Accord sur Idlib : un succès pour Erdoğan ?
Vladimir Poutine et Tayyip Erdoğan veulent établir une zone démilitarisée dans la province d'Idlib, dernier bastion des rebelles en Syrie, afin d'éviter une offensive. C'est l'accord auquel ils sont parvenus lundi à Sotchi. En Syrie, la Russie combat aux côtés du dirigeant Bachar Al-Assad, tandis que la Turquie est considérée comme la puissance protectrice de l'opposition. Les éditorialistes, qui y voient un succès de la diplomatie turque, détaillent la stratégie suivie par Ankara en Syrie.
La Turquie se tire d'affaires
Dans Den, le spécialiste du Proche-Orient Igor Semyvolos y voit une victoire d'Erdoğan :
«Pour le président turc, il était vital d'éviter une vaste offensive contre la province d'Idlib, susceptible de provoquer une nouvelle vague de réfugiés et une nouvelle crise au sein même de la Turquie. Il était par ailleurs évident que des groupes considérés comme des proxies de la Turquie se seraient aussitôt ralliés à l'Armée syrienne libre (ASL) en cas d'attaque. ... Dès lors, la Turquie n'aurait pas eu d'autre choix que de participer directement à la bataille d'Idlib. De ce point de vue, le résultat est un succès pour Erdoğan. Il est clair que les Russes ont dû se résoudre à conclure cet accord. C'est un revers cuisant pour l'Iran. Car ce sont les Iraniens, de concert avec Bachar Al-Assad, qui étaient les acteurs clés et les principaux instigateurs de l'offensive.»
Poutine redoutait une victoire à la Pyrrhus
Le site News.bg explique pourquoi Poutine a décidé de renoncer à une offensive à Idlib :
«La raison principale à cette décision, c'est que la bataille d'Idlib, en dépit de son dénouement prévisible, aurait été impitoyable, notamment parce que l'armée turque a infiltré Idlib en différents points et y soutient l'Armée syrienne libre et le Front national de libération. ... L'avertissement délivré par Washington, à savoir qu'en cas de nouvelle crise humanitaire et de nouvelle vague de réfugiés, la Russie serait tenue pour responsable, a probablement eu aussi un effet dissuasif sur Moscou. Ce qui ne minimise en rien le succès diplomatique d'Erdoğan.»
Le principal adversaire d'Ankara, ce sont les YPG
Ankara n'a plus pour objectif de renverser Assad, explique Milliyet :
«Erdoğan a indiqué lors de la conférence de presse à Sotchi 'que les YPG constituaient la menace numéro un en Syrie aujourd'hui'. C'est pourquoi Ankara continue de soutenir les groupes d'opposition, car ceux-ci lui permettent de contenir les YPG en Syrie. ... L'hostilité vis-à-vis d'Assad est aussi liée à la question des YPG. Car de par les liens que le dirigeant syrien entretient avec le groupe, Ankara se méfie de lui. ... La Turquie n'a donc plus pour objectif en soi de soutenir l'opposition pour renverser Assad. ... La stratégie d'Ankara à long terme est de combattre les Kurdes. Elle se sert de sa position vis-à-vis de Damas et de l'opposition comme d'un moyen pour arriver à ses fins.»
Un autocrate pour sauver des vies
Il ne reste plus que la Turquie pour protéger les civils et les forces démocratiques, constate le quotidien taz, amer :
«Comme personne n'est prêt à bouger ne serait-ce que le petit doigt pour tenter d'empêcher le massacre de trois millions de personnes, nous en sommes réduits à compter sur l'autocrate turc. Qui vivra, qui périra ? Erdoğan et Poutine sont en train d'en décider, sous le regard amorphe de l'Occident. De son côté, l'Allemagne mène de pseudo-débats pour savoir si elle doit intervenir en cas de nouvelles attaques chimiques d'Assad contre ses propres citoyens, et qui seraient contraires aux droits humains. L'Allemagne, bien entendu, ne veut pas faire quoi que ce soit pour tenter d'influer d'une manière ou d'une autre sur le cours des évènements. Car l'Allemagne, bien sûr, veut rester 'clean'.»
Le problème c'est Assad, pas Erdoğan
Ce n'est vraiment pas le moment de critiquer la Turquie, peut-on lire dans The Times :
«Lorsque Recep Tayyip Erdoğan se rendra en Allemagne ce mois-ci, la chancelière Angela Merkel lui signifiera clairement que l'aide économique allemande à la Turquie dépendra de la capacité du pays à retenir sur son territoire les djihadistes les plus dangereux qui auront quitté Idlib. Mais à ce stade de la guerre en Syrie, le président turc fait partie de la solution et non du problème. Le problème, c'est Bachar Al-Assad et tous ceux à Moscou et Téhéran qui l'ont trop longtemps soutenu. Assad s'est montré incapable d'agir en homme d'Etat. Son action se résume à une longue litanie de massacres.»