Russie : Poutine entame un cinquième mandat
Le président russe, Vladimir Poutine, a prêté serment mardi pour un cinquième mandat, lui ouvrant la voie à six années de plus au pouvoir. Il a affirmé que la Russie sortirait grandie de ces temps difficiles. La plupart des pays de l'UE n'ont pas dépêché de représentants à la cérémonie organisée au Kremlin. Les éditorialistes dressent un bilan extrêmement critique.
Il a le pays entier dans sa poche
Sur sa page Facebook, la politique d'opposition Elvira Vikhareva dépeint une Russie qui s'est muée en dictature depuis la révision constitutionnelle de 2020 :
«Poutine n'a plus besoin de sauver les apparences, de tolérer la présence de tous ces esprits libéraux, invités obligatoires des défilés de victoire et membres indésirables de l'équipe dirigeante du Kremlin. Il a les coudées franches pour se débarrasser tranquillement de ses adversaires politiques et terroriser son peuple. Bref, il peut faire tout ce qu'il veut. De plus, les modifications constitutionnelles très incisives se sont doublées de la plus grande fraude électorale jamais connue dans l'histoire russe. ... En 2020, l'ensemble du système juridique du pays était placé sous l'autorité d'un seul homme, qui nous parle aujourd'hui du respect du peuple, à l'heure où le pays, plus mort que vif, est en plein calvaire.»
Un auto-couronnement sans trophée
Poutine se répète, déplore Avvenire :
«Un peu Pierre Le Grand, un peu Napoléon. Vladimir Poutine a prêté serment pour son cinquième mandat de président de la Fédération de Russie, le troisième consécutif, dans une cérémonie qui a tout l'air d'un auto-couronnement. Un tsar au pouvoir manifestement intact dans son pays, mais qui tablait sur une journée de célébrations plus pompeuse encore. Car si les armées de Moscou gagnent de nouveau du terrain en Ukraine, elles n'ont toujours pas conquis de ville majeure. Le discours d'hier risque fort d'être identique à celui de demain, à l'occasion de la parade militaire sur la place Rouge, célébrant la victoire dans la 'Grande guerre patriotique', car le tsar spécialiste 'ès auto-couronnements' n'aura pas de nouvelles substantielles à donner aux Russes.»
Il n'a tenu aucune de ses promesses
Le bilan de l'action de Poutine est désastreux à tous les égards, estime The Daily Telegraph :
«La première présidence de Poutine remonte à il y a 24 ans, alors qu'il n'avait que 47 ans. Il avait alors promis de promouvoir la démocratie. Il avait brossé le tableau d'une Russie de l'avenir qui serait un pays 'libre, prospère, fort et civilisé, un pays qui ferait la fierté de ses citoyens et qui serait internationalement respecté'. La Russie d'aujourd'hui ne coche aucune de ces cases. Il y a longtemps qu'elle ne peut plus prétendre préserver la liberté. L'économie est exsangue. Les attaques meurtrières de civils perpétrées par l'armée russe en Ukraine rendent risible toute prétention à une attitude civilisée. Sans compter que la Russie est isolée de ses voisins européens les plus proches.»
Patriotisme, cynisme, pragmatisme
Le journal Les Echos analyse l'action de Poutine :
«Plus tacticien que stratège, le président ... n'a pas développé de vraie idéologie depuis son arrivée au pouvoir en 1999. Mais, dans de constants grands écarts entre passé impérial et soviétique, entre capitalisme et socialisme, il sait s'adapter et manipuler pour mettre en scène la puissance de la Russie. Un pragmatisme patriotique et cynique. Pour mieux semer la confusion et entretenir l'apathie. Son écrasante et caricaturale cinquième élection ... avait un double objectif : maintenir au pouvoir un président vu en Russie avant tout en équilibriste entre diverses tendances politiques dans la société et entre de multiples clans dans les élites, mais surtout mettre en scène son lien supposé fusionnel avec le pays.»
Poutine mise sur un retour de Trump
Dnevnik propose l'analyse suivante :
«Dans son discours d'investiture, Poutine a fait clairement comprendre à l'Ouest que ses relations futures avec la Russie dépendront des Etats occidentaux et non de la Russie et d'une cessation de sa conquête illégale d'un territoire étranger. L'obstination avec laquelle il entame ce cinquième mandat n'a rien de bien surprenant. ... Le plus grand allié de Poutine, qui pourrait délier les Etats-Unis du jour au lendemain de leur promesse d'engagement durable aux côtés de l'Ukraine et mener le pays dans une nouvelle phase d'isolationnisme, s'appelle Donald Trump. D'ici novembre, ce sont six mois décisifs qui attendent l'Ukraine.»