Ukraine : vers des négociations Etats-Unis / Russie ?

Le président américain, Donald Trump, s'est entendu mercredi par téléphone avec son homologue russe, Vladimir Poutine, pour entamer "sans tarder" des négociations de paix dans la guerre en Ukraine. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a confirmé que Moscou était disposé à dialoguer. Trump a parlé ensuite avec Volodymyr Zelensky - une "discussion positive et détaillée", selon le président ukrainien. La presse se demande toutefois si l'Ukraine et l'Europe auront suffisamment voix au chapitre.

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NV (UA) /

Le pire scénario imaginable

Sur le portail NV, la politologue Mariya Solkina fait part de son pessimisme :

«Trump ne s'en tient pas à sa position initiale, à savoir 'faire pression sur les deux camps'. Et dans le ton de ses échanges avec Poutine, on perçoit loyauté, sympathie et compréhension mutuelle. Dans de telles conditions, et avec une telle approche, un cessez-le-feu (une perspective du reste probable) ne peut fonctionner, et une guerre de plus grande ampleur en Europe devient inévitable. Il n'y a aucune garantie de sécurité en vue. Sans la participation des Etats-Unis, la mise sur pied d'une force d'interposition paraît peut probable : la force et le courage viendraient à manquer [aux Européens], car dès que l'illusion de protection par l'OTAN se sera dissipée sous l'action de Trump, les pays disposant d'armées dignes de ce nom s'emploieront d'abord, en cas de guerre, à protéger leur territoire national respectif.»

Onet.pl (PL) /

Déployer une troupe d'interposition européenne

La Pologne doit aider l'Europe à montrer les dents, fait valoir le portail Onet.pl :

«Les alliés européens font face à une décision grave. Les Etats-Unis ne prévoyant pas l'envoi d'une troupe d'interposition en Ukraine, les Européens devraient déployer leurs propres soldats, afin que les Russes comprennent qu'en cas de nouvelle guerre, ils n'auront pas affaire à un contingent symbolique et légèrement armé, qui se retirera dès les choses se corseront, mais aux forces armées du Royaume-Uni, de France, d'Allemagne, de Suède, d'Espagne et autres. ... Comme il est dans notre intérêt que des troupes occidentales soient stationnées en Ukraine, il est nécessaire que la Pologne indique clairement qu'elle participera, elle aussi, à ce contingent.»

Ekho (RU) /

Le bellicisme ne saurait être récompensé

Dans un post Telegram repris par Ekho, le politique d'opposition Andreï Pivovarov souligne que la guerre ne peut être érigée en moyen efficace de résoudre des litiges :

«Bien entendu, la fin des combats et le sauvetage de vies humaines représentent une perspective salutaire. Mais un potentiel accord de paix créerait un dangereux précédent, en établissant qu'au XXIe siècle, il est recevable de 'régler des différends' et de consolider des conquêtes territoriales par la violence. ... La fin de la guerre est indubitablement une bénédiction, mais elle ne peut avoir pour effet de récompenser le bellicisme.»

Frankfurter Allgemeine Zeitung (DE) /

Dangereux au plan géopolitique

Si ce qui a filtré du projet de solution de Trump est confirmé, ce serait une rupture majeure avec la politique menée jusque-là par l'Occident, écrit Frankfurter Allgemeine Zeitung :

«Il ne pourra plus y avoir de victoire de l'Ukraine dans ces conditions. Si Moscou devait accepter un cessez-le-feu suivant ces lignes, alors ce serait indéniablement un grand soulagement pour les habitants en Ukraine et les soldats des deux camps. Mais sur le plan géopolitique, cela marquerait selon toute vraisemblance le début d'une nouvelle phase d'insécurité en Europe, car la Russie pourrait restaurer ses capacités militaires, et tabler sur le fait qu'une OTAN désormais limitée à l'Europe ne serait pas un adversaire aussi redoutable qu'elle l'était jusque-là.»

Eesti Päevaleht (EE) /

Le droit international en passe d'être bafoué

Dans Eesti Päevaleht, le président de la commission chargée de la défense au Parlement estonien, Kalev Stoicescu, déplore ce développement :

«Personne ne parle plus de la responsabilité de Poutine. Il n'est plus jugé nécessaire de fixer des conditions préalables à la Russie pour l'ouverture de négociations, encore moins de forcer la Russie à rendre des comptes pour ses agressions et ses crimes de guerre. Céder aux conditions de la Russie, cela reviendrait à bafouer brutalement le droit international et les droits des peuples et des Etats libres. ... La situation pourrait encore évoluer, mais actuellement, la Russie a toutes les raisons d'être optimiste.»

La Repubblica (IT) /

Jouer le jeu

La Repubblica conseille à l'Europe de suivre les idées de Trump :

«La partition de l'Ukraine en deux zones par le biais d'un cessez-le-feu, comme cela s'était produit en 1953 en Corée le long du 38e parallèle, sera le point le plus délicat. Notamment parce que la nouvelle frontière ferait plus de 1 000 km de long et nécessiterait pour sa surveillance de gros contingents militaires, qui seraient issus d'Europe et de Turquie – mais aussi d'Italie. Il faut donc que l'Europe coopère avec le nouveau président américain, contrairement à ce qu'elle a fait jusque-là. ... Il est évident que Trump amorce une rupture nette, mais l'intérêt de l'Europe passe toujours par une consolidation du camp atlantique, ce qui signifie accepter le défi d'une approche commune et 'non conventionnelle', afin de trouver une issue à des conflits qui restent irrésolus.»

Avvenire (IT) /

Territoires pour la Russie, terres rares pour les Etats-Unis

Les approches respectives de Trump et de Poutine rivalisent de cynisme, déplore Avvenire :

«Ils parleront de négociations, de paix, de nouveaux accords. Mais derrière cette entreprise se trouve, de manière à peine dissimulée, le butin sur lequel les deux dirigeants cherchent à mettre la main : de nouveaux territoires pour la 'Sainte Mère Russie' (Donetsk, Lougansk, Marioupol) ; des terres rares, joyaux de la technologie du futur (lithium, béryllium, lanthane, cérium, néodyme), et des hydrocarbures pour Washington - d'une valeur de 500 milliards de dollars, une somme suffisante pour 'compenser' et 'rentabiliser' les 174 milliards de dollars dépensés par Washington pour soutenir Kyiv. Donnant-donnant selon la logique mercantiliste de Trump ; donnant-donnant dans celle, néo-impérialiste, de Poutine.»

Ekho (RU) /

Des inquiétudes, de Bruxelles à Pékin

Dans un post Telegram relayé par Ekho, le journaliste Dmitri Kolesov juge qu'un "deal" ficelé par Trump déplairait à plusieurs acteurs internationaux :

«Trump ne pourra satisfaire tous les souhaits de Poutine, et la position de l'Ukraine et des Etats de l'UE ne pourra être occultée. Pour les Européens, il est préoccupant que Washington réclame clairement de 'reformater' l'OTAN et de ne plus allouer de fonds à la sécurité de l'Europe. Par ailleurs, Poutine rêve probablement d'obtenir l'approbation des Etats-Unis pour que la Russie puisse agir à sa guise dans sa sphère d'influence, dans laquelle figurent potentiellement les PECO. Il sera intéressant de voir quelle sera l'action de la Chine. Le soudain rapprochement entre Moscou et Washington ne devrait pas beaucoup plaire à Pékin.»

Le Temps (CH) /

La fin d'un partenariat

Avec cette annonce, la situation est claire désormais, commente Le Temps :

«L'Ukraine sera-t-elle invitée aux négociations de paix ? ... 'Question intéressante', a osé Donald Trump, plus tard dans la journée, comme s'il n'y avait jamais pensé. Et d'appeler le président ukrainien à se soumettre à des élections, un classique de la propagande russe. Car Vladimir Poutine est le dictateur le mieux élu de la planète. Inutile de s'interroger sur la part d'ignorance et de cynisme chez le président américain. Au soir de ce 12 février 2025, il faut se rendre à cette inquiétante évidence : l'Ukraine et ses alliés européens ne peuvent plus compter sur les Etats-Unis.»

The Daily Telegraph (GB) /

La conséquence d'échecs à répétition

L'Europe ne peut se plaindre si Trump prend les commandes, juge The Daily Telegraph :

«Certaines capitales réagiront certainement avec indignation à la perspective que l'avenir de leur continent soit scellé sans leur participation directe. ... Mais les chefs d'Etat et de gouvernement, qui, en dépit des avertissements répétés, ont omis d'augmenter les dépenses de défense, ne peuvent pas dire grand-chose aujourd'hui. L'enseignement selon lequel l'Europe devait assumer la responsabilité de sa propre défense, il aurait fallu le tirer bien plus tôt, quand Barack Obama avait renoncé à faire respecter ses lignes rouges en Syrie. ... Cela n'a pas été fait, ce qui atteste davantage les échecs répétés de l'Europe que la perfidie de Washington.»