Législatives aux Pays-Bas : la balle au centre ?
Conformément aux prévisions, le VVD du Premier ministre Mark Rutte a remporté les élections législatives néerlandaises avec 22 pour cent des voix. Sa partenaire de coalition, la formation centriste D66 emmenée par Sigrid Kaag, est celle qui a le plus plus amélioré son score ; arrivée en quatrième position en 2017, elle est aujourd'hui la deuxième force du pays. Et pourtant, les éditorialistes croient que la nouvelle coalition pourrait être d'un éclectisme surprenant.
Participer au gouvernement : une solution pour la gauche
Les anciens partis de gauche ayant tous perdu du terrain lors de ce scrutin, les appels à leur fusion se multiplient ces derniers jours. Il existe pourtant de meilleures options, fait valoir De Telegraaf :
«Les partis de gauche savent que leurs partisans ne veulent pas de désaccords dans leurs propres rangs. Or le scrutin a révélé l'effet négatif de cette posture : dans les interviews et les débats, les leaders de gauche ont fait tout leur possible pour éviter que des divergences n'apparaissent entre leurs partis. ... Jeudi, un célèbre député de gauche aurait toutefois affirmé que gouverner avec le VVD, le CDA et D66 était une option éventuellement envisageable. Ce serait effectivement l'occasion pour la gauche de décrocher un poste de ministre et de s'illustrer. Car les rangs de l'opposition sont déjà suffisamment pleins. Les résultats des législatives ont montré par ailleurs que fourbir ses armes au sein de l'opposition n'apportait pas de garantie de succès - que les partis fusionnent ou non.»
Une large palette d'opinions
Neue Zürcher Zeitung se réjouit du pluralisme de la scène politique néerlandaise :
«Dans le supermarché politiques du pays, on trouve aujourd'hui des partis pour tous les goûts et toutes les aspirations. ... Cette diversité s'explique par un seuil électoral extrêmement faible : 0,7 pour cent seulement. ... Le système a toujours fonctionné jusque-là. Mais il nécessite de savoir manier avec brio l'art du compromis. ... Si Rutte et Kaag, la 'nouvelle star' de la scène politique, s'entendaient sur la formation d'une coalition, ce qui serait le scénario le plus probable, alors les choses pourraient devenir intéressantes. Car les deux partis rassemblent derrière eux des groupes d'électeurs différents et défendent des positions relativement contraires en matière de protection climatique, de politique intérieure ou d'immigration.»
Un poids-lourds de la politique européenne
Ces élections viennent également confirmer le poids croissant des Pays-Bas sur la scène européenne, estime El Mundo :
«Cette victoire électorale ne renforce pas seulement Rutte, qui sera le vétéran des dirigeants des Vingt-Sept après le départ de Merkel cette année, mais aussi les Pays-Bas. Le pays joue un rôle déterminant à chaque fois que l'UE doit prendre une décision importante. Sa position exigeante sur des questions comme le défi migratoire ou le Brexit ont consolidé son influence parmi les leaders de l'Union. Durant les négociations portant sur l'avenir de la zone euro l'année passée, il a pris la tête du groupe des 'frugaux' pour limiter les aides directes aux Etats et ne pas faire exploser la dette.»
D66 n'a reculé devant aucun sujet délicat
C'est à leur tête de liste que les centristes doivent leur succès dans les urnes, analyse NRC Handelsblad :
«Le VDD visait le pouvoir et rien d'autre : Mark Rutte est le Premier ministre qui a prouvé, ces dix dernières années, qu'il était capable de piloter les Pays-Bas à travers les crises. Il s'est donc bien gardé d'aborder, pendant sa campagne, les thèmes délicats du climat ou du scandale des allocations familiales. Sigrid Kaag a été la seule à réussir à nager à contre-courant. Elle a fait campagne en réclamant un changement de leadership. Dans les débats, elle a fait figure de candidate fiable. Elle a souvent été la seule à prendre position sur certains dossiers, notamment sur le passeport de vaccination (dont elle a été la seule à plaider la cause).»
La gauche phagocytée
Les vainqueurs du scrutin ont réussi à mettre les sociaux-démocrates et les verts sur la touche, analyse De Volkskrant :
«C'est du côté de la gauche que s'est jouée la véritable tragédie de ce scrutin. A sa décharge, il faut souligner que les partis conservateurs ont repris à leur compte des idées de gauche comme l'impôt sur les sociétés et la hausse du salaire minimum. En guise de réaction, les formations de gauche - Gauche verte (GL) mais aussi le Parti travailliste (PvdA) - ont décidé de faire campagne encore plus à gauche, en durcissant leur critique du néolibéralisme et de l'économie, et en revendiquant plus de pluralisme et d'écologie. Un discours qui n'a pas su séduire la grande majorité des électeurs.»