Que penser de l'obligation vaccinale dans le secteur de la santé ?
Après l'Italie, trois pays - la France, la Grèce et la Lettonie - ont eux aussi adopté la vaccination obligatoire pour les employés du secteur de la santé et des soins. Le président français, Emmanuel Macron, leur a donné jusqu'au mois de septembre pour s'y conformer, faute de quoi les non-vaccinés s'exposeront à des sanctions.
Une obligation vis-à-vis de la collectivité
Le Temps juge les décisions de Macron tout à fait cohérentes :
«Depuis le début de la pandémie, et malgré le chaos initial sur les masques et les respirateurs artificiels, l’Etat français a pratiqué le 'quoi qu’il en coûte'. Pas question de différencier les corporations, ou de limiter l’intervention publique. ... Sans le dire, le chef de l’Etat a formulé, juste avant le 14 Juillet, un 'donnant-donnant': puisque la puissance publique a fait son devoir, les citoyens doivent faire de même pour ne pas mettre en danger la collectivité, et ne pas retarder le retour à la normale.»
Macron le magicien
Marianne se gausse d'un constat fait par le président lors de son allocution télévisée ce lundi :
«Il aura suffi que le président Macron apparaisse à la télévision, avec la Tour Eiffel en arrière-plan, et annonce son nouveau plan de lutte contre le Covid-19, pour que la science soit bouleversée du jour au lendemain. La preuve : jusqu’ici, il fallait attendre quinze jours après la deuxième dose pour que le vaccin soit efficace. Désormais, il suffira d’une semaine…. Le ministre de la Santé s’est réclamé d’une concertation avec Alain Fisher, le 'monsieur vaccin' du gouvernement pour expliquer ce miracle digne de Jésus marchant sur l’eau. … Reste une anomalie. En effet, rien ne change dans le reste de l’UE.»
Sauver plutôt que de contaminer
Le Figaro approuve la décision de Macron :
«Pour le moins, notre liberté trouve sa limite dans celle des autres. Si bien même nous serions prêts à risquer notre vie pour des raisons personnelles acceptables, le droit que nous aurions peut-être de le faire serait relativisé si son exercice mettait en péril la santé, voire la vie des autres. ... Celui qui veut exercer la profession de soignant a au surplus un devoir éthique de sauver la vie des autres ou d'y contribuer, ... . Il a donc un devoir préventif de se faire vacciner tout en gardant la liberté d'exercer une autre profession s'il ne le souhaite pas. C'est encore plus vrai dans un système hospitalier étatique qui laisse peu d'autre choix aux individus pour se faire soigner. De même que l'entreprise demande à celui qui veut être représentant de commerce de justifier d'un permis de conduire, ... il ne paraît pas anormal de demander aux soignants de se faire vacciner pour que l'hôpital sauve plutôt que de contaminer.»
Des effets pernicieux de la coercition
Dans Real News, le chroniqueur Nikos Boyopoulos explique pourquoi il est défavorable à une vaccination obligatoire :
«La vaccination grand angle est nécessaire, mais on n'y parviendra pas par la pression morale, psychologique ou économique, pas plus que par l'octroi de 'privilèges' et de 'contreparties'. La vaccination ne saurait être la soumission à un diktat réactionnaire. C'est un droit dont on peut faire usage en toute connaissance de cause et avec conviction, quand on nous dit la vérité et que la transparence prévaut. C'est ainsi que l'on peut renforcer la responsabilité des personnes. Tout le reste ne peut qu'alimenter les raisonnements irrationnels, miner la protection de la santé publique et conforter la logique des clivages.»
La clé de la liberté
Le Soir résume les débats comme suit :
«Les 'pro-vaccination' jugent aberrant que des soignants mettent en danger la vie des soignés par leur refus. Quant aux 'antis', ils rétorquent qu’imposer l’administration du vaccin revient à nier la liberté individuelle et à méconnaître le risque d’effets secondaires. Air connu… Ce qu’il y a de neuf en revanche, c’est que le vaccin constitue bel et bien aujourd’hui la clé de la liberté. ... Bien sûr, on peut dénoncer le paradoxe qui transforme une obligation en un affranchissement. En réalité, cela n’a rien d’exceptionnel. Vivre en société est par définition une affaire de droits et de devoirs, de latitudes et d’obligations. D’équilibres sur fond de règles démocratiques. La liberté à l’état de nature est un leurre.»
Le licenciement n'est pas une option
Compte tenu du manque de personnel dans le secteur, Frankfurter Rundschau gage qu'une obligation de se faire vacciner ne serait pas viable dans la pratique :
«D'un point de vue juridique, il serait possible de rendre la vaccination obligatoire pour ne pas mettre en danger les patients et les populations vulnérables. Ce genre d'obligation existe déjà pour d'autres maladies infectieuses, notamment la rougeole. Mais le personnel travaille à flux tendu. Aucune clinique et aucun établissement médicalisé pour personnes âgées ne pourrait survivre à une vague de démissions, affecter les aides soignants à des tâches de jardinage ou les mettre à la porte.»