Le décret anti-immigration de Trump suscite un tollé
Des groupes technologiques américains se sont joints à une plainte déposée contre le décret anti-immigration de Donald Trump. Ce décret signé samedi par le président américain interdit pour 90 jours l’entrée sur le territoire national aux ressortissants de plusieurs pays musulmans : Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen. La presse s’interroge sur le choix de ces pays.
L'antiterrorisme n'a pas motivé le choix des pays ciblés
Si Trump a délibérément choisi ces sept pays, ceux-ci n'ont toutefois aucune importance stratégique pour les Etats-Unis, souligne le quotidien Magyar Nemzet :
«Selon certains médias, Donald Trump aurait pris son décret sans même consulter les juristes ; il serait cependant erroné de considérer qu’il ne s’agissait pas d’une décision délibérée. Car les Etats sélectionnés n’ont en effet aucune influence sur les Etats-Unis d’un point de vue géopolitique. Si la menace terroriste est la raison principale invoquée pour justifier ce décret, les habitants d’Arabie Saoudite, grand partenaire des Etats-Unis au Proche-Orient, peuvent par contre entrer aux Etats-Unis. Pour mémoire, rappelons que les attentats du 11 septembre 2001 ont été majoritairement perpétrés par des terroristes saoudiens. Même chose pour les citoyens égyptiens, qui peuvent toujours entrer aux Etats-Unis, le Caire étant depuis toujours l’un des principaux alliés de Washington - en dépit du fait qu’il existe de nombreux foyers terroristes en Egypte.»
Washington parano
L'action contradictoire de Trump vis-à-vis des Etats musulmans rappelle de mauvais souvenirs, commente Le Figaro :
«Le choix de cibler les ressortissants syriens, irakiens et iraniens laisse songeur quand on sait que les Etats-Unis ont cruellement besoin de ces trois nations pour anéantir Daech. Dans ce contexte, l'exonération saoudienne et pakistanaise fait craindre un retour à la schizophrénie des années Cheney-Rumsfeld : la guerre contre les organisations djihadistes d'un coté, le partenariat économico-militaire avec leurs sponsors financiers de l'autre. Au milieu, un axe du mal Iran, Irak, Syrie ? La décision de transférer l'ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, le coup de fil aux autorités indépendantistes taïwanaises, le rafraîchissement brutal des relations avec le Canada et le Mexique, tout indique que Donald Trump ne mesure pas tout à fait les conséquences de ses initiatives. Le risque est grand de mettre le Moyen-Orient, la Chine et une bonne partie du monde en ébullition.»
L'UE prouve son incapacité et sa faiblesse
L’UE doit s’opposer avec véhémence au décret anti-immigration américain, juge NRC Handelsblad :
«Le président des Etats-Unis, le leader du monde occidental, a fait une différence brutale entre les individus d’une croyance donnée et les autres. C’est une infraction à la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, que les Etats-Unis ont signée. … Les choses évoluent vite sous Trump. Très vite. Trop vite pour beaucoup de ses alliés. Les réactions d’abord retenues et prudentes émises par les pays européens face aux mesures de visa de Trump n’ont pas été fermes. Dimanche, l'UE en tant qu'entité n'avait toujours pas pris position. L’incapacité de l’UE, critiquée par Trump, n’aurait pu être mieux démontrée.»
Un boycott ne mènerait à rien
Donald Trump étant le président élu d’une grande nation, les politiques européens sont obligés de composer avec lui, écrit pour sa part The Irish Independent :
«La realpolitik des relations internationales nous impose de trouver un terrain d’entente avec des dirigeants et des gouvernements avec lesquels nous sommes en opposition ou en désaccord. Sur cette base, les appels lancés au gouvernement irlandais et au Premier ministre, à savoir le boycott du nouveau président américain Donald Trump, ne sont pas très réalistes. Car ces appels font abstraction du fait que Trump – quoi que l’on puisse penser de lui – est aujourd’hui le dirigeant politique élu démocratiquement de ce grand pays. … Or cela ne veut pas dire que nous ne devrions nous dispenser de donner ouvertement notre avis, surtout quand il est question de justice ou de droits des hommes.»
Les entreprises se doivent de prendre position
Les représentants de l’économie devraient avoir le courage de protester contre les décrets anti-immigration, estime Frankfurter Allgemeine Zeitung :
«La semaine passée encore, le baromètre était au beau fixe lors de la rencontre entre Trump et les grands patrons, qui ne tarissaient pas d’éloge sur le président. … Aujourd’hui, un certain nombre de chefs d’entreprise sortent de leur réserve et déclarent ouvertement leur opposition au décret, les uns en prenant des précautions, les autres sans mâcher leurs mots, comme les patrons de Facebook et de Netflix. … Jusqu’ici, les représentants des industries traditionnelles ne se sont pas immiscés dans le débat. Le constructeur automobile Ford, implanté dans les faubourgs de Detroit où vivent beaucoup de musulmans, pourrait par exemple prendre position. Ford et d’autres entreprises ont bien sûr déjà ressenti ce que c’était que d’être dans le collimateur de Trump. Mais le silence a-t-il jamais contribué à améliorer la politique ? La Silicon Valley a fait le premier pas - aux autres entreprises de lui emboîter le pas.»
Pourquoi la Silicon Valley se soulève
Le fait que des entreprises de la Silicon Valley aient rallié la contestation devrait donner à réfléchir à Trump, estime Il Sole 24 Ore :
«Trump ferait bien d'en prendre la mesure. Car il ne s’agit pas de commerce, de droits de douane ou de création d’emplois dans le pays. ... Il en va de la valeur centrale des entreprises américaines : les employés mondiaux d’un groupe multinational sont certes des citoyens de leur pays d’origine, mais ils sont aussi et surtout les fiers citoyens d’une grande entreprise qui érige en principe la non-discrimination, la performance et l’égalité des chances, et qui place au-dessus de tout l’identité de l’entreprise. … La discrimination par Trump de sept Etats musulmans mine la philosophie qui forme le socle des entreprises américaines, mais aussi celui sur lequel l’Amérique entière a bâti sa réputation d'ouverture.»
Trump poursuit l'œuvre de son prédécesseur
Pour Kristeligt Dagbladet, il y a longtemps que les Etats-Unis ne sont plus un pays ouvert à l’immigration :
«Le bilan du mandat de Barack Obama montre que le décret anti-immigration ne constitue pas une rupture radicale avec la prétendue ouverture américaine. Si cela ne tenait qu’à l’ex-président, qui est en odeur de sainteté en ce moment, les Etats-Unis auraient accueilli cette année 110.000 réfugiés. Soit un quart des personnes que le Danemark a accueillies en 2016 – année où ce pays européen a été semoncé pour ses contrôles aux frontières, sa loi sur les bijoux et sa restriction du droit des étrangers. Pour montrer une image qui ne déforme pas la réalité, il convient aussi de mentionner le fait qu’au cours de son mandat, Barack Obama a pulvérisé tous les records en ce qui concerne l’expulsion de personnes indésirables du territoire américain. … Trump a notamment été élu pour sa promesse de refouler trois millions d’immigrés. Son mandat ne fait que commencer mais ses débuts montrent clairement qu’il entend sérieusement mettre son projet à exécution.»
La résistance l'emportera
Le décret anti-immigration de Trump a déclenché une lame de fond en faveur de la liberté et de l’égalité des chances, se réjouit 24 Chasa :
«La forte résistance opposée aux décrets de Trump montre que si les Etats-Unis sont un pays merveilleux, ils ne le doivent pas à l’iPhone et au Coca-Cola, mais à la liberté qu’ils accordent à tous les citoyens. Leur réussite économique est le fruit de la liberté, et non l’inverse. Les Etats-Unis sont le pays de l’immigration et de l'égalité des chances. … Trump s'est attaqué à ce principe fondamental des Etats-Unis et, par là, à ses propres citoyens. C’est pourquoi la question qui se pose maintenant n’est pas de savoir qui finira par l’emporter, mais quand Trump sera mis en minorité. En provoquant la mobilisation de ceux qui ne veulent pas tolérer la violation des valeurs fondamentales américaines, il rendra sa grandeur aux Etats-Unis, même si ce n’est pas de cette manière qu’il pensait le faire au départ.»
La séparation des pouvoirs, mode d'emploi
Les juges ayant partiellement infirmé le décret du président, les musulmans concernés par le décret pourront donc quand même entrer aux Etats-Unis, ce dont se félicite Hürriyet :
«Voilà ce que c’est que la séparation des pouvoirs ! Trump a pris un décret qui dit : 'Les musulmans n’entreront pas dans mon pays.' Mais c’était sans compter avec les juges. Eux ont dit : ce genre de décret est inadmissible, on le déchire et on le met à la poubelle. Résultat ? On fait ce qu’ont dit les juges. A ceux qui se grattent la tête quand on parle de séparation des pouvoirs : vous venez d’avoir une démonstration de ce que c’est.»
Les promesses de campagne ont plus de poids que la loi
Il Sole 24 Ore s’interroge sur ce qui a amené Trump à signer ce décret :
«Est-on en présence d’un état d’urgence qui rende indispensable la signature du décret d’interdiction d’entrée sur le territoire ? D’un attentat terroriste ? De mises en garde des services secrets qui auraient mentionné un danger intrinsèque aux pays discriminés ? … Rien de tout cela. Il ne s’agit que d’une promesse électorale qui repose sur une loi datant de 1952 qui, en cas de péril supposé pour la nation, confère au président le pouvoir d’interdire l’entrée dans le pays à des groupes entiers d’étrangers d’une nationalité donnée. Classée discriminatoire et inacceptable, cette loi avait été abrogée en 1965. Et pourtant, Trump continue de l’invoquer pour justifier son décret. Un décret qui est contraire à l’esprit du temps et à la tradition américaine telle que nous la connaissons depuis l’époque des pères fondateurs.»
Un président qui attise la haine
L’interdiction d’entrée sur le territoire, loin de renforcer la sécurité, attisera la haine, estime Zeit Online :
«Si techniquement parlant, ce décret n’est pas une exclusion systématique en fonction de l’appartenance à une religion, l’interdiction provisoire d’entrée sur le territoire n’est probablement pas ressentie ainsi uniquement dans les pays [concernés par l’interdiction]. Ceci démontre déjà l’absurdité de la motivation même invoquée par Trump : sécuriser les Etats-Unis - le président considérant son décret comme un moyen approprié de protéger le pays contre les terroristes. … Il exploite la peur de l’étranger chez ses partisans, qui s’était déjà manifestée pendant sa campagne par des actes de violence dirigés contre les musulmans et d’autre minorités aux Etats-Unis. Une fois de plus, c’est une mesure qui dénote une absence brutale de clairvoyance et qui est peu appropriée à remplir les objectifs avancés. Mais qui n’en alimente que davantage la haine, aux Etats-Unis comme dans le monde arabe.»
Les musulmans doivent enfin abjurer le terrorisme
Dans la mesure où les musulmans commettent des actes de violence au nom de leur religion et que leurs coreligionnaires ne les condamnent pas de manière crédible, le décret anti-immigration est justifié, fait pour sa part valoir The Daily Mail :
«Que les musulmans veuillent le reconnaître ou pas, les extrémistes commettent des atrocités au nom d’Allah. Ils y voient la mise en application de leur interprétation de l’islam. Ces mesures ne sont pas seulement l'aboutissement des attaques à l’arme blanche, des fusillades et des attentats à la bombe perpétrés contre de pacifiques occidentaux, mais aussi le résultat de l’absence de dénonciation de ces actes vils par la communauté musulmane au sens large. Beaucoup de personnes sont troublées de ce que après chaque attaque terroriste, les familles et les communautés dans lesquelles les terroristes ont grandi et les mosquées qu’ils ont fréquentées observent majoritairement le silence.»