Guerre en Ukraine : que penser des comparaisons historiques ?
Dans une visioconférence devant la Knesset, le président ukrainien Wolodymyr Zelensky a évoqué les desseins de Moscou qu'il a comparés à la "solution finale". Depuis le début de cette guerre, le président de la Russie Poutine est régulièrement comparé à Hitler ou à Staline. Les parallèles sont-ils judicieux ou dangereux ? Les avis divergent dans la presse européenne.
Dans les pas de Staline et de Hitler
Dans le cas de Poutine, les analogies historiques se justifient, lit-on dans Handelsblatt :
«Soyons un brin provocateurs : c'est un Staline au sens où il souffre de paranoïa et n'hésite pas à massacrer son peuple à la petite semaine. En termes de mépris des autres nations, il soutient la comparaison avec Hitler. Le ressentiment de Poutine à l'encontre des Ukrainiens n'a d'égal que la haine de Hitler pour les 'Slaves', considérés comme des sous-hommes selon sa classification. A l'instar d'Hitler, qui destinait à la race arienne, jugée supérieure, l'espace vital à l'Est, Poutine revendique des droits sur l'Ukraine comme zone tampon entre sa Russie et l'Ouest. ... Sur le plan intérieur, Poutine ordonne une purification de son entourage, rappelant les purges staliniennes. Il n'hésite pas à qualifier ses détracteurs de 'racaille et de traîtres'. ... Reste à espérer que l'Ukraine sera le Stalingrad de Poutine, pour faire un troisième parallèle historique.»
Marioupol, le Stalingrad de cette guerre
Pour Visão, l'armée de Poutine va se casser les dents à Marioupol :
«Même si la ville était entièrement occupée - le monde entier espère que ce ne sera pas le cas - pour autant qu'il y ait encore quelque chose à occuper, elle ne tombera jamais aux mains des Russes, de même que Stalingrad n'est jamais tombé aux mains des allemands. Comme à Stalingrad, ceux qui entreront dans la ville seront encerclés, décimés et coupés de leur base arrière qui assure l'assistance logistique. Marioupol est le symbole de la volonté inébranlable des Ukrainiens de ne pas plier face au pouvoir russe et de ne pas céder un territoire libre et souverain. Cette bataille qui entrera dans l'histoire grâce aux milliers de héros anonymes, mais pugnaces et invincibles, coïncide avec le tournant indéniable que l'on observe dans la guerre en Ukraine.»
Un immense capital de sympathie
On n'a pratiquement pas tenu rigueur au président ukrainien pour sa comparaison historique malheureuse, fait remarquer Corriere del Ticino :
«C'était une entreprise répréhensible de la part de Zelensky de comparer la tragédie ukrainienne avec la Shoah, oublieux des pogroms antisémites dont l'Ukraine s'est d'ailleurs rendue coupable à plusieurs reprises au cours de son histoire. Et pourtant, il réussit à gagner les cœurs à sa cause, notamment grâce à sa décision courageuse de ne pas quitter le pays. Un geste qui a peut-être convaincu plus que tous les autres les citoyens et les dirigeants européens, qui se rangent ouvertement du côté de Kiev.»
Mal à propos et dangereux
Selon The Guardian, ce genre de parallèles nuit à la lecture de notre monde actuel :
«Non, la guerre en Ukraine n'est pas comparable avec le Brexit. Non, les Russes ne sont pas des nazis, et les Ukrainiens non plus. Non, Boris Johnson n'est pas Churchill ou Périclès. ... Il est odieux de faire de telles analogies. Les références à l'histoire pour comprendre le présent, sans parler de l'avenir, sont tout juste bonnes pour ceux qui veulent étaler leur savoir dans des postcasts pédants. C'est absurde. ... Il est compréhensible que l'Ukraine cherche à forcer la main à l'OTAN pour qu'elle rejoigne sa cause contre la Russie. ... Mais évoquer des images du 20e siècle d'une Europe meurtrie, n'est pas la bonne manière de s'y prendre. ... Car la plupart des guerres sont le résultat de distorsions historiques.»