Ukraine : la possibilité d'un cessez-le-feu ?
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky serait disposé à négocier les conditions d'un cessez-le-feu. Il a précisé son approche dans un entretien : "faire revenir par la voie diplomatique" les territoires occupés par la Russie et placer le reste de l'Ukraine sous la protection de l'OTAN. Les commentateurs débattent du sens que l'on peut prêter à ces propos.
La fin d'un tabou
L'annonce de Kyiv n'étonne pas vraiment Newsweek Polska :
«Jusqu'à présent, l'intégrité territoriale était une ligne rouge, officiellement du moins. Officieusement toutefois, lors des différentes conférences internationales de ces derniers mois, les diplomates ukrainiens avaient bien conscience qu'une reconquête du Donbass et de la Crimée était mission impossible. Le changement, c'est que Zelensky a dit tout haut ce que son équipe disait tout bas jusqu'à présent.»
De la guerre chaude à la guerre froide
Sans vainqueur et perdant clairs, les négociations de paix s'annoncent compliquées, écrit Politika :
«Un cessez-le feu intervient [généralement] quand les parties belligérantes comprennent qu'elles ne peuvent pas atteindre leurs objectifs de guerre par des moyens militaires, ou qu'une pause serait plus profitable à leur position qu'une poursuite de la guerre. ... Quelles que soient les conditions concrètes d'un cessez-le-feu et les garanties internationales pour les deux camps, celui qui donnera l'impression d'avoir 'mieux su tirer son épingle du jeu' pèsera sur les relations en Europe. Un cessez-le-feu aura une conséquence fondamentale : la 'guerre chaude' deviendra une 'guerre froide' entre la Russie et le reste de l'Europe ; guerre qui pourrait durer plusieurs générations, rappelant la situation de l'Europe d'après-guerre, coupée en deux par le rideau de fer.»
Zelensky prend acte d'une réalité difficile
La Stampa fait l'analyse suivante :
«En se disant ouvert à une perspective de 'restitution des territoires occupés par des voies diplomatiques', Zelensky effectue une volte-face dans la partie de poker qui est en train de se jouer, entre bluffs et paris, depuis le 6 novembre dernier. L'équation théorisée par le président ukrainien est simple en apparence : perte du contrôle des territoires ukrainiens occupés par la Russie en échange de l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN. Il prend ainsi acte des difficultés des Ukrainiens à supporter un autre hiver de bombardement, dans le noir et le froid, à l'heure où la guerre demanderait d'envoyer une autre génération dans les tranchées du Donbas. Pour la première fois en quasiment trois années de guerre à grande échelle dans le pays, la part des Ukrainiens favorables à un accord avec la Russie a dépassé la barre des 50 pour cent.»
Un revirement pour trouver grace aux yeux de Trump
Pour Večernji list, le changement de cap de Zelensky est une main tendue à Trump :
«Zelensky se montre aujourd'hui ouvert à un scénario qu'il rejetait catégoriquement dans son plan de paix : des concessions concernant un gel du conflit ou l'intégrité territoriale et la souveraineté de son pays. Mais à la condition que le reste des 82 pour cent du territoire ukrainien libre soit protégé par l'OTAN d'une nouvelle attaque de Poutine. Il s'agit à n'en pas douter d'une immense concession et d'un grand changement de la position ukrainienne, prudemment réfléchi - mais plus pour le futur président américain et son émissaire pour l'Ukraine et la Russie Keith Kellogg que pour Poutine à proprement parler.»
L'Europe face à de grandes décisions
De Volkskrant appelle les Etats européens à prendre les devants :
«Au lendemain d'un éventuel accord de paix, l'Europe devra être prête à contribuer directement à la sécurité de l'Ukraine. L'Europe va devoir prendre des décisions politiques, financières et morales de la plus haute importance, parce que pendant 30 ans, elle a esquivé les questions de sécurité. Les risques sont considérables, les enjeux de taille. Mais si, à l'issue de cette guerre, l'Ukraine n'est pas un Etat souverain, libre et sûr, des nuages noirs s'amoncelleront au-dessus de millions d'autres Européens.»