UE : pas de consensus sur la définition du viol
L'UE s'est dotée, le 6 février, d'une législation visant à lutter contre les violences faites aux femmes. Celle-ci prévoit des peines plus lourdes contre la violence sexualisée et la violence domestique. Les représentants des Etats n'ont toutefois pas su s'entendre sur une définition commune du viol. Une réglementation des rapports sexuels basée sur le consentement, selon le principe "seul un oui est un oui" n'a pas trouvé l'unanimité. Une divergence de vue que reflètent les commentaires.
Paris et Berlin sont les fautifs
La Stampa fait part de son indignation :
«Est-ce vraiment si difficile que cela de dire que des rapports non consentis sont un viol et que le viol est un crime ? Apparemment, certains eurodéputés - trop de députés - ne jugent pas avenu, en ces mois de campagne, d'aborder des sujets controversés. Les droits des femmes seraient ainsi un sujet clivant. On ne s'étonne pas qu'Orbán, par exemple, ait cette attitude. Mais on est tout de même surpris que la France et l'Allemagne réclament elles aussi la suppression de l'article 5 (qui définit le crime de viol comme une absence de consentement explicite) de la nouvelle directive européenne contre les violences faites aux femmes. Macron, frappe du poing sur la table ! Ursula, que fais-tu ? Touches-en un mot à ton compatriote, Olaf Scholz !»
Une occasion manquée
Der Standard fait part de sa déception :
«La formule 'Seul un oui est un oui' ne signifie pas que chaque geste doive être explicitement autorisé, mais que la communication doive être maintenue tout au long de l'acte sexuel. Cela indiquerait clairement que le consentement doit être la condition préalable à tout rapport sexuel et que toutes les personnes impliquées ont la responsabilité de veiller à ce qu'elle soit remplie. Définir une réglementation juridique en ce sens n'est pas chose aisée, mais cela renforcerait la conscience dans la société qu'un acte sexuel ne devrait se faire que dans le cadre d'un consentement mutuel. Le train de lois adopté par l'UE a donc été une occasion manquée, du moins pour l'instant. Il est regrettable qu'il ne soit toujours pas évident que des rapports sexuels sous-entendent que tous les protagonistes y soient consentants.»
Encore beaucoup d'obstacles à franchir
El País espère que les choses évolueront progressivement :
«La nouvelle loi est un pas en avant dans la lutte contre la violence basée sur le genre, mais elle montre qu'un changement de mentalité face aux agressions sexuelles se heurte encore à de fortes résistances. Le résultat semble incongru quand on sait que la plupart des Etats membres ont ratifié la convention d'Istanbul, qui définit le viol comme l'absence de consentement. Et pourtant, il faut saluer l'adoption de la nouvelle loi car elle harmonise et rend passible de peines d'autres formes de violence faite aux femmes comme les mariages forcés, les mutilations génitales ou la cyberviolence. ... On notera aussi un détail important : au dernier moment, une clause de révision quinquennale a été adoptée.»
Une question de compétence
Il n'y a rien de scandaleux à ce que l'UE ne définisse pas un chef d'accusation commun du viol, écrit Christian Rath, spécialiste des questions juridiques pour le quotidien taz :
«Car ce n'est tout simplement pas de son ressort. L'UE a été créé comme une entité économique, celle du marché unique. Ce n'est pas un Etat. L'UE n'a donc de compétences que dans les domaines que les Etats membres lui ont expressément déférés en vertu des traités européens. D'une manière générale, l'UE n'a pas de compétence en matière de droit pénal ; domaine particulièrement sensible, il est préférable qu'il reste la prérogative du législateur national. ... Pointer cette limite de compétence, comme le fait le ministre [allemand] de la Justice Marco Buschmann, n'a donc rien de misogyne.»