Roumanie : le gouvernement favorise l'impunité
Le nouveau gouvernement roumain a essayé mercredi de passer un décret prévoyant d'aménager les peines de politiques condamnés pour corruption et de gracier des milliers de détenus. Or suite à une intervention du président Iohannis, les lois n'ont pas été adoptées et l'opinion a eu vent du projet. Des milliers de manifestants sont descendus dans les rues pour le dénoncer.
Que le président se mêle de ses affaires
Le quotidien proche du gouvernement Jurnalul National conseille à Iohannis de s'en tenir à ses compétences :
«Le cuisant revers électoral de son parti libéral PNL en décembre et le scandale qui a frappé [le vice chef des services secrets de l’intérieur] Coldea et [la cheffe de l’autorité anticorruption] Kövesi font fortement baisser la cote de popularité de Iohannis. … Il a néanmoins encore suffisamment de temps pour remonter la pente. Mais il s’y prend mal. … Il n’appartient pas au président de transformer son équipe en un bataillon d’opposition et d’orchestrer les attaques contre le gouvernement et le Parlement. ... A notre époque de transition, le président ferait mieux de se signaler en faisant entendre sa voix inégalée au niveau européen. Or, il commet indubitablement un impair en se montrant volubile en politique intérieure et en se tenant coi en politique extérieure.»
Le gouvernement sacrifie l'Etat de droit
Il s'agit d'une atteinte à l'Etat de droit, commente Horia Blidaru, conseiller politique au Parlement européen, sur son blog hébergé par le portail Adevărul :
«La seule chose à laquelle s’emploie la majorité social-libérale PSD/ALDE depuis son arrivée au pouvoir, c'est d'annuler les réformes fragiles entreprises dans les domaines de l'éducation et de la santé, de distribuer de façon irresponsable des aumônes sociales et de détruire les progrès effectués par la justice au fil des années. La question de la justice intéresse essentiellement une poignée de politiques, qui sont prêts à sacrifier l'Etat de droit dans l'unique but de ne pas avoir à répondre de leurs actes de corruption. ... Les seules personnes en mesure d'empêcher ce retour à l'état de dégénérescence des années 1990, à une époque où les voleurs sévissaient sans aucune limite et en toute impunité, ce sont les citoyens. ... Il leur faut défendre les institutions publiques qui étaient parvenues à demander des comptes à ces voyous.»
Ce n'est pas la solution à la surpopulation carcérale
Cette décision ne permettra pas de vider durablement les prisons bondées de Roumanie, critique le sociologue Ioan Durnescu sur le portail de blogs Contributors :
«Sans révision des mécanismes qui mènent à la surpopulation carcérale [la durée des peines infligées par exemple], on ne résoudra pas le problème à long-terme. On peut s'attendre à l'adoption de décrets graciant les auteurs de certains actes, suite à quoi 2 000 détenus seraient libérés et 20 000 à 30 000 autres verraient leur peine commuée en prison avec sursis. Mais si l'on se contente de les libérer, on les verra resurgir d'ici un an maximum dans les statistiques relatives aux établissements pénitentiaires et aux services de probation. Dans ces conditions, on peut tout à fait comprendre que certains observateurs accusent les dirigeants de vouloir simplement blanchir leurs acolytes, sans avoir la moindre intention réelle de résoudre le problème social gravissime de la surpopulation carcérale.»