Sommet européen de Sibiu : beaucoup de bruit pour rien ?
Au sommet européen de Sibiu, les chefs d'Etat et de gouvernement ont réitéré leur attachement aux valeurs fondamentales de l'UE dans une déclaration de solidarité et de cohésion commune. Cette rencontre en Roumanie, pays qui assure actuellement la présidence tournante de l'UE, avait toutefois pour mission initiale de lancer un nouveau départ après un Brexit qui n'a finalement pas encore eu lieu. D'autres priorités se sont toutefois interposées, commentent les éditorialistes.
Du vent
Sur son blog Lost in Europe, Eric Bonse y voit un sommet superflu :
«Concert de bons mots, d’élucubrations, de simulations. Le chef du sommet Donald Tusk en personne a fait préparer une 'déclaration de Sibiu' énonçant dix 'obligations'. Toutes aussi résonnantes que vides de sens. On y lit l'engagement à 'rester uni pour le meilleur et pour le pire', à 'faire preuve de solidarité dans les moments difficiles'. La protection de la démocratie et la défense de l''European way of life' figure parmi les dix obligations annoncées en Roumanie - où l'Etat de droit est raboté chaque jour un peu plus ! Et où pour la majorité de la population, l'European way of life' n'est qu'un rêve lointain.»
Les vrais débats sont esquivés
Selon le bilan de Gazeta Wyborcza, un grand flou artistique a plané sur les sujets sérieux à Sibiu :
«En cette journée européenne, le 69e anniversaire de la déclaration de Robert Schuman, pierre angulaire de la construction européenne, ils ont publié la 'déclaration de Sibiu' prévoyant dix obligations, notamment la préservation de l'unité et de la justice, mais aussi de la démocratie et de l'Etat de droit. Ce document éminemment général fait abstraction d'un débat sérieux sur les priorités de l'Union pour la période 2019-2024, repoussées au lendemain du 26 mai, alors qu'ils figuraient initialement au menu. ... On a surtout passé sous silence les lourds différends qui opposent les membres de l'axe franco-allemand, moteur de l'intégration européenne, sur la réforme de la zone euro. ... Le président français, Emmanuel Macron, n'a pas caché sa frustration face à Berlin, qui élude la question.»
Cette fois-ci, la Roumanie a fait bonne figure
Dan Tapalaga, chroniqueur à G4Media, a une tout autre impression du sommet :
«Le président Klaus Iohannis a réussi à présenter la Roumanie sous un jour lumineux, comme un pays qui renoue avec la normalité - nous donnant l'occasion d'être fiers de notre nation. Cette fois-ci, tout s'est bien passé. La petite bourgade de Transylvanie a donné à voir le beau visage d'un pays qui, ces deux dernières années, n'avait fait parler de lui qu'en négatif. ... Les politiques européens, les journalistes étrangers, les citoyens lambda quitteront peut-être le sommet de Sibiu sur l'impression que notre appartenance à l'Europe coule de source. Les ennemis de l'Europe, ceux qui abusent du pouvoir à Bucarest, ne sont qu'un malencontreux accident de l'histoire - qui pourra être corrigé dans les urnes le 26 mai.»
La grande foire aux postes charnières a commencé
Pour La Repubblica, la véritable fonction du sommet de Sibiu était l'ouverture de la course aux postes clés de l'Union :
«Envisagé comme l'occasion de donner un nouveau souffle de vie à l'UE après le Brexit et deux semaines avant que le Continent ne vote, le sommet organisé à Sibiu par le président roumain Klaus Iohannis a perdu de vue sa véritable raison d'être. Il reste pour Donald Tusk la possibilité de sonder l'humeur des chefs d'Etat et de gouvernement quant aux personnalités qu'ils entendent nommer. ... La personne d'Angela Merkel reste un grand point d'interrogation. Jusqu'ici, le silence le plus total régnait sur la question. La chancelière a beau s'en défendre, selon plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement, elle pourrait briguer la présidence du Conseil européen.»