Les aides à la Grèce sont-elles viables ?
La décision relative aux nouveaux crédits à la Grèce résulte d'un compromis : les allègements de dette, réclamés par le FMI en contrepartie de sa participation au programme, mais refusés par Berlin, ne seront adoptées qu'en 2018. Ceci revient à remettre à plus tard la prochaine crise, déplorent les commentateurs, pour lesquels la perspective des prochaines élections allemandes a pesé dans les négociations.
Une approche dictée par l'agenda allemand
Le report des allègements de la dette grecque montre que la campagne électorale allemande prime sur l’aide à Athènes, peste Federico Fubini dans Corriere della Sera :
«L’Eurogroupe et le FMI ont eu recours à force subterfuges pour faire oublier le renvoi de décisions vitales : la révision des objectifs budgétaires imposés à Athènes (pour les rendre moins étouffants et moins irréalistes) et l'allègement de la dette (lié au constat que celle-ci n’est pas viable pour le pays). A titre privé, tout le monde le reconnaît, même Wolfgang Schäuble. En public et au sein de l’Eurogroupe, le ministre allemand des Finances refuse toutefois de faire le moindre compromis d’ici 2018, car l’Allemagne votera en 2017, et un compromis sur la dette grecque coûterait cher à son parti. Peu lui importe donc que le FMI insiste. Hier à Bruxelles, il a donc davantage été question de la politique intérieure allemande (sans la nommer) que de la Grèce.»
L'opportunisme politique triomphe
En débloquant une nouvelle tranche d’aide à la Grèce de plusieurs milliards, l’UE ne résout pas les véritables problèmes, renchérit Neue Zürcher Zeitung :
«Une fois de plus dans la crise des finances publiques grecques, c’est l’opportunisme politique qui triomphe. L’argent continuera d’être versé ; l’impression d’avoir le contrôle de la situation sera entretenue ; et la question de la viabilité de la dette ne sera sérieusement abordée que dans quelques années. Ainsi, l’Europe s’épargnera probablement le désagrément d’une intervention diplomatique de crise. … Mais les créanciers comme les endettés auraient tort de se croire en sécurité en remettant à plus tard un drame qui aurait gâché l’été. Il ne faut pas être un prodige pour comprendre que la Grèce ne sera jamais en mesure de rembourser l’intégralité de ses dettes. Ceux qui affirment le contraire se basent sur des hypothèses aussi irréalistes qu’absurdes, par exemple une extrême rigueur dans les dépenses.»
Le pays restera dans les limbes
En contrepartie de l’adoption d’un nouveau programme d’austérité et de réforme, la Grèce recevra 10,3 milliards d’euros. Ce sempiternel marchandage, qui consiste à conditionner les aides financières à des objectifs d’austérité, se poursuivra indéfiniment, déplore To Vima :
«Le compromis entre les aspirations de Wolfgang Schäuble et celles du FMI nous accorde un bref répit, mais il nous maintient cependant dans un état catatonique. Le versement des fonds s’effectue par tranches, de même que le règlement de la dette. Parallèlement, on attend de savoir quelles seront les nouvelles contraintes d’austérité nécessaires pour que l’argent puisse être versé. … Il est évident que les partenaires européens et le FMI ne font toujours pas confiance au gouvernement grec, bien que celui-ci vienne d’adopter un ensemble de mesures extrêmement douloureux. … C’est la raison pour laquelle ils exigent des conditions supplémentaires - insupportables pour tout pays démocratique.»
L'austérité asphyxie les PME
L’Eurogroupe a salué le programme d’austérité adopté par Athènes. Or ceci ne nous avance pas beaucoup, déplore De Volkskrant :
«Depuis des années, les créanciers s’évertuent à contraindre chaque nouveau gouvernement grec à adopter des réformes. Or chaque nouveau gouvernement grec sait bien que l’argent continuera d’affluer dans la mesure où il s’efforce d’émettre un minimum de signaux appropriés. Le Parlement hellénique adopte donc toujours des 'mesures douloureuses' et les créanciers remettent toujours la main au porte-monnaie. … Or ce sont surtout les PME et les citoyens qui souffrent des hausses d'impôts, car celles-ci anéantissent toute perspective de reprise.»
Une nouvelle chance pour la Grèce
Une aide réelle est enfin apportée à la Grèce, se réjouit Il Sole 24 Ore :
«La zone euro doit se doter d’une procédure de révision de la dette. Il s’agira de mécanismes graduels visant à maintenir les conditions que le pays doit respecter. Ils seront donc moins généreux que la remise de dette exigée par le FMI. Mais ils devront apporter une solution et éviter les incertitudes des années passées. Car c’est précisément la tactique de 'procrastination et de simulation' qui a eu des conséquences tragiques pour l’économie et la société grecques. Un mécanisme sûr d’allègement de la dette permettrait à la BCE de racheter des emprunts d’Etat grec [jusqu’ici exclus du programme d’achat d’emprunts]. Pour la première fois depuis sept ans, une perche serait tendue à l’économie grecque.»
Un allègement de la dette ne saurait remplacer les réformes
Le problème majeur de la Grèce reste la trop grande faiblesse de son économie. C'est pourquoi des concessions ne sont pas le remède idoine dans la situation actuelle, déplore pour sa part le Tagesspiegel :
«Avant qu’un allègement de la dette ne devienne absolument indispensable dans la décennie à venir, le pays doit tout d’abord retrouver le chemin de la croissance ces prochaines années. Les allègements prévus ne sauraient en aucun cas se substituer aux réformes structurelles nécessaires que la Grèce s’est engagée à mettre en œuvre en contrepartie du troisième programme de sauvetage actuellement en cours. La poursuite de la libéralisation du marché du travail est une de ces réformes en souffrance. … Aucun remède n’a été trouvé non plus pour la première maladie de la politique grecque : une imposition largement insuffisante. Le programme d’austérité qui vient d’être adopté par le Parlement grec le confirme. Il prévoit en effet d’augmenter les taxes qui frappent l’ensemble de la population: les denrées alimentaires, l’essence et les connexions Internet vont donc renchérir. En optant pour ces hausses fiscales, Tsipras a fait le choix de la facilité.»
Le drame est loin d'être terminé
Si tout indique aujourd’hui qu’un accord a été trouvé dans le litige sur la dette, la route sera encore longue pour les deux camps, selon Delo :
«Il n’y aura pas d’avancée tant que les parties impliquées ne diront pas les choses sans ambages. Le Premier ministre Alexis Tsipras doit expliquer aux Grecs qu’une remise de dette ne résoudra pas comme par magie leurs problèmes, et qu'il n'appartient pas aux autres Etats de l’UE d'assurer les retraites des Grecs. Les créanciers, de leur côté, devront s’accommoder du fait que la Grèce reste financièrement dépendante d’eux tant que le pays sera dépourvu de base préalable au développement de son économie.»