Annie Ernaux reçoit le Nobel de littérature
Annie Ernaux est la première Française à être récompensée par le prix Nobel de littérature. Le comité Nobel a distingué l'écrivaine, aujourd'hui âgée de 82 ans, pour "son courage et l'acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle". La presse européenne rend hommage à une auteure qui défend farouchement ses convictions politiques.
In medias res
Le quotidien taz salue la décision :
«Cette année, le prix Nobel de littérature ne récompense pas l'art vénérable, distingué, raffiné. Est mis à l'honneur le récit du sordide, du glacial, des plaies béantes qui saignent abondamment . ... Annie Ernaux n'est pas une artiste qui porte son regard sur les pauvres et ceux qui passent inaperçus, elle témoigne depuis cette perspective. ... A 82 ans, l'auteure est restée fidèle à elle-même, malgré sa notoriété mondiale. Elle s'implique toujours dans l'actualité politique, elle prend position, défend ceux qui n'ont rien. ... C'est notamment pour son courage que la Française se voit décernée le Nobel, l'Académie suédoise a-t-elle indiqué. En l'occurrence, il ne s'agit pas d'une formule creuse.»
Un hommage tardif
Kleine Zeitung acclame lui aussi la lauréate :
«C'est une décision éminemment littéraire ! Cela n'a pas toujours été une évidence, les considérations politiques et ethniques entrant en effet depuis longtemps en ligne de compte. Des aspects certes importants, mais qui ne devraient pas empiéter sur l'essentiel : la discipline que ce Nobel a vocation à récompenser, à savoir la LITTERATURE. ... Longtemps, les milieux littéraires ont eu du mal à situer cette écrivaine d'exception, comme le montrent les traductions de ses livres en allemand. En couverture, on voyait des corps de femmes en petite tenue, à la limite du licencieux. Ernaux a été fourrée dans la catégorie 'littérature féminine érotique'. Une ineptie. ... Mais le choix fait à Stockholm vient rectifier le tir, l'appréciant à sa juste valeur.»
Un prix pour les droits des femmes
La Repubblica commente :
«C'est un prix Nobel placé sous le signe des droits des femmes, pour celles qui font de leur vie et de leur littérature un instrument de lutte pour ces droits. Car Annie Ernaux a depuis toujours choisi son camp : 'Jusqu'à ce que je rende mon dernier souffle, je me battrai pour que les femmes puissent elles-mêmes décider si elles veulent devenir mères ou si elles ne le veulent pas. La contraception et l'IVG sont des droits fondamentaux.' ... Il n'aura échappé à personne que le droit à l'avortement revient au cœur du débat politique. ... Décerner le prix Nobel de littérature à une défenderesse de cet engagement est un appel à protéger le sécularisme occidental des coups de boutoir du fondamentalisme.»