Une légende de son vivant
Godard a toujours envisagé la salle de cinéma comme un lieu d'émancipation plutôt que de divertissement, rappelle Aargauer Zeitung :
«A la complaisance de Hollywood, avec ses histoires claires et prévisibles qui généralement se terminent bien, il a opposé la rupture, l'ambivalence, la mise en abyme. Et une intellectualité cryptique, qui lui a valu jusqu'à aujourd'hui de la part de ses détracteurs les qualificatifs d'indigeste' ou 'inaccessible'. ... Bien entendu, il ne s'est pas rendu à Los Angeles lorsque Hollywood lui a décerné un oscar d'honneur en 2010. ... Longtemps avant sa mort, Godard était déjà devenu une figure historique, une légende du passé, qui attend sa redécouverte active, le jour venu, par delà les cercles cinéphiles.»
Un maître qui a fait sauter toutes les conventions
De Morgen fait le commentaire suivant :
«L'insatiable soif d'expérimentation avait un prix. Godard est devenu l'un des cinéastes les plus influents et les plus imités de tous les temps, un pionnier qui a montré à toutes les générations quel était le pouvoir du cinéma. Dans le même temps, il s'est considérablement éloigné du grand public. ... [Après 1968] les spectateurs ont assisté à la radicalisation constante de l'œuvre de Godard, sous l'influence de ses vues de gauche, antibourgeoises et antiaméricaines. ... De film en film, la posture de Godard s'est faite plus colérique et plus agressive. Ce qui avait commencé par des décalages ludiques et des blagues ironiques s'est mué ensuite en une attaque frontale contre le public bourgeois.»
Plus important qu'Elizabeth II
Francisco Louçã, ex-président du parti de gauche Bloco Esquerda, écrit dans Expresso :
«Godard a davantage marqué notre temps que la reine Elizabeth. Godard travaillait, elle non. Godard inventait, elle imitait. Godard créait, elle 'conservait'. ... Godard s'est soumis au jugement du public, elle considérait les gens comme des sujets qui se soumettent. Godard transgressait, osait, inventait, elle perpétuait les traditions. ... On se souviendra de Godard pour ce qui compte vraiment, c'est-à-dire la culture, qui nous fait partager la vie, les illusions, la magie, la nostalgie, l'espoir et la réalité. Ce souvenir et le respect de son œuvre seront un hommage qu'aucun pouvoir dynastique n'obtiendra jamais..»
La valeur de la vie est subjective
Dans La Repubblica, la philosophe Michela Marzano défend la décision de Godard de recourir au suicide assisté :
«Il faut éviter de porter un jugement, et faire l'effort de comprendre que dans les situations de fin de vie, les critères soi-disant objectifs ne valent plus : ce qui compte c'est le vécu (la subjectivité) de la personne qui se trouve dans cette situation. ... Jean-Luc Godard avait 91 ans et était épuisé. Il n'était pas malade, c'est vrai. Mais il avait peut-être fait, réalisé et vécu tout ce qu'un homme comme lui peut vouloir faire, réaliser et vivre. Et ce n'est certainement pas en lui interdisant de s'en aller qu'on sauvegarde la valeur immense de la vie. Une valeur qui existe et que personne ne nie. Mais le sens de celle-ci s'épuise quand celui qui la détient sent que le moment de partir est venu.»