Macron appelle à ne pas humilier Moscou
"Il ne faut pas humilier la Russie, pour que le jour où les combats cesseront, nous puissions bâtir un chemin de sortie par les voies diplomatiques" - voilà ce qu'a affirmé le président Emmanuel Macron, dans un entretien accordé à plusieurs journaux régionaux français. Il a par ailleurs estimé que la France était en mesure d'assurer une médiation.
Macron cherche une issue pour la Russie
Dans Fokus, Vitaliy Bala, directeur du think-tank Situations Modeling Agency, craint que le président français ne serve les intérêts russes :
«Macron n'a malheureusement pas précisé ce qu'il entendait par 'humiliation de la Russie'. Peut-être s'agissait-il de contraindre l'Ukraine à la paix pour ne pas humilier la Russie ? C'est lui, au final, qui avait proposé que l'Ukraine renonce à certains de ses territoires. Et si Macron affirme que la France est prête à assurer une médiation, on a l'impression que le président français recherche une issue acceptable pour la Russie, plutôt que de songer à sanctionner l'agresseur et à le faire comparaître en justice pour les crimes et les atrocités qu'il commet.»
Ne pas faire le jeu de Poutine
La position de Macron est dangereuse, prévient John Sawers, ex-directeur de l'agence de renseignement britannique MI6, dans le quotidien Financial Times :
«Les dirigeants ukrainiennes craignent que de tels commentaires soient le prélude à un nouveau cycle diplomatique visant à obtenir un cessez-le-feu prématuré, qui permettrait à Poutine de sauver la face - au détriment de l'Ukraine. ... Si la diplomatie européenne accepte de laisser à nouveau la Russie préserver ses gains territoriaux, alors Poutine cimentera sa position en Russie et il se sentira habilité à mener une nouvelle campagne militaire à l'avenir. ... Un cessez-le-feu prématuré permettrait à Poutine de transformer une défaite annoncée en victoire in extremis. Aucun leader occidental ne doit concourir à un tel développement.»
Une bise sibérienne souffle sur Paris
Spotmedia verse dans le sarcasme :
«Peut-être les paroles de Macron s'adressaient-elles à Kyiv, qui a plongé le monde européen dans une crise parce que le président ukrainien ne voulait pas renoncer à la Crimée et au Donbas, et n'a pas suivi les consignes de la France et de l'Allemagne prévues par le format Normandie, qui faisait la part belle à Monsieur Poutine. Peut-être cela aura-t-il contrarié Monsieur Macron, car la médiation de Paris a été un fiasco et n'a pas réussi à empêcher une invasion qui nous vaut aujourd'hui une explosion du prix du gaz. ... Si nous rajoutons à ceci les propos de l'ex-ministre français des Affaires étrangères, selon lequel l'Ukraine ne deviendra pas membre de l'OTAN avant 15 ans, on comprend que ce n'est plus le mistral qui souffle sur le palais de Monsieur Macron, mais une tempête de neige sibérienne.»
C'est jouer avec les vies humaines
Sur LRT, la politologue Rima Urbonaitė tire la sonnette d'alarme :
«Macron et d'autres dirigeants jouent un jeu de plus en plus dangereux. Un jeu qui risque de provoquer une division du bloc occidental, mais aussi de se solder par un tribut encore plus lourd en vies humaines, si Moscou interprétait ces propos comme la possibilité de pousser le bouchon encore plus loin. Si l'on prend des sanctions d'une main, mais que de l'autre, on parle d'une humiliation à laquelle il faut mettre fin, la Russie y verra un blanc-seing pour d'autres provocations. ... Il faut croire que la vie n'a pas la même valeur partout. A bon entendeur...»
De quoi vous donner la nausée
Le président français a probablement passé trop de temps au chevet de Poutine, lit-on dans Sme :
«L'idée même qu'il ne faut surtout pas brusquer l'âme sensible d'un barbare qui pille un pays voisin et massacre des civils a de quoi vous retourner le ventre. ... Il faut rappeler à Macron, mais aussi aux Slovaques compréhensifs envers Poutine, que tous ceux qui préconisent une solution diplomatique doivent s'adresser à Moscou, et non à Kyiv. L'Ukraine ne peut pas parler à Poutine tant que les lignes de front ne seront pas revenues au niveau d'avant le 24 février. C'est la condition minimale. Si Kyiv transigeait sur ce point, elle trahirait les 93 pour cent de ses citoyens qui soutiennent aujourd'hui clairement la défense territoriale.»
Pas un homme d'Etat
Si le président français prône la souveraineté de l'Europe, il refuse de la défendre au moment critique, déplore l'analyste Sebastião Bugalho dans Diário de Notícias :
«Maintenir des canaux de communication viables entre le Kremlin et l'Occident est une chose, promouvoir l'appeasement en plein conflit en est une autre. L'individu qui entendait rapprocher l'Europe de Moscou et participer aux côtés de Poutine au défilé commémoratif de l'Armée rouge, et qui a déjà été contraint de revoir ses déclarations sur l'intégrité territoriale de l'Ukraine, serait bien inspiré d'adopter un autre ton. ... Les 100 premiers jours de la guerre ont montré une fois de plus que Macron était surtout un homme de concepts, et non un homme d'Etat.»
Le rêve de jouer un rôle d'exception
Macron cherche vainement à attraper le train en marche, estime Frankfurter Rundschau dans son éditorial :
«Sauver le monde grâce à l'action de la diplomatie française... Comme s'il suffisait que quelques têtes pensantes au Quai d'Orsay élaborent des compromis - Minsk III, IV ou V. Mais les choses ne fonctionnent plus ainsi, hélas. ... La guerre de la Russie devait marquer le ralliement de toutes les démocraties européennes. Mais Macron insiste sur le rôle éminent de 'puissance médiatrice' de son pays, comme si la France était différente des autres pays, pourvue d'une âme et de talents incomparables.»
Une communication déplorable
Macron aurait dû expliquer sa position de façon plus circonstanciée, juge Le Point :
«La diplomatie et la guerre peuvent être pratiquées simultanément, ce n'est pas une nouveauté. … Ce chemin de crête aurait toutefois gagné à être mieux expliqué. C'est un paradoxe de voir la France, le pays le plus actif en faveur de la défense européenne et le seul à disposer d'une véritable armée sur le continent, être accusée de mollesse, laquelle minerait l'ambition de l'Union en la matière au profit de l'OTAN. … Une visite de Macron à Kiev aurait sans doute été utile. Elle aurait rendu plus aisé son discours - qui s'entend - selon lequel un engagement sans faille aux côtés de l'Ukraine aujourd'hui n'empêche pas de réfléchir à plus long terme.»
Ne pas abandonner l'Ukraine
Ilta-Sanomat craint que le temps joue en faveur de Poutine :
«La France n'est pas la seule à être confrontée à des incertitudes croissantes ; en raison de la guerre d'agression russe, puis des sanctions économiques, les coûts de l'énergie et des denrées alimentaires ont augmenté dans toute l'Europe, Finlande incluse. Le risque, c'est qu'en raison de la hausse du coût de la vie, l'attention de l'opinion publique - et donc celle des décideurs politiques - se focalise sur l'économie, au détriment de l'Ukraine. Il faut donc tout faire pour ne pas abandonner l'Ukraine à son sort. Il est nécessaire de mettre fin à la guerre avant que celle-ci et l'urgence dans laquelle se trouve le pays ne tombent dans l'oubli.»