La tragédie de l'Estonia refait surface
26 ans après le naufrage de l'Estonia, un ferry qui assurait la liaison Tallinn-Stockholm, de nouvelles images de l'épave relancent les spéculations sur les causes du drame. Elles montrent un trou de quatre mètres de large sur le flanc tribord du navire. Selon le président de la commission d'enquête estonienne, il pourrait être le résultat d'une collision avec un sous-marin. 852 personnes avaient péri lors de ce naufrage.
Une nouvelle théorie douteuse
Erkki Koort, journaliste à Postimees, déplore que les Estoniens soient si prompts à croire à la théorie selon laquelle l'Estonia aurait été éperonné par un sous-marin :
«Les prétendus 'nouveaux éléments' ont rouvert de vieilles plaies et ravivé les spéculations. Rares sont les productions télévisuelles à avoir bénéficié d'un tel marketing. On ne parle plus que de cette affaire aujourd'hui. Au début de la crise du coronavirus circulait un mème sur les réseaux sociaux : les politologues étaient subitement tous devenus des épidémiologistes. Le 28 septembre, nous sommes pratiquement tous devenus des ingénieurs en construction navale et des spécialistes de la marine. Des juristes, bien au chaud dans leur logis, parlent de sous-marins dans des eaux agitées, comme s'il s'agissait de l'édition commentée du code pénal. ... Je comprends l'intérêt que peut susciter le drame de l'Estonia, mais je ne comprends pas pourquoi on adhère à une théorie qui ne repose sur aucun fait établi.»
Le rôle peu glorieux de Tallinn
Le gouvernement estonien n'hésite pas à exploiter politiquement cette tragédie, déplore ERR :
«Le gouvernement n'a que faire de la vérité ; ce qui l'intéresse, c'est de feindre de s'activer sur un sujet sensible qui préoccupe les électeurs. Un film documentaire sur des évènements historiques, ce n'est pas une enquête impartiale, mais une vision artistique produite à partir d'images de la vie réelle. Quelle que soit la puissance de cette vision, dont le but dans le cas présent est de montrer qu'il s'est agi d'un crime, elle ne peut en aucun cas - dans son intégralité ou même en partie - servir de base ou de preuve à une enquête. Le message central de la coalition au pouvoir depuis un an et demi, c'est que les gouvernements qui l'ont précédée ont toujours tout fait de travers. Elle voit dans cette affaire une aubaine, l'occasion en or de perpétuer son 'récit gouvernemental'.»
Invalider les théories du complot
Plus de 500 Suédois ont péri dans la catastrophe. La version officielle des causes du naufrage - la chute d'une étrave mobile ayant provoqué une voie d'eau - étant déjà remise en cause avant la diffusion des nouvelles images, une nouvelle enquête ne peut qu'être salutaire, fait valoir Svenska Dagbladet :
«Il faudra cette fois-ci faire la lumière sur le drame de l'Estonia de façon plus rigoureuse et en recourant à l'expertise internationale. Toutes les cartes doivent être posées sur table. Tant qu'il n'y aura pas d'explication crédible au trou constaté dans la coque du navire, les fantasmes continueront de proliférer et prendront même un tour plus politique. Les dommages - les souffrances qui continuent de tourmenter les proches des victimes, les mauvaises relations avec les pays voisins et une perte considérable de confiance dans le secteur public - l'emportent de loin sur la nécessité de ménager les membres du gouvernement de l'époque, qui ont pris leur retraite depuis longtemps déjà. »
Les âmes ne trouveront pas la paix
L'Estonie a décidé elle aussi de sanctuariser légalement l'épave de l'Estonia. Ce qui ne doit pas empêcher de faire toute la lumière sur ce tragique naufrage, fait valoir Postimees :
«La découverte du trou relance les soupçons selon lesquels le ferry transportait du matériel de guerre et l'accident a été provoqué par une collision avec le sous-marin qui l'accompagnait. Cela pose la grave question des responsabilités. A l'heure actuelle, il ne s'agit que d'une hypothèse, avec des accusations non prouvées. Il est possible qu'elles soient infondées. Mais le pire serait qu'elles ne soient jamais vérifiées. Seule la vérité permettra aux victimes de reposer vraiment en paix et à leurs proches de faire leur deuil.»
La question des dommages et intérêts, un obstacle ?
Õhtuleht appelle pour sa part au renflouement de l'épave :
«Le trou que la caméra du robot sous-marin a filmé dans la carène de l'Estonia nous oblige à mener une nouvelle enquête. ... Le renflouement du navire épave est proscrit par le traité conclu entre l'Estonie, la Finlande et la Suède, qui sanctuarise l'épave et en fait une 'sépulture marine', même si la vocation de cet accord était de proscrire le vol et les pillages. L'autre argument qui a été invoqué, c'est le coût élevé d'une opération de renflouement, même si celui-ci n'a jamais été chiffré. A moins que le problème ne soit pas lié à la question des coûts d'un renflouement, mais aux demandes potentielles de dommages et intérêts de la part des proches des victimes, s'il s'avérait que la tempête n'était finalement pas la cause du naufrage.»