiales, de tourisme, de construction de logements, d'une hausse du parc ambulancier, et j'en passe. ... En guise de réponse à la plupart des problèmes abordés dans cette allocution, Poutine ouvre le robinet d'argent. On peut donc y voir une tentative du président de se racheter. ... La mobilisation croissante a au moins le mérite d'avoir eu un effet positif : si les gens n'avaient pas manifesté, Poutine n'aurait pas ouvert aussi grand les cordons de la bourse.»
La part belle au complotisme
Le discours s'est focalisé sur une Russie présentée en victime de l'Ouest et a éludé des thèmes majeurs, analyse Jutarnji list :
«Par exemple les 'relations moribondes' avec Bruxelles [formule du ministre des Affaires étrangères Segueï Lavrov], et surtout la situation conflictuelle en Ukraine et le déploiement de troupes à la frontière du pays. ... Le président russe n'a pas non plus évoqué la proposition de son homologue ukrainien, Volodymyr Zelenskyi, d'une rencontre dans le Donbass. Il a surtout parlé d'un complot présumé et d'un projet de liquidation du président bélarusse, Alexandre Loukachenko, qui aurait été déjoué par les renseignements russes il y a quelques jours. ... Selon lui, l'Ouest aurait toujours 'la Russie dans le collimateur'.»
Tout sauf affaibli
Poutine se sent incité à jouer les hommes forts, analyse Corriere della Sera :
«La popularité du président est de plus de 60 pour cent et semble se maintenir en dépit des évènements actuels. L'âpre confrontation avec l'Ouest semble même l'avoir revigorée. Hier, il a évoqué les nouvelles armes puissantes dont l'armée russe sera bientôt équipée. ... Il a promis de l'argent pour pratiquement tous les pans de la société. ... Les sanctions prises contre la Russie sont faibles et Biden a reconnu le rôle mondial du Kremlin, en invitant Poutine à un sommet bipartite. Voilà pourquoi Vladimir Vladimirovitch ne recule pas devant la confrontation avec ses voisins, de la République tchèque à l'Ukraine.»