Allemagne : une campagne qui préfigure l'avenir de l'UE ?
Alors que la campagne pour les législatives bat son plein en Allemagne, le groupe CDU/CSU, dans l'opposition, a soumis au vote du Bundestag des propositions de durcissement de la politique migratoire. Une première motion à portée symbolique avait obtenu mercredi dernier une majorité très controversée car tributaire des voix de l'AfD, parti soupçonné d'être d'ultradroite par le renseignement allemand. Une autre motion déposée deux jours plus tard, préconisant des changements concrets de la loi, n'a quant à elle pas trouvé de majorité. Ce qui se trame en Allemagne inquiète la presse européenne.
On sait qui en profitera
L'AfD capitalise sur les récents débats tumultueux au Bundestag, écrit Ukraïnska Pravda :
«La société allemande attend depuis longtemps un changement de la politique migratoire. L'AfD semble donc ressortir comme la plus grande gagnante de la situation actuelle, comme la seule formation capable de convaincre les électeurs que personne d'autre ne prendrait la question au sérieux et serait en mesure de faire les changements nécessaires. Du reste, un rêve de toujours de l'AfD vient de se réaliser : les électeurs ont vu que le paysage politique était en train d'évoluer et que l'AfD gagnait du terrain. Le cordon sanitaire tient encore bon, en théorie, mais il en a pris un coup. L'AfD a la conviction qu'avec le temps, ce cordon sanitaire va s'affaiblir de plus en plus et qu'un jour, il finira par lâcher.»
Une inquiétante droitisation
Un durcissement de la politique migratoire sous l'influence de l'extrême droite serait un danger pour l'UE, fait remarquer The Irish Times :
«L'Allemagne tenant lieu de paradigme en raison de son passé nazi, un virage à droite serait lourd de conséquences pour les politiques européennes. ... Un régime bien plus dur de contrôle de l'immigration et de fermeture des frontières est en train d'être mis en place dans plusieurs Etats, tandis que la politique européenne est en train de réviser sa réglementation de l'immigration au sein de l'Union et en dehors de celle-ci. Tout cela remet en cause la libre circulation des personnes, un des acquis les plus précieux de l'intégration européenne. »
Paralysée, l'Allemagne freinerait l'Europe
Právo craint que la polarisation n'engendre l'inertie :
«Même si l'AfD sera probablement tenue à l'écart du pouvoir au lendemain des élections, les dysfonctionnements de la politique migratoire menacent de créer une polarisation de l'opinion allemande d'une ampleur sans précédent et de mobiliser l'énergie dont le pays a besoin pour amorcer un nouveau tournant économique. Un tournant qui revêt pourtant une importance fondamentale pour l'ensemble de l'UE, y compris pour la Tchéquie. ... Les tâches qui figurent actuellement à l'agenda européen – les conséquences du pacte vert, la guerre en Ukraine, le risque de guerre commerciale avec les Etats-Unis – seront très difficiles à gérer avec une Allemagne politiquement paralysée.»
Un vote fatidique
El Periódico de España insiste sur l'importance de ce scrutin :
«Dans trois semaines seulement, l'Allemagne scellera le sort de l'Europe. ... Si l'AfD devait former un gouvernement avec la droite, ce serait probablement le début de la descente aux enfers pour l'Europe. ... Friedrich Merz, chef de file du plus grand parti de droite modérée que compte le continent et favori du scrutin, est tombé dans le piège de l'immigration en reprenant un narratif extrémiste. ... Aujourd'hui, beaucoup de poussière a été soulevée et le coup pourrait partir dans le mauvais sens. ... Si la droite modérée était supplantée par l'ultranationalisme, l'Europe perdrait tout son poids, et sans Allemagne, il n'y aura pas d'Union. Tel est l'enjeu des élections allemandes du 23 février.»