La proposition du FMI est-elle bonne pour la Grèce ?
Dans le débat autour de l’intervention du Fonds monétaire international pour une troisième tranche d’aide accordée à Athènes, ce dernier a soumis une nouvelle proposition : il veut faire d’autres concessions à la Grèce en accordant un délai de paiement jusqu’à 2040 et en gelant les intérêts. Cette proposition serait-elle la solution pour sortir la Grèce de sa crise de la dette ?
Halte à la méfiance envers Athènes !
La Grèce a plus que jamais besoin d’aide, lit-on dans le quotidien économique Il Sole 24 Ore, qui approuve la position du FMI :
«Comme l’année dernière, les négociations sur la dette publique grecque se déroulent dans un contexte tendu. Juste au moment où la Grèce doit accomplir une mission difficile, mais qui est pourtant dans l’intérêt de tous, et nécessitera un soutien fort : contrôler les frontières séparant l’Europe du régime autocratique à Ankara et des flux migratoires que notre société n’est capable ni de gérer, ni d’intégrer. ... C’est surtout l’admiration que Berlin voue à Erdoğan qui est en contradiction totale avec la méfiance à l’égard d’Athènes. Cette méfiance pèse sur l’ensemble des négociations sur la dette grecque opposant le gouvernement allemand au FMI. ... La situation financière grecque doit enfin se stabiliser. Une fois cette question réglée, on sera en mesure de réfléchir à des solutions stratégiques en Méditerranée.»
Le FMI devrait quitter la troïka
Les négociations actuelles n’apportent pas non plus de solution définitive pour la Grèce, estime l’ancienne administratrice américaine au FMI, Meg Lundsager, dans le journal Kathimerini :
«Le résultat le plus probable des négociations sera une série de réformes économiques qui n’offriront pas de financement suffisant, ni d’allégement de la dette, ni de réformes structurelles. L’économie grecque restera empêtrée dans la récession. La forte vulnérabilité de l’Europe continuera à être visible et montrera le coût à payer pour maintenir la viabilité européenne. Le Fonds monétaire international serait beaucoup plus utile s’il laissait les pays de la zone euro face à leurs responsabilités. Ils doivent enfin trouver leur propre chemin de mutualisation et de croissance économique commune.»
La question d'une remise de dette n'est plus taboue
Les perspectives pour la Grèce sont à la fois meilleures et tout aussi mauvaises que l’année dernière, souligne le quotidien Tages-Anzeiger :
«Meilleures car l’UE, en raison du référendum sur le Brexit et de la crise des réfugiés, n’a pas envie d’être confrontée à un nouveau problème. Mais aussi parce que la possibilité d’une remise de dette n’est plus un sujet tabou. Mais elles restent tout aussi mauvaises, car rien n’a changé dans la ligne politique : on continue de faire comme si de rien n'était. On peut parier sur le fait que la remise de dette sera si limitée et si complexe qu’elle n’apportera rien, et qu’aucun des problèmes ne sera directement abordé : ni celui des banques, ni celui d’une monnaie unique minée par les intérêts électoraux nationaux. On continuera les bricolages jusqu’à ce que la situation redevienne ingérable. A nos risques et périls.»
Changer de politique économique
Rui Peres Jorge, de Jornal de Negócios, espère un véritable changement de cap dans la politique économique de l’UE :
«Les prochains jours en Grèce, mais aussi l’évaluation du 'programme de stabilité' prévue au mois de mai, montreront si l’Europe s’efforce réellement de mener une politique économique plus judicieuse et plus honnête. Si l’on décide simplement de poursuivre comme avant et de continuer à mentir, dans la logique de la soi-disant 'austérité expansive' au Portugal [principe selon lequel l’austérité mènerait à la croissance]. Si l’on continue d’affirmer que la meilleure solution pour la Grèce consiste à réclamer un improbable et dangereux assainissement budgétaire. Et ce dans une économie qui s’est déjà rétractée de 25 pour cent ces dernières années.»
Récompenser enfin les réformes
Les créanciers ne peuvent plus imposer de réformes au gouvernement grec contre sa volonté, met en garde l’économiste Marcel Fratzscher dans une tribune au portail Spiegel Online :
«Au contraire, les créanciers feraient mieux de se demander comment amener le gouvernement grec à assumer la paternité des réformes. Au lieu de le sanctionner pour les réformes en souffrance, les créanciers feraient mieux de récompenser le gouvernement grec pour les réformes menées à bien. Cet aspect central se rapporte à la remise de dette conseillée de plus en plus vivement par le FMI et certains Européens - contre la résistance de l’Allemagne. … Les Européens devraient ouvrir à la Grèce la perspective d’une restructuration de ses dettes : non pas une remise de dette, mais un calcul des intérêts proportionnel à la croissance économique. Si le pays est en difficulté et stagne, il aura moins d'intérêts à payer. Si en revanche croissance il y a, les créanciers profiteront de cette réussite, dans une certaine mesure.»
Le sauvetage des créanciers
Sur 220 milliards d’euros versés à Athènes depuis le début de la crise, seuls 9,7 milliards ont été affectés au budget hellénique, le reste ayant été directement reversé aux banques et aux créanciers. C’est le résultat d’une étude menée par l'European School of Management and Technology, basée à Berlin. Hämeen Sanomat n’est pas surpris :
«On le savait déjà en Finlande dès 2011 et 2012 - cette étude ne révèle donc rien de nouveau, surprenant ou révolutionnaire. L’alternative aux aides financières aurait été la faillite de la Grèce, et la perspective de fortes pertes pour les banques impliquées. Ceci aurait alors provoqué une vaste crise du crédit, touchant même l’économie mondiale. On peut toutefois se demander a posteriori pourquoi les grands pays de l’UE que sont l’Allemagne et la France n’ont pas participé davantage au sauvetage de leurs propres banques.»
Aucun espoir de croissance
Les nouvelles mesures d’austérité du gouvernement empêchent toute perspective de croissance, estime le journal économique conservateur Naftemporiki :
«Le choix est clair. Le nécessaire sera fait pour préserver jusqu’à la chute finale le modèle qui a mené le pays au bord de l’abîme. De quelle façon ? Par le biais des impôts. C’est le seul moyen de maintenir un certain temps encore les dépenses de toutes sortes, sans générer de PIB qui assurerait la viabilité de tout ceci. … On va droit dans le mur. L’unique perspective de relance de l’économie, c’est l’augmentation de la production. Aujourd’hui, ni les généreuses subventions ni les prêts ne permettront d’atteindre cet objectif ; il faudra surtout des investissements qui permettront d’accroître l’activité entrepreneuriale, moteur de la création d’emplois. Les multiples hausses d’impôts et de recettes rendent l’objectif hors d’atteinte, dans un pays déserté par ses entreprises.»
L'heure d'une remise de dette a sonné
Après toutes ces années de dure austérité, il paraît de plus en plus évident que seule une remise de dette pourra permettre de sauver la Grèce, souligne l’économiste Mohamed A. El-Erian dans une tribune au journal Il Sole 24 Ore :
«La Grèce et ses créanciers doivent convenir d'un programme de désendettement crédible qui soutienne les réformes internes nécessaires pour redynamiser les moteurs de croissance de la Grèce et pour accorder ses obligations internes sur ses capacités. Une telle approche, déjà favorisée par le FMI, renforcerait considérablement les perspectives de croissance de la Grèce. Si une logique économique claire ne suffit pas à motiver les partenaires européens de la Grèce à réduire la dette, le rôle de première ligne assumé par la Grèce dans la crise historique des réfugiés de l'Europe est sans aucun doute suffisant à lui seul. Après huit longues années, il est temps de donner à la Grèce l'aide dont elle a besoin, sous la forme d'un cycle de réduction de la dette orienté vers la croissance.»
Athènes a besoin d'une remise de dette
L’hebdomadaire Le Point appelle Bruxelles et Athènes à trouver enfin un plan de sortie de crise :
«Le chaos commande d'élaborer un plan de sortie de crise : accélération du retour à la croissance ; réforme effective de la fiscalité et des retraites ; la restructuration de la dette ; augmentation substantielle de l'aide de 300 millions d'euros versée à Athènes pour l'accueil des réfugiés. La Grèce a payé très cher pour admettre que sa sortie de la zone euro serait plus coûteuse pour elle que les réformes de son Etat clientéliste et corrompu. La zone euro a payé très cher pour avoir atermoyé durant six ans avant de multiplier les plans d'aide à la Grèce tout en éludant le problème central de la dette. L'heure n'est plus à gagner du temps mais à trancher. La dette de la Grèce doit être restructurée en contrepartie de la création d'un Etat moderne et d'un contrôle draconien de ses frontières maritimes et terrestres, décisif pour la sécurité de l'Europe.»
Des élections anticipées, unique alternative ?
Les créanciers de la Grèce demandent au pays d’appliquer des mesures d’austérité d’un volume de près de 5,4 milliards d’euros. Le gouvernement Tsipras se trouve dans un nouveau dilemme, et il ne pourra recourir à un référendum pour s’en sortir cette fois-ci, selon le portail de gauche TVXS :
«Soit le gouvernement décide d’accepter la requête de créanciers unis et impitoyables, et donc de continuer à plonger le pays dans l’abîme, soit il tentera d’éviter cette perspective en organisant un référendum ou des élections anticipées. … Le référendum rejetterait sur les électeurs la responsabilité de ces nouvelles mesures, mais ne donnerait qu’un bref répit au gouvernement. … Si ces mesures devaient être à nouveau rejetées par le biais du référendum, alors le gouvernement devra réaliser l’impossible [satisfaire les électeurs et les créanciers], avec de funestes conséquences. Les élections sont donc l’unique alternative.»
Le péril du Grexit demeure
Compte tenu de l’instabilité de la situation politique en Grèce, le danger d’un Grexit est toujours d’actualité, estime le quotidien Sega :
«Tsipras est dans l’impasse. Il est contraint chaque jour de briser des promesses de campagne et sa majorité au Parlement risque de s’effondrer. Le parti d’opposition Nea Demokratia dispose déjà d’un soutien public plus important que Syriza. … Dans ce contexte politique, un bouleversement est vite arrivé. Deux ou trois députés peuvent par exemple se mutiner et bloquer les réformes nécessaires, ou bien le FMI peut choisir de sortir du programme d’aide en raison de différends avec la zone euro, et l’Allemagne refuser l’octroi de nouvelles aides. Le spectre d’une exclusion de la Grèce de la zone euro peut rapidement faire son retour, car de nombreux politiques occidentaux estiment que la Grèce a eu sa dernière chance en 2015, et qu’en cas d’échec cette fois-ci, elle n’en aura pas de nouvelle.»
Athènes restera encore longtemps sous perfusion
La seule chose qui puisse encore sauver la Grèce, c’est sa situation géopolitique, souligne Stephanos Konstantinidis, professeur en sciences politiques à l’Université du Québec, dans le quotidien Phileleftheros :
«La partie politique a été perdue après le référendum, la mise à la porte de l’ex-ministre des Finances Yanis Varoufakis et la signature du troisième programme d’austérité. … La volonté de la troïka s’est finalement imposée. Au final, le gouvernement consacre toute son énergie à la com' et ne peut fournir le minimum vital pour bâtir un Etat plus efficace. … Il se pourrait que le pays ne survive qu’en raison de son importance géopolitique. Or cela signifie surtout que la Grèce restera encore de nombreuses années sous perfusion, que les souffrances des Grecs se poursuivront et que leur niveau de vie continuera de chuter. Un ensemble de facteurs qui portera l’humiliation nationale à son paroxysme.»
Les effets funestes d'une liquidation de la Grèce
Le plan du FMI pour la Grèce est tout à fait inadapté à la situation délicate dans laquelle se trouvent la Grèce et l’Europe, critique l’eurodéputé socialiste Emmanuel Maurel dans le journal économique libéral La Tribune :
«Le FMI souhaiterait liquider la Grèce comme une entreprise qu'on place en redressement judiciaire. C'est oublier que ce jeu-là implique 12 millions de citoyens dont près de 25 pour cent sont touchés par la pauvreté, un système politique qui ne survivrait pas à une telle déstabilisation et conduirait aux portes du pouvoir les néonazis d'Aube dorée déjà bien présents au Parlement Grec, et une situation sécuritaire représentant un enjeu vital pour l'Union européenne qui transforme progressivement la Grèce en un gigantesque camp de réfugiés tout en laissant ses membres fermer leurs frontières avec elle.»
Les jours de Tsipras sont comptés
Le FMI a visiblement l’intention de contraindre Merkel à accepter une remise de dette pour la Grèce. C’est ce qui ressort de la conversation téléphonique divulguée par Wikileaks. Le Premier ministre grec Alexis Tsipras sera poussé vers la sortie, assure le journal en ligne libéral To Vima :
«La position de Berlin est claire : elle feint d’ignorer l’existence même de cette révélation. Il a également été annoncé, de façon tout aussi officielle, qu’il n’y aura pas de discussion sur la dette. … A ceci s’ajoute la fermeture permanente des frontières : la Grèce n’est pas parvenue à convaincre les autres pays que seule la solidarité européenne permettrait de surmonter la crise des réfugiés. … Du point de vue des créanciers, Tsipras n’a plus aucune utilité. Il ne reste plus qu’à faire passer la réforme des retraites au Parlement, préparée directement par les créanciers en lieu et place du chef de gouvernement. Une fois le projet adopté, Tsipras pourra s’en aller.»
Berlin doit accepter les exigences du FMI
Berlin sera contrainte d'accepter au final une remise de dette pour la Grèce, estime le quotidien conservateur Die Welt :
«Le FMI a souligné qu’il était irréaliste de croire que les Grecs puissent encore atteindre des objectifs de réforme si élevés tout en garantissant la soutenabilité de la dette du pays. Or celle-ci constitue la condition indispensable à une participation future du FMI aux aides accordées à la Grèce. … Ce qui est frappant en tout cas, c’est que le FMI commence à se ranger du côté du gouvernement grec. Mais Alexis Tsipras, en raison de son aversion pour l’institution financière, ne s'en rend pas compte. Berlin devrait regarder de près ce qui se trame au FMI. Car son principal allié jusque-là sur la question des réformes accroît la pression. Et Merkel ayant fait de la participation du FMI une condition sine qua non, elle sera obligée de céder, d’autant plus qu’avec la crise des réfugiés, elle ne peut courir le risque d’une exclusion de la Grèce de l'euro.»