L'Italie entend taxer les superprofits des banques
Le gouvernement italien veut instaurer une taxe sur les superprofits des banques à hauteur de 40 pour cent. Matteo Salvini, vice-Premier ministre et chef de file de la Lega, espère ainsi engranger plusieurs milliards d'euros au profit des citoyens. La presse européenne commente la mesure.
Tout dépend des modalités
Eesti Päevaleht estime que la taxe a tout son sens :
«Les détails techniques de la taxe bancaire doivent néanmoins être bien pensés. L'ampleur des effets négatifs contre lesquels les banquiers mettent en garde dépendra de ce qui est prévu dans le détail. Il se peut que la taxe fasse finalement moins mal que d'autres augmentations d'impôts ou de nouvelles taxes. ... Si les banques doivent être taxées plus lourdement, alors qu'on le fasse rapidement. Nous attirons en outre l'attention sur le fait que toute personne ayant un peu d'argent de côté peut également, elle-même, dans une certaine mesure, 'taxer' les banques. Au lieu de garder son argent sur un compte courant, il suffit de le placer sur un compte à terme, et même si ce n'est que pour un mois. En effet, même pour un placement d'un mois, il y a quelques pour cent d'intérêts par an.»
Légalement discutable et économiquement dangereux
Le journal Handelsblatt y voit une grave erreur :
«Premièrement, adopter une taxe spéciale pour un secteur spécifique est questionnable du point de vue juridique. A qui revient-il de décider ce qu'est un 'superprofit' injustifié, et à quoi correspondent des 'profits normaux', qui contribuent à assurer la santé économique du secteur bancaire ? ... Le second problème, plus délicat encore, c'est la question de la stabilité financière, que Meloni remet en cause de façon aussi irréfléchie qu'inutile. La taxe sur les superprofits a été bricolée à la va-vite et a été annoncée à la surprise générale, sans le moindre préparatif. ... La coalition gouvernementale de droite ne pourra se permettre d'autres faux-pas de ce type sans causer des dégâts graves et durables à l'Italie et à la zone euro dans son ensemble.»
Une décision audacieuse et sensée
Visão s'étonne que cette mesure soit le fruit d'un gouvernement d'extrême droite :
«Aucun italien ne s'attendait à ce que la cheffe du gouvernement, présidente d'un parti d'extrême droite, s'attaque au système capitaliste financier en recourant à une argumentation simple mais sensée, à savoir que les établissements et les entreprises qui réalisent des profits considérables grâce à l'inflation et à la hausse délirante des taux d'intérêt ont l'obligation d'apporter une contribution sociale. ... Qu'elle vienne de la gauche ou de la droite, cette mesure est courageuse.»
Une manœuvre politique
Le gouvernement coupe l'herbe sous le pied de l'opposition, estime La Repubblica :
«La droite hostile au peuple, qui a partiellement supprimé le revenu citoyen, se transforme quelques jours plus tard en une droite sociale, et adopte une mesure que peu de gens avaient anticipée et qui cible le monde bancaire, qui n'est pas le secteur le plus apprécié de la majorité des électeurs. Ce faisant, il coupe l'herbe sous le pied de l'extrême gauche, mais aussi du M5S, et d'une partie non négligeable du PD. Il semblerait, en effet, que dans la bataille pour le consensus, Giorgia Meloni , et surtout Matteo Salvini, aient devancé dans la dernière ligne droite le front aguerri du populisme de gauche.»
Les banques doivent assumer leurs responsabilités
De Morgen y voit un changement de paradigme :
«L'appel visant à restaurer le 'contrôle' politique se translate aujourd'hui dans l'économie. La dérégulation économique a été la norme pendant des décennies, et l'on attendait des politiques qu'ils se contentent d'observer le marché s'autoréguler. On nous assurait, en effet, qu'il n'y avait pas d'alternative. L'accumulation des crises contraint les gouvernements de tous bords à s'interroger sur la possibilité d'une intervention politique. A juste titre. Car lorsque des entreprises comme des banques ont l'ambition de jouer un rôle socio-économique central, il faut les rappeler à leurs responsabilités.»
Une erreur démagogique et contreproductive
Cette initiative ne va pas dans le bon sens, critique Les Echos :
«Le malheur est que cette décision a davantage à voir avec la démagogie qu'avec l'efficacité économique. C'est oublier, en effet, que pendant près de dix ans, les taux d'intérêt pratiqués par les mêmes banques que l'on fustige aujourd'hui ont permis aux entreprises de se financer à bas coût et aux ménages d'obtenir des crédits bon marché pour consommer. C'est nier, surtout, la centralité de leur rôle dans le fonctionnement d'une économie. C'est ôter, enfin, toute chance aux clients de voir la rémunération de leurs dépôts s'accroître.»
Un prétexte fallacieux
La Stampa critique la justification donnée par le gouvernement :
«Le vice-Premier ministre italien, Antonio Tajani, a expliqué que le gouvernement devait 'réparer les erreurs de la Banque centrale européenne'. Selon Tajani, la BCE 'fait fausse route en augmentant les taux d'intérêt', car cela se répercute sur les emprunts des ménages, dont les coûts augmentent. ... Il faut rappeler que le relèvement des taux d'intérêt est l'instrument qu'utilisent toutes les banques centrales pour combattre l'inflation. L'inflation est une forme de taxe - de la pire espèce, car elle grève majoritairement les moins aisés. ... La stratégie alternative, qui consiste à ne rien faire ou à ne pas faire grand-chose, s'avère bien plus risquée, car susceptible de générer une hausse durable des coûts de la vie. ... Ceux qui, comme Tajani, s'obstinent à dire que la BCE fait fausse route, omettent l'essentiel.»