Immixtions russes aux Etats-Unis : un aveu qui relance tout
Dans l'affaire relative à une possible prise d'influence du Kremlin à Washington, l'enquête du procureur Robert Mueller se porte maintenant sur les plus proches collaborateurs de Donald Trump. Michael Flynn, ex-conseiller du président sur les questions de sécurité, a reconnu vendredi avoir menti sur ses contacts avec la Russie. D'autres médias rapportent par ailleurs que le beau-fils de Trump, Jared Kushner, aurait incité Flynn à contacter Moscou. Que signifient ces développements pour la Maison-Blanche et les relations diplomatiques russo-américaines ?
Aucun dégel en perspective
Les relations russo-américaines ne peuvent s'améliorer après l'aveu de Flynn, assure le politologue Vladimir Frolov dans The Moscow Times :
«Ces relations sont si mauvaises aujourd'hui qu'elles peuvent difficilement se dégrader davantage, à moins d'envisager une guerre - perspective dont personne ne veut. ... Le réel impact de ce scandale aux multiples facettes sur les rapports bilatéraux sera vraisemblablement le report de toute éventualité de rapprochement tant que l'investigation de Mueller n'aura pas produit de résultats définitifs. L'administration Trump ne changera pas de cap vis-à-vis du Kremlin tant que l'attitude russe restera la même, et tant que le procureur Mueller continuera de scruter à la loupe le moindre mail de campagne comportant le mot 'Russie'.»
L'offensive démocrate
L'opposition s'efforce depuis le début de renverser l’administration Trump, constate Daily Sabah :
«Si ces accusations se vérifient, cela voudra dire que l'équipe de Trump a pris des risques inutiles. Elle aurait tout simplement pu attendre que Trump devienne président pour lever les sanctions et coopérer ensuite à l'envi avec la Russie. Pourquoi une telle hâte ? Parce que les démocrates ont prétendu dès le départ que Trump l'avait emporté grâce aux immixtions électorales russes, et parce qu'il était clair dès le premier jour que ces mêmes démocrates feraient tout pour évincer Trump de la Maison-Blanche. C'est exactement ce qui se produit actuellement. ... Il semblerait bien que l'establishment américain ait élaboré son propre agenda pour renverser l'actuel président.»
Trump ravit toujours ses troupes
Pour Le Figaro, Trump reste malgré tout plus fort qu'on ne le soupçonne :
«Les clameurs de victoire sont inaudibles quand le vent souffle en tempête. L'adoption par le Sénat de la réforme fiscale était le premier grand succès de la présidence Trump. Mais les derniers développements de 'l'affaire russe' sont venus gâcher la fête. ... C'est le problème de Trump, cette 'tweetite' compulsive ... mais c'est aussi sa force. Un choix, une stratégie. Plus que jamais, il entend passer au-dessus des usages et des médias pour s'adresser à 'son peuple'. Et ses saillies outrancières continuent à ravir ses troupes. Pour ceux qui l'ont élu, il reste l'homme au verbe fort qui secoue le monde washingtonien. Afin de satisfaire sa base, Trump s'évertue à tenir ses promesses électorales.»
La séparation des pouvoirs fonctionne
Il s'agit d'un développement extrêmement dangereux pour Trump, selon tagesschau.de :
«Une procédure de destitution reste peu probable pour l'instant. Car seule la Chambre des représentants est habilitée à lancer une telle procédure. Or les républicains y sont nettement majoritaires. L'aveu de Flynn n'en reste pas moins un tournant : la prédiction de Trump, selon laquelle les enquêtes sur la Russie sont des 'fake news' et cesseraient bientôt, ne se réalise pas. Au contraire, le procureur Robert Mueller poursuivra son enquête jusqu'à ce que toute la vérité ait été établie. C'est une bonne nouvelle pour tous ceux qui craignaient que Trump ne renverse la démocratie américaine. Non, la justice américaine fait son travail et la séparation des pouvoirs fonctionne.»
Trump n'a pas encore de quoi s'inquiéter
Malgré les gros titres, il n'y a toujours pas de preuves irréfutables de contacts entre la Russie et la Maison-Blanche, souligne Tages-Anzeiger :
«Avec ou sans Flynn, tout le monde sait aujourd'hui que la Russie, par le biais d'une vaste campagne de désinformation, a tenté de manipuler les présidentielles américaines : Clinton devait perdre, Trump gagner. Quant à la question de savoir si Trump était au courant de cette action de sabotage, voire s'il y a délibérément participé, on ne peut que spéculer. ... Il y a bien des indices dans ce sens. Et peut-être que Flynn a des preuves et qu'il se prépare à les fournir. ... Mais en l'état actuel, les accusations de Robert Mueller sont globalement liés à des délits qui n'ont pas grand-chose à voir avec la campagne électorale de l'année dernière.»
La justice ne peut régler un problème politique
Dans Corriere della Sera, le diplomate Sergio Romano constate une criminalisation inquiétante de la politique américaine :
«Les Italiens connaissent ce genre de situations et les risques qu'elles comportent. La criminalisation de la politique donne le sentiment que la démocratie est pourrie et confie aux magistrat des fonctions et des missions qui sont théoriquement l'apanage de la politique. Trump est un personnage inquiétant et probablement inadapté à sa fonction, mais il peut compter sur des appuis politiques considérables et des partisans nombreux, qui n'accepteront pas une destitution par la voie judiciaire. Pour éliminer un président en charge sans alimenter des tensions civiles, les urnes sont beaucoup plus efficaces que les tribunaux.»