Balkans : l'UE passe à la vitesse supérieure
L'UE veut faire avancer le processus d'adhésion des Etats des Balkans occidentaux. La Serbie et le Monténégro pourraient intégrer l'UE dès 2025. Une perspective d'adhésion claire est également donnée à la Bosnie-Herzégovine, à la Macédoine, à l'Albanie et au Kosovo. Dans le même temps, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, souligne que les pays concernés sont loin de remplir les critères d'adhésion. Les commentateurs font un tour d'horizon des tâches à accomplir avant l'adhésion de ces pays.
Développer les infrastructures pour promouvoir l'intégration
Les pays des Balkans occidentaux doivent réapprendre à communiquer s'ils veulent intégrer l'UE, fait valoir Standart :
«Le développement des moyens de communication, aussi bien au sein des Balkans occidentaux qu'entre cette région et le reste de l'Europe, constitue un préalable important à l'intégration européenne. L'absence de liaisons aériennes directes entre les pays de la région est un exemple éloquent. Aujourd'hui, lorsqu'un forum régional est organisé dans l'une des capitales des pays concernés, les participants doivent d'abord transiter par l'aéroport de Vienne pour se rendre à destination. Il est primordial de construire un réseau de communication qui permette aux habitants de la région de se rencontrer ; ce défi s'impose aussi bien dans les transports que dans les domaines des télécommunications, de l'énergie, de l'éducation et du numérique.»
L'UE n'a pas d'autre option
Delo se montre sceptique vis-à-vis des projets européens :
«Il faut songer que la Serbie se trouve encore en guerre avec le Kosovo, que le Monténégro est mu par la corruption, que la Macédoine est en conflit avec la Grèce et avec sa minorité albanaise. Il s'agit donc d'une mission impossible. Sans parler de la Bosnie-Herzégovine, en plein délitement, et du Kosovo. Si l'UE devait décider d'accepter l'adhésion de ces pays, dont le processus de démocratisation n'est qu'à moitié accompli, ce serait catastrophique. Mais l'UE, qui réagit une fois de plus avec un retard désastreux, n'a pas vraiment le choix. Car un espace balkanique démocratique, pacifique et européen a toujours été une nécessité vitale pour la paix et la démocratie en Europe.»
La Macédoine dans l'UE ? Pas pour tout de suite...
Les Macédoniens ne doivent pas croire à une adhésion rapide à l'UE, prévient le quotidien Kurir, accusant le Premier ministre Zoran Zaev de donner de faux espoirs à ses concitoyens :
«L'UE attend une croissance économique. Mais quelle croissance pouvez-vous donc escompter ? Avec le milliard et demi d'euros de nouvelles dettes que vous avez contractées en à peine sept mois au pouvoir ? Avec l'accroissement de la charge fiscale pour les citoyens ? Avec l'augmentation hebdomadaire du prix des carburants ? ... Cessez donc de mentir aux gens ! Dites-leur clairement que dans le meilleur des cas, ils peuvent envisager une adhésion à l'UE au plus tôt en 2030, et que vous n'avez toujours pas accompli ce que l'UE attend de nous.»
Préparer l'élargissement
La perspective donnée aux Etats des Balkans contraint l'UE à se doter d'une nouvelle structure, souligne Avvenire :
«L'ouvrier monténégrin fera-t-il plus ou moins peur que le plombier polonais ? L'UE, qui lorgne désormais sur les Balkans, est potentiellement prête à passer à 33 d'ici 2025 ; or la menace est moins liée à la mobilité des travailleurs intracommunautaires qu'à l'inertie de ce futur gigantisme institutionnel. ... C'est pourquoi Berlin, Paris et Rome devraient prendre l'initiative et travailler à une nouvelle structure qui permette de jeter les bases de cette 'Union à plusieurs vitesses' si souvent invoquée.»
L'UE veut asseoir son influence
Pour Die Welt, il est tout à fait possible que les Etats des Balkans occidentaux rejoignent les rangs de l'UE même sans avoir atteint la maturité requise :
«Les rapports de force ne sont pas tels que Bruxelles décide en maître absolu et que les pays attendent le verdict sévère qui décidera si leurs adaptations nécessaires aux normes juridiques européennes sont jugées satisfaisantes. Au contraire, les Balkans occidentaux sont une région intéressante du point de vue géostratégique et économique. La Russie, la Turquie, la Chine, l'Arabie saoudite et le Qatar essaient d'y faire valoir leur influence depuis un certain nombre d'années. Les Européens sont en concurrence avec ces Etats. Pour beaucoup de Serbes, la Russie est la terre promise ; au Kosovo, la Turquie essaie de faire son trou et la Chine construit des autoroutes importantes. L'enjeu réel pour les Européens est d'asseoir le plus rapidement possible leur influence - en procédant à des adhésions précipitées s'il le faut.»
Un exemple macédonien ?
Dans sa quête de la bonne stratégie d'élargissement pour les Balkans, l'UE peut au moins s'appuyer sur une réussite, souligne Der Standard :
«Il y a une approche intéressante, qui doit néanmoins être d'abord formulée sous la forme d'une stratégie. L'unique intervention réussie de l'UE conjointement avec les Etats-Unis dans les Balkans a lieu depuis 2015 en Macédoine. Des experts y ont été dépêchés pour évaluer le noyautage de l'Etat par l'ex-parti au pouvoir. Si la Macédoine devenait vraiment un modèle, et si l'UE osait s'attaquer aux structures sécuritaires et à la justice dans tous les Etats, peut-être que moins de personnes seraient tentées d'émigrer. Il est clair cependant que cette perspective demanderait un engagement supérieur et prendrait du temps.»
Toujours pas de vraie stratégie
La stratégie européenne dans les Balkans est encore bien trop vague, déplore Jutarnji list :
«Pour exercer une plus grande influence politique dans la région, l'UE doit aussi faire preuve d'une plus grande détermination. Pour que les mots aient du poids, ils doivent être clairs et concordants. Or il n'y a pas de consensus dans l'UE sur les Balkans occidentaux, au-delà des formules toutes faites, comme la nécessité d'une 'stabilisation durable' ou du 'développement d'une perspective européenne'. Si l'Europe veut avoir plus d'influence et de succès, il lui faudra afficher une position claire et faire preuve d'un plus grand courage politique, et non se contenter d'agir en fonction du plus petit dénominateur commun.»
L'Europe doit être vigilante
Les pays des Balkans occidentaux sont encore très loin des normes européennes, souligne Handelsblatt, qui critique l'annonce d'une date concrète d'adhésion :
«Les exemples de la Roumanie et de la Bulgarie montrent de triste façon quels peuvent être les travers d'une adhésion prématurée à l'UE. Ces Etats, acceptés dès 2007, n'étaient pas prêts. On en ressent les effets aujourd'hui. ... L'Europe doit tirer les leçons des expériences négatives faites en Europe du Sud-Est. Dans le cadre de l'élargissement dans les Balkans, la qualité doit primer sur la vitesse. Il faut que l'Europe se garde de tomber dans le piège des réformes en trompe-l’œil élaborées par les comédiens de la démocratie. ... L'annonce d'une date concrète d'adhésion ne constitue rien moins qu'une négligence politique dont l'Europe pourrait payer le prix fort.»
Passer du risque sécuritaire au facteur de croissance
L'analyste Mihai Sebe conseille à la Roumanie de jouer un rôle actif dans l'élargissement européen :
«Les Balkans ont longtemps été assimilés à l'instabilité politique et économique et considérés comme une région qui 'produit plus d'histoire qu'elle ne peut en consommer' (Winston Churchill). La Roumanie a essayé de se détacher des Balkans sur le plan symbolique. Pourtant, l'heure est venue pour nous de revenir dans une région que nous n'avons jamais vraiment quittée. La Roumanie peut rendre de grands services à l'intégration européenne des Etats des Balkans occidentaux. ... Quand l'ensemble des Balkans seront intégrés à l'UE, il s'agira d'une région sûre, stable et démocratique, qui se conformera à des règles claires et qui sera source de croissance plutôt que de troubles.»
Une arrogance déplacée
L'UE n'est pas en position de formuler des exigences excessives aux pays candidats, estime Dnevnik :
«L'UE demande aux futurs membres de résoudre toutes les questions en suspens avant de franchir le seuil de l'édifice européen. C'est compréhensible. Personne ne veut que de nouveaux membres de la famille n'apportent d'autres problèmes. Mais cela paraît quelque peu égoïste et hypocrite. Car actuellement, l'UE n'a rien d'exemplaire pour les candidats en matière d'unité interne et externe. Les futurs membres, s'ils le pouvaient, régleraient volontiers eux-mêmes les nombreux problèmes nationaux et internationaux auxquels ils sont confrontés. Mais comme ceci est impossible, ils ont besoin d'aide. Certaines choses ne pourront être résolues que par le biais d'une adhésion effective, et non par la simple promesse de cette adhésion.»