Inflation : pourquoi les prix augmentent-ils en Europe ?
Dans la zone euro, le taux d'inflation a atteint un niveau sans précédent de 8,9 pour cent. De la guerre en Ukraine à la politique monétaire de la BCE en passant par la spéculation boursière : les journalistes invoquent des facteurs bien différents pour expliquer la crise.
L'embellie aux USA ne nous concerne pas
Le taux d'inflation redescend aux Etats-Unis, mais l'Europe aurait tort de se réjouir trop tôt, met en garde De Tijd :
«Il est réjouissant de constater que l'inflation puisse aussi chuter et non pas uniquement grimper. En Europe aussi, familles, entreprises et gouvernements attendent ce revirement avec impatience. L'Europe ne peut toutefois pas lorgner sur ce qui s'opère actuellement aux Etats-Unis. En Europe, l'inflation connaît une tout autre dynamique ; à la différence des Etats-Unis, elle est exacerbée par l'envolée des prix de l'énergie et des produits alimentaires, dans une large part directement liée à la guerre en Ukraine. Le dragon de l'inflation va-t-il continuer de cracher du feu en Europe ? Cela dépendra en grande partie du président russe Vladimir Poutine.»
Une décennie de politique monétaire inadéquate
La guerre en Ukraine n'est que l'élément déclencheur de l'inflation, mais pas sa cause réelle, argumentent l'entrepreneur André Alvim et le professeur de Finances José Miguel Pinto dos Santos dans les colonnes d'Observador :
«La cause première de l'inflation qui gagne l'Europe est la politique monétaire menée par la BCE cette dernière décennie. Il se peut que le déclic en ait été des problèmes liés à la guerre, mais même sans invasion russe, tôt au tard, un autre facteur aurait déclenché la crise inflationniste qui se dessine. Et si la politique monétaire du passé n'avait pas été aussi laxiste, les hausses de prix provoquées par les difficultés qui frappent actuellement les chaînes d'approvisionnement et les marchés des matières premières seraient des phénomènes ponctuels et réversibles, autrement dit il ne s'agirait pas d'inflation.»
La spéculation gonfle les prix des denrées alimentaires
La hausse des prix des denrées alimentaires n'est pas due à une pénurie de l'offre, mais aux spéculations boursières, analyse l'ONG Grain dans Le Courrier :
«Les investisseurs – banques, fonds de pension, ou simplement particuliers – achètent des actions de fonds qui leur permettent de parier sur les futurs prix des matières premières, avec des effets réels sur leurs prix actuels. Cette situation est bien documentée et connue des gouvernements. En fait, elle est similaire à ce qui s’est produit lors de la crise alimentaire et financière de 2007-2008. Le problème est que les efforts visant à réglementer ces fonds ont été sabotés par le secteur financier lui-même sur des marchés influents comme les Etats-Unis et l’Europe. Ce type de spéculation sur les matières premières est détecté aujourd’hui sur les bourses chinoises.»
Le problème majeur de l'absence de croissance
En dépit d'une bonne saison touristique 2022 en Grèce, la situation du pays reste difficile, fait observer Documento :
«L'économie souffre d'un taux d'inflation, de déficits et d'une dette publique supérieurs à la moyenne dans la zone euro, pour une productivité moindre et un plus fort recul du pouvoir d'achat. Le plus gros problème est le faible potentiel de croissance, qui s'explique par l'absence d'investissements dans les technologies de pointe et par un vieillissement démographique. Les inégalités qui s'accentuent au niveau de la répartition des revenus constituent un autre gros problème. Ces disparités sont le fruit des décisions du gouvernement, mais aussi d'une flambée de l'inflation.»
Les subventions ne sont pas la panacée
Malte affiche le taux d'inflation le plus bas de l'UE, à 6,5 pour cent. The Times of Malta conseille toutefois au gouvernement de changer de stratégie :
«Le gouvernement a eu le bon réflexe en protégeant les familles et les entreprises des effets directs de la hausse des prix du carburant, de l'énergie et des produits alimentaires en subventionnant les importations de ces produits de première nécessité. Mais les subventions ne sont pas une arme magique. Il faut désormais tâcher de juguler l'inflation par des tactiques ciblées. Par exemple en soutenant les ménages vulnérables, mais sans que ceci ne compromette durablement la rigueur budgétaire.»