L'Europe s'inquiète de la montée de l'extrême droite en Allemagne
Suite aux bons résultats du parti national-conservateur AfD, qui fait son entrée dans trois parlements de région, la presse évoque les répercussions de ce scrutin sur l'Europe. Certains commentateurs craignent que la dérive droitière de l'Allemagne, si elle se poursuit, n’entame la cohésion du continent. D'autres critiquent Merkel, qui juge sa politique migratoire ‘sans alternative’.
L'Allemagne pourrait un jour tourner le dos à l'Europe
Une poursuite de la droitisation de l’échiquier politique allemand pourrait signifier la fin du projet européen, redoute le politologue Valentin Naumescu sur le portail de blogs Contributors :
«De par son nombre d’habitants, sa puissance économique, sa position stratégique en Europe, son importance historique ainsi que sa contribution substantielle aux budgets des institutions européennes, on peut dire que c’est l’Allemagne qui maintient l’UE en vie. Selon l'opinion dominante, le pays a profité de l’élargissement du marché européen et les exportations allemandes illimitées vers d’autres pays de l’UE ont valu une prospérité croissante au pays. … Mais qu’adviendra-t-il le jour où cette conviction s’estompera pour laisser la place à la peur d'une Europe unie (l’AfD y travaille assidûment, car cette peur monte), le jour où l’on estimera trop élevé le coût de l’appartenance à l’UE ? La réponse est simple : ce jour là, il sera trop tard pour sauver l’UE.»
Le retour de l'extrême droite sera le legs de Merkel
En souhaitant la bienvenue aux migrants, la chancelière Angela Merkel a pavé la voie du racisme et de la xénophobie en Allemagne, analyse le quotidien conservateur Daily Mail face au succès électoral de l’AfD :
«Pendant plus de 70 ans, l’Allemagne d’après-guerre a été un modèle de reconstruction et de réhabilitation. Elle a réussi à faire s’estomper les souvenirs du Troisième Reich pour devenir le fleuron de la paix et de la prospérité et un modèle pour le reste de l’Europe. Or voilà que grâce au sujet le plus pernicieux de notre époque – l’immigration – les démons du 'nativisme' [repli identitaire face à l'immigration], de la xénophobie et de la haine raciale se déchaînent à nouveau au cœur de la nation la plus riche et la plus puissante d’Europe. Ce n’était pas du tout les intentions d’Angela Merkel quand elle avait généreusement ouvert les portes de l’Allemagne il y a un an. Ironie du sort, quand les historiens écriront sa biographie, il se pourrait bien que ce geste impacte le legs qu'elle laissera derrière elle de la manière la plus fatidique et la plus durable qui soit.»
Le triomphe de l'AfD scelle la fin de l'Europe
Si l’Allemagne a réussi à rester immunisée face à la montée de l’extrême droite ces dernières années, ce n’est désormais plus le cas, regrette le quotidien de centre-gauche Novi list :
«Le triomphe de l’AfD, version allemande du Front national français, préfigure d'importants glissements dans la politique allemande. Une dislocation extrêmement délicate compte tenu des législatives de l’an prochain. Cela aura des répercussions sur l’Allemagne, mais aussi sur l’ensemble de l’Europe. Tous les pays qui se sont écartés de la voie européenne ont été traités avec indulgence, tous sauf l’Allemagne. C’est pourquoi ce moment annonce bien plus que la fin prochaine de Merkel, il est bien plus dramatique qu’un simple destin politique personnel. Il marque définitivement le commencement de la fin d’une Europe de la solidarité et des valeurs fondamentales - une Europe qui ne s’est malheureusement jamais pleinement épanouie. Commence l’époque d’une Europe nouvelle qui est aussi la Vieille Europe – une Europe de la haine, des frontières et des camps.»
L'UE n'aurait pas dû laisser tomber Berlin
Le virage à droite aux élections régionales a des conséquences pour Merkel mais aussi pour l’ensemble de l’UE, estime également la journaliste Ileana Giurchescu sur le site de la radio Europa Libera :
«Dans les sondages d’opinion, une majorité des électeurs de l’AfD affirment avoir voté pour ce parti car ils estiment qu'il 'reflète ce qu’ils pensent' ou bien 'qu’il est à leur écoute et prend leurs craintes au sérieux'. En tout premier lieu la crainte que l’Allemagne ne parvienne pas à gérer la crise des réfugiés. On peut dire bien sûr qu’il s’agit pour Angela Merkel du prix à payer pour la politique d’ouverture des frontières. … Mais il s’agit aussi du prix que l’UE doit payer pour son manque de cohérence et de solidarité dans la crise des réfugiés. L’électeur allemand en tout cas ne croit plus à une solution européenne et surtout il ne croit plus aux partis qui préconisent cette voie. On peut maintenant se demander à quoi ressemblera l’UE avec une Allemagne dans laquelle les partis traditionnels sont sur la défensive.»
La chancelière injustement sanctionnée
C’est une injustice que la politique migratoire d’Angela Merkel lui ait valu un vote sanction aux régionales partielles, estime le quotidien libéral Dennik N :
«L’échec européen à résoudre la crise des réfugiés n'est pas imputable à Merkel, loin s'en faut. Les réfugiés n'ont pas besoin d'invitation de l'Allemagne pour affluer en grand nombre et ils continueront de le faire. ... Les barrages n’ont jamais été la solution et ils ne la seront jamais. Les réfugiés doivent faire l’objet de contrôles rigoureux. On ne pourra pas refouler les réfugiés économiques si l’on n’accorde pas un droit de séjour en toute légalité à ceux qui fuient car leur vie est en danger.… Le problème n’est pas que l’Allemagne a eu une attitude décente envers les réfugiés, mais qu’elle a été la seule à le faire. Il est faux de dire qu’une répartition des réfugiés est impossible. Il existe une formule qui consiste à permettre aux migrants d’entrer dans l’UE mais à ne leur octroyer d'aides que dans l’Etat où il auront obtenu le statut de réfugié.»
Il y a une alternative à la politique de Merkel
Face à ses citoyens inquiets, la chancelière se doit de fournir des solutions à la crise des réfugiés, mais elle n’en a pas le pouvoir, écrit le quotidien économique libéral Hospodářské noviny :
«Le seul moyen d’apaiser une opinion en grande partie inquiète, c’est de lui proposer des solutions concrètes. … Le problème de Merkel est que son nom est associé à la crise migratoire, et qu’il y a longtemps que la solution à la crise n’est plus de son seul ressort. Une solution dépend d’un accord avec les autres pays européens, et à présent aussi avec la Turquie. … Merkel a longtemps affirmé qu’il n’y avait pas d’alternative à sa politique. Depuis dimanche, elle ne peut plus le nier : il y a une alternative.»
Des électeurs méfiants envers une chancelière naïve
Le quotidien conservateur The Times voit dans les résultats des régionales en Allemagne un coup de semonce pour Merkel et les législatives de 2017 :
«Le message est clair : sa décision d’ouvrir les frontières était une erreur, ses efforts pour les maintenir ouvertes ont été mal compris et son accord avec la Turquie, censé empêcher une deuxième vague de réfugiés, est trop faible pour que l’on puisse lui accorder grand crédit. … Ce sont des désaccords fondamentaux qui séparent Merkel de ses collègues européens, mais aussi de beaucoup d’électeurs allemands. Ceux-ci considèrent que la politique allemande des frontières ouvertes a fait appel d’air et attiré des milliers de réfugiés, qui mettent leur vie en péril pour tenter d’entrer en Europe. Merkel refuse d’admettre sa naïveté et a placé tous ses espoirs dans un accord très couteux qui prévoit un enregistrement et une prise en charge en Turquie de la majorité des réfugiés. Si cet accord ne tient pas, Merkel en paiera le prix aux élections de l’année prochaine - comme son parti l’a fait hier.»
Merkel n'y est pas arrivée
La politique d’ouverture des frontières initiée par la chancelière allemande a échoué, estime le portail Protagon :
«En Bade-Wurtemberg, les eurosceptiques de l’AfD ont obtenu 15 pour cent. En Saxe-Anhalt, 23 pour cent. Les Allemands de l’Est ne veulent pas d’étrangers et ils se comportent bien plus mal envers un grand nombre d'étrangers que ne l’avaient fait certains Allemands de l’Ouest envers eux après 1990. On peut tirer deux enseignements politiques des élections organisées dans ces trois lands : premièrement, l’afflux de réfugiés et de migrants a transformé la politique initialement justifiée de Merkel en quelque chose de funeste pour l’Allemagne et les autres Européens. Deuxièmement, les deux grands partis de la politique allemande tels que nous les connaissions sont une page tournée.»
L'approbation de la politique migratoire
Pour le quotidien de centre-gauche Berliner Zeitung, malgré le bon score de l’AfD, Merkel ressort renforcée de ce scrutin :
«Gouverner le pays ne sera pas plus simple. L’entrée d’une quatrième, cinquième voire même d’une sixième formation dans les parlements régionaux rend moins facile la tâche de former des majorités. Mais au vu des autres pays européens, cela semble être devenu la norme. Outre l’électrochoc de l’AfD, c'est une grande continuité qui ressort de ces élections. Le candidat sortant vert Winfried Kretschmann reste ministre-président [de Bade-Wurtemberg]. Le SPD reste au pouvoir en Rhénanie-Palatinat et le candidat de la CDU Haseloff reste aux manettes en Saxe-Anhalt. Et la chancelière dans tout ceci ? Les trois vainqueurs des élections soutenaient sa politique migratoire. C’est donc elle qui a remporté ces élections - et non pas son parti, qui ne peut s'en prendre qu'à lui même.»
Berlin a besoin de l'aide du reste de l'UE
Suite à la progression des populistes de droite, les Etats membres de l’UE sont plus que jamais appelés à aider Berlin à trouver une solution à la crise des réfugiés, rappelle le quotidien de centre-gauche El Paìs :
«C’est un scénario politique difficile qui s’annonce en Allemagne. En effet, c’est avec la nouvelle répartition du pouvoir politique que la chancelière Angela Merkel et son partenaire de gouvernement social-démocrate devra gérer la pire crise humanitaire que connaisse l’Europe depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Pour y parvenir sans abandonner les principes fondamentaux qui régissent l’immigration, il sera indispensable que Bruxelles et les Etats membres de l’UE mettent en œuvre une solution efficace dans la gestion de la crise.»
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