Le projet de Juncker peut-il rendre l'UE plus sociale ?
La Commission européenne veut instaurer des normes minimales pour les salariés au sein de l'UE. Son initiative entend rendre l'Union plus sociale et combattre le populisme. Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a présenté mercredi à Bruxelles un programme dans ce sens. Si certains journalistes jugent que le moment n'aurait pu être mieux choisi, d'autres estiment que l'UE outrepasse ses compétences.
Le bon timing
La sortie prochaine de la Grande-Bretagne de l’UE pourrait permettre de mener des réformes sociales en souffrance en Europe, juge El País :
«Les avantages politiques de ce programme, en dépit des longueurs de sa mise en œuvre, sont évidents. La planification avait commencé dès le mois de mars de l’année dernière et devrait être concrétisée ce printemps. Le hasard et surtout la forte pression générée par les évènements ont contribué à faire que l’annonce de ce programme tombe juste avant le second tour des présidentielles françaises, ce qui renforcera la candidature du candidat centriste pro-européen Emmanuel Macron. Elle intervient également juste avant le lancement des négociations sur le Brexit entre l’UE et la Grande-Bretagne. Un processus au cours duquel les deux camps laisseront des plumes et connaîtront des revers, mais qui donne aussi l’opportunité de réparer les omissions du passé. A l’image des réformes sociales, auxquelles Londres n’a cessé de s’opposer depuis l’adhésion du Royaume-Uni en 1973.»
Ce n'est pas à l'UE d'instaurer un 'congé paternité'
La seule proposition concrète dans le programme de Juncker prévoit la mise en place d’un congé de paternité rémunéré. De Volkskrant salue l’initiative mais se demande pourquoi celle-ci devrait être du ressort de l’UE :
«Il y a plusieurs arguments en faveur d’un développement du congé paternité. Ceci pourrait être en effet une étape importante afin de supprimer le traitement inéquitable sur le marché du travail dans ce pays, où l’emploi à temps partiel est souvent l’apanage des femmes. … Une situation qui est étroitement liée au fait que les tâches ménagères ne sont toujours pas équitablement réparties. … Mais la Commission aurait mieux fait d’y réfléchir à deux fois avant d’en faire un projet européen. Si le soutien témoigné à l’UE se délite dans de nombreux Etats membres, ce n’est pas en raison d'un manque de réglementations européennes, mais parce qu'il y en a trop. … L’UE ferait bien de ne pas toucher aux questions qui peuvent être réglées par les Etats membres eux-mêmes. Ne serait-ce que du fait qu’elle n’a pas la légitimité démocratique pour le faire.»
Un peu de social le temps des élections
Juncker poursuit une politique purement symbolique avec laquelle il entend influer sur le cours des élections françaises et allemandes, critique le quotidien taz :
«Mais cela ne suffira pas pour surmonter la terrible crise politique et sociale dans laquelle se trouve l’Europe. Cette crise est la conséquence de la politique néolibérale qui a entraîné un démantèlement social à grande échelle pendant la crise de l’euro. L’UE devrait revoir cette politique, en instaurant par exemple un salaire minimum européen. Mais la volonté politique s’avère insuffisante. On continuera bien sûr d’évoquer 'l’Europe sociale' dans les discours du dimanche, comme lors des 60 ans du traité de Rome, fin mars. Mais après les scrutins en France et en Allemagne, l’Europe sociale devrait rapidement re-disparaître de l’agenda. Car les propositions de Bruxelles ne semblent pas se tourner vers l’avenir, au contraire, elles comportent même une option de démantèlement social. Les chefs d’Etat et de gouvernement ne discuteront de l’activation de cette option qu’après les élections, peut-être lors du sommet européen de décembre. L’UE devrait alors remontrer son vrai visage néolibéral.»